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« Les flammes de Nder » : par devoir de mémoire (Note de lecture)

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Pour mieux conter le monde actuel, Sémou Mama Diop, auteur du livre «Les flammes de Nder», paru aux éditions Athéna-édif en avril 2016, ressuscite les héroïnes de l’histoire qui ont porté la légende de Nder, pour mieux raconter les drames d’aujourd’hui.

Nder est une contrée, nichée dans le nord du Sénégal, rendue célèbre par la légende de ses femmes qui ont préféré se brûler vives, plutôt que d’accepter l’asservissement.

C’est l’histoire de ces femmes que ressuscite l’auteur pour camper son ouvrage inspiré de faits d’actualité, notamment le fanatisme et la violence armée, qui secouent le monde entier et atteignent des niveaux inimaginables. Le tout, dans un environnement social caractérisé par la perte des repères. L’histoire se veut donc le récit de notre tumultueux présent.

«Les flammes de Nder», c’est aussi, en partie, le parcours épique d’un héros méconnu de l’histoire, dont le courage est magnifié à travers le rebondissement d’un récit plus qu’actuel.

«Peut-il remonter sans amertume le cours de sa vie, celui qui a vécu toujours soumis ?», s’interroge l’auteur par la voix d’un de ses personnages. Nder est une valeur symbolique dans un monde où, par quelque idée subtile, on piétine la dignité de l’homme, et de la femme.

Dans cette partie du Sénégal, presque abandonnée à elle-même malgré le symbole qu’elle porte, l’inquiétude est perceptible dans les cœurs et les esprits. Le mal sévit et il est incarné par moult choses qui agitent le globe. Entre dénuement social et misère intellectuelle, Nder n’a plus le choix.

«A Nder, la misère avait nourri chez certains les ressentiments les plus profonds, drainé dans les méandres ténébreux de leur esprit de morbides élucubrations, forgé dans leur cœur une rancœur immarcescible». D’emblée, l’auteur note les angoisses d’une société sur la voie de la décadence.

Avec un art délicat de la description, l’auteur sans complaisance,
s’invite dans des lieux symboles de la vie commune, dans des atmosphères chaudes, avec des personnages atypiques. Chaque étape du récit comporte son péril. Il décrit un environnement social fermé à toute « possibilité », et finalement à la merci du moindre soubresaut.

Au cœur de l’histoire, l’arrivée des « bandes armées », qui en plus
d’être une problématique, freine le développement.

Ici, c’est plutôt la religion qui prend une tournure inattendue. La jeunesse, fragilisée par les questions d’ordre économique et social dans un milieu en perte de valeurs, devient une cible facile des « djihadistes ». Là on touche à la racine du mal.

Cette proie facile est personnifiée dans le livre par Badou qui, face à l’échec scolaire et social, face au chômage, se rabat dans le fanatisme religieux son issue de secours. Et voilà où débute tout.

«A Nder, il se sentait comme une carcasse vide, un mortier fêlé abandonné dans ses vieux jours au fond d’une cour bruyante et joyeuse. Il s’était rapproché du marabout, avait adopté des habits et des airs de dévot, fréquentait avec assiduité la mosquée.(…) Il ressemblait à un comédien qui entrait en scène une fois le rideau baissé et les acclamations estompées. Ses propres parents lui reprochaient son inactivité, son manque d’ambition. Mais n’était-il pas sur les sentiers du Salut ? Ceux qui trimaient pour les choses matérielles, les biens d’ici-bas, avaient-ils plus de mérite que lui, qui labourait jour et nuit dans les pâturages du Seigneur ?», narre l’auteur en nous présentant la nouvelle jeune recrue de l’Emir Ould Moctar.

A Nder, le décor devient sombre malgré la présence de quelques braves gens. Ils ont cru jusque-là à la quiétude et la noblesse de leur village qui garde encore la nostalgie et les reflets des flammes d’un certain mardi, deux siècles auparavant. C’est sans compter avec la détermination du diable, qui souffle le feu sur ce coin paisible et frappe au cœur de l’écusson de Nder.

A l’image du marabout, qui devrait apparaître comme un «simple» guide religieux, d’autres personnes, à l’instar de l’imam corrompu, investissent le réseau des fanatiques et sèment le désordre.

Par endroits, on croirait lire un article de presse décrivant les soubresauts qu’ont vécu dernièrement les pays du Sahel, et plus particulièrement le Mali au cœur de la menace « djihadiste ». Les références aux cités maliennes soumises à la violente domination des « djihadistes », aux institutions sous-régionales ouest-africaines, ou encore à l’ancienne puissance coloniale sont explicites et ne laissent aucun doute sur les sources d’inspiration de l’auteur.

Dans ce récit écrit avec passion, se lit un drame que certains ont vécu. Et la tragédie s’abat sur un peuple de femmes. Encore les «femmes de Nder» qui ont su déchiffrer le message à temps et donner le signal du refus. Cette fois encore, elles ont préféré offrir leurs corps aux feux que de les livrer à des déments. Ces « djihadistes » qui emmènent les femmes, pour les violer en plus !

Comme par le passé ici aussi, les femmes réagissent et répètent le geste de leurs ancêtres, car elles savaient que « c’était Nder, son histoire et son âme qui seraient à jamais ensevelis dans les abysses ténébreux de l’oubli» si elles se laissaient prendre. Une autre fin héroïque de cette nouvelle génération de « femmes de Nder » dont le courage est célébré – face à l’apathie des mâles.

Et Sidiya Léon Diop, le prodige surgit, se saisit de l’héritage pour infliger une punition historique à la bande qui a attaqué Nder et détruit son espoir !

C’est ce héros ayant fini de parcourir le monde qui, dans un dernier sursaut, sauvera Nder de la menace des envahisseurs.

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