Ouestafnews – L’année 2018 a été celle des nouvelles orientations économiques pour deux pays anglophones d’Afrique de l’Ouest : la Sierra Leone qui poursuit une reconstruction économique sur fond de lutte contre la corruption et le Ghana dont le président Nana Akuffo-Addo reste déterminé à évoluer sans le Fonds monétaire international (FMI). C’est le premier d’une série d’articles « bilan » sur la sous région qu’Ouestaf News offre à ses lecteurs.
Elu en avril 2018 à la tête de la Sierra Leone, Julius Maada Bio a aussitôt entamé une campagne de lutte contre la corruption. Une campagne de reddition des comptes qui touche principalement les membres du gouvernement de son prédécesseur, Ernest Bai Koroma qui a dirigé le pays pendant 10 ans. Ce dernier avait pris les commandes d’un Sierra Leone à peine de sorti d’une longue période de guerre civile.
Dans son programme, le nouvel élu Maada Bio a promis un « leardership efficace, de l’intégrité et de la transparence ». Une orientation qui, selon lui, dicte l’ouverture d’une campagne de lutte contre la corruption.
« La corruption n’est pas seulement un problème de gouvernance, mais pour le cas précis de la Sierra Leone, il s’agit d’une menace à la sécurité nationale », a souligné le président Maada Bio, devant le parlement en mai 2018.
Eradiquer la corruption
Ainsi, Alfred Paolo Conteh et Sannah Marrah, respectivement ministre et vice-ministre de la Défense sous l’administration Koroma ont été arrêtés le 21 décembre 2018. La Commission de lutte contre la corruption (ACC) leur reproche une présumée affaire de corruption dans des appels d’offres liés à l’achat d’équipements pour l’armée.
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Ces deux arrestations font suite à celles de l’ancien vice-président, Victor Foh et de l’ex-ministre des Mines Mansaray Minkailu, qui attendent leur procès depuis juillet 2018.
Le dossier d’inculpation de Paolo Conteh et de Sannah Marrah ne devrait pas tarder, selon l’ACC.
Pour l’ancien vice-président et l’ex-ministre des Mines, ils ont vivement nié les accusations de corruption, soulignant une « chasse aux sorcières politiquement motivée ».
Les enquêtes menées par la Commission de lutte contre la corruption dont les pouvoirs ont été renforcés se sont soldés par la récupération d’un montant d’un millions de dollars, d’après les chiffres fournis par le directeur de l’ACC, Francis Kaifala.
Kaifala a aussi affirmé à la presse que plusieurs anciens responsables de l’ancienne administration ont trouvé des « arrangements » avec l’ACC pour éviter des procès.
Dans le classement 2017 de l’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency international, la Sierra Leone occupe le 130ème rang sur 180 pays classés. La corruption dans ce pays est «systémique » et touche « tous les segments de l’administration publique », selon Transparency.
Economie encore à reconstruire
Malmenés par la chute des cours des matières premières et les conséquences de l’épidémie d’Ebola, l’économie sierra léonaise souffre.
Moteur de l’économie nationale, les mines selon des chiffres du gouvernement, représentent 24% du Produit intérieur brut et assurent 80% des recettes d’exportations du pays. Aujourd’hui ce secteur fonctionne « bien en deçà de son potentiel à cause d’un déficit cruel de transparence », a estimé le président Maada Bio.
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Courant 2019, la reconstruction économique va s’articuler autour de la poursuite de la lutte contre la corruption mais aussi autour des efforts pour le retour de la croissance.
De 6,3% en 2016, le taux de croissance a chuté à 3% en 2017 en raison des faibles performances du secteur minier, précise le gouvernement.
Le président Maada Bio qui dit avoir hérité d’une « situation difficile » devra aussi trouver des solutions concernant la dette publique qui atteint 2, 6 milliards de dollars. Une « lourde charge » qui a pour conséquences une impossibilité pour le moment d’investir dans les services sociaux de base, déplore le président.
Pour la Banque mondiale le pays se doit de relever le défi de la transparence dans la gestion des ressources naturelles et la mise en place d’une fiscalité propice au développement économique.
Ghana : évoluer sans le FMI
Au Ghana, un des moteurs économiques de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), les préoccupations sont bien différentes, comparées à celles de la Sierra Leone.
De la gestion de Nana Akuffo-Addo élu à la tête du Ghana en janvier 2017, on retiendra surtout une ferme volonté d’affranchir son pays de la tutelle du Fonds monétaire internationale (FMI).
Le principal point de désaccord tourne autour du programme d’assistance évalué à 918 millions de dollars conclu en 2015 par John Dramani Mahama, le prédécesseur de Nana Akuffo-Addo.
Ce programme, étalé sur trois ans et qui vient de prendre fin, devrait contribuer à la relance de l’économie dans un contexte marqué par la montée de la dette et une forte inflation. A quelle condition ? Le FMI imposait en échange une limitation des dépenses publiques, ce qui a obligé le gouvernement à suspendre des recrutements dans la fonction publique. Des conditionnalités qui empêchent l’actuel président de dérouler son programme, notamment la promesse de milliers d’emplois pour les jeunes.
Un des moments forts de l’année 2018 aura donc été le dépôt en novembre sur la table de l’Assemblée nationale d’une loi de finances élaboré sans l’immixtion du FMI. Ce qui signifie que le pays va vivre l’année 2019 avec un budget entièrement financé, sans le concours de l’institution financière internationale, souvent critiquée en Afrique.
S’appuyant sur de fortes prévisions de croissance courant 2019, le Ghana peut se permettre ce coup de poker risqué, selon les observateurs.
Croissance stable en vue
Dans sa revue «The World in 2018», le magazine The Economist classe le Ghana parmi les pays les plus performants en Afrique avec un taux de croissance de 6, 7%.
Quant à la Banque mondiale elle prévoit même un taux de croissance de 8% au Ghana pour l’année 2018.
Second producteur mondial de cacao derrière la Côte d’Ivoire et pays exportateur de pétrole, en plus de son secteur minier, l’économie ghanéenne est considérée comme parmi les plus diversifiées du continent. Dans le moyen terme (2018-2020), il faut s’attendre à une croissance annuelle moyenne de 5%, c’est-dire plus que la moyenne régionale, selon The Economist.
En 2019, la dette de 15 milliards de dollars due aux entreprises et fournisseurs locaux sera épongé, a promis le ministre des Finances, Ken Ofori-Atta. Une annonce qui selon Nana Agyenim Boateng le directeur de la Chambre de commerce et d’industrie (GNCCI), présage d’une année 2019 bien meilleure que 2018.
L’année 2019 sera marquée très suivie dans ce pays qui tente une nouvelle expérience « Ghana Beyond Aid » (Le Ghana au-delà de l’aide), une orientation audacieuse qui explique l’actuelle cohabitation difficile c avec le FMI.
En visite officielle du 16 au 18 décembre 2018, la directrice du FMI, Christine Lagarde a écarté tout commentaire sur la volonté des autorités d’Accra de s’affranchir de l’institution qu’elle dirige.
Le gouvernement qui compte investir massivement dans les infrastructures, a préféré rejoint en ce mois de décembre, la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB, sigle en anglais). Un autre pied de nez au FMI, longtemps considéré comme le gendarme de l’économie et de la finance mondiale.
L’AIIB a été créée en octobre 2014 à l’initiative de la Chine, dans le but de concurrencer le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Le Ghana rejoint cette institution à côté d’autres adhérents africains comme le Togo, l’Ethiopie ou encore le Kenya.
MN/on/ts
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