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« Les sentiers perdus » : de l’aventure… et de l’épreuve humaine (Note de lecture)

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Comme dans la réalité, on fait rarement de serment avec la vie. On tient toujours à cet effluve de bien être qu’on va chercher jusque dans les ricochets d’une aventure.

Abdoulaye Fodé Ndione, auteur des «sentiers perdus», recueil de nouvelles publié aux Editions Feu de brousse en 2012, en fait une chronique, où la réalité sociale — dans une capitale africaine plus que jamais présente — reflète la difficile condition humaine.

Dans cette fiction, la douleur est contée et le sacrifice célébré. Au bout de l’histoire, on arrache presque… le cauchemar.

Dans une période indéfinie, les héros espèrent trouver un souffle de vie. Mais le destin s’invite sans crier gare. C’est écrit ! Des vécus simples et bien conçus dans leur imagination qui défient le temps et l’espace, laissant pour seule empreinte leur combat aussi surprenant que séduisant.

Pour un jeune citadin désœuvré et plein d’illusions, il n’y a pas plus grand espoir que le bleu de l’azur qui, en voisin attrayant, semble apporter des messages de délivrance. Le mot d’ordre : Réussir ou périr. Lui préfère s’engager sur ce pont vers la réussite, au-delà de son fief natal pour fuir un environnement social de plus en plus hostile.

Ici, la mer reste non pas le seul lien mais l’unique voie à portée qui mène à la terre promise : l’Europe de «l’espoir». Pour Asse Malick et ses camarades d’infortune, le jeu en vaut la chandelle.

Fodé Ndione, en décrivant la peur d’un présent éprouvant, mêlée à un besoin pressant d’arriver à une fin (quelconque?), offre des scènes surprenantes dans son genre.

«Asse vivait dans la maison de sa belle-famille. Le couple avait un garçon de deux ans et sentait la vie qui l’oppressait de jour en jour. Cette situation l’installait souvent dans des excès de nervosité. Il fallait, pour lui, trouver une solution rapide sans faillir à sa réputation d’homme pondéré», annonce l’auteur dès l’entame d’un texte chargé qui décrit les misères de toute une société.

Entre l’Africain qui s’accroche à ses prières (autres illusion de bonheur) et une fenêtre sur les politiques migratoires, qui montrent l’échec des systèmes mis en place. L’auteur ne s’éloigne jamais des dérives pour inviter à la réflexion sur nos propres responsabilités.

«Il est tard alors. Nous laisserons tout à ceux qui nous empêchent de gagner notre pain», dira Kalou, autre compagnon désemparé mais conscient, une fois sur l’infortunée pirogue qui les mena vers un sentier où tout est perdu d’avance.

Objet de sa déchéance, le «sentier» de Baye, jeune étudiant en perte de repères, n’en est pas moins dramatique. Il évite la difficulté scolaire et s’engage dans la voie…de l’incommodité.

Convaincu de son sort présent et futur, il est prêt à tout pour oublier sa condition misérable. «Il marchait doucement dans la rue, la tête noyée dans une brume légère. Il replaça l’argent dans sa poche en le serrant. Subitement une idée diabolique traversa sa tête. L’effet de la drogue était si dévastateur que ses désirs inopinés et criminels le bousculaient sans soucis des conséquences…».

L’attente ne fut pas longue. Comme une délivrance, la mort est venue chercher son cœur bien trop empli des incertitudes de la vie.

Cependant, aucun désespoir ne doit fausser le jugement humain.

Oumar Diop l’aura simplement démontré, pour survivre au tragique et se réincarner à la vie. Parti à l’aventure professionnelle, il perdit… le sentier suite aux événements tragiques entre la Mauritanie et le Sénégal. Un drame qui le jeta, amnésique, sur l’autre côté du fleuve Sénégal.

Entre le deuil consommé par sa famille et sa rencontre avec une autre, son destin est écrit : «Mame Fatim courut vers l’escalier et disparut devant ce dilemme cruel qui n’a pas de qualificatif. Ma succession était réglée. En miraculé, j’étais bien là, gênant et décidé à reprendre mon identité en entier…», s’écrie le héros de la troisième et dernière nouvelle du recueil d’Abdoulaye Fodé Ndione.

Hélas ! Il en fut pour lui une autre identité qu’il accepta pour «arranger» les choses entre lui et son frère. Réapparu à sa famille, il préféra se dérober devant le tableau qui s’offre à lui. Il consentit au sacrifice pour surseoir au malaise social. Sa décision est sans appel.

«L’amour qui nous a créés nous sert de lien et ne peut être autrement que l’amour, c’est dire : qu’il faut accepter de s’oublier pour que l’autre soit. Ibrahima, je sais, que si tu étais le revenant, tu serais aussi le partant comme moi. Vous savoir ensemble Mame et toi, me donnera davantage de l’espoir pour la vie», lâcha enfin Oumar Diop à l’endroit de son frère qui partage désormais la vie de la femme qu’il avait épousée et avec qui il a déjà eu un enfant avant de partir en mission.

Le destin voulut qu’il soit oublié et trahi mais le choix de la raison le réhabilita dans le plus pétillant espoir humain, celui de la renaissance consacrée…auprès de sa famille adoptive de Ndama Toucouleur qui lui donna vie et gloire.

Dans ce recueil, l’auteur offre un tableau touchant et projette ses lecteurs dans une perception plus émouvante de la condition humaine. Il esquisse la douleur et concentre sa rhétorique autour d’une certaine philosophie de la vie, célébrée et planifiée, avec des espoirs reconstruits et des audaces reconverties. C’est surtout un riche plaidoyer pour la vie.


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