Au début de l’histoire, un rapport produit en 2011 par l’ONG sierra –léonaise Green Scenery, après que le gouvernement sierra-léonais ait accordé à Socfin un bail de 50 ans, sur une surface de 6.500 hectares de terres dans la localité de Pajehun (sud), où vivent plus de 9000 cultivateurs locaux.
Mécontent du contenu du rapport, qui dénonce des pratiques de « corruption et d’intimidation » des paysans qui n’ont pas été correctement dédommagés, Socfin a intenté un procès contre Green Scenery pour diffamation.
Joint par Ouestafnews, le directeur de Green Scenery, Joseph Rahall, a fait savoir que malgré les efforts de leur avocats pour faire bouger le dossier, celui-ci traîne devant les tribunaux sierra-léonais et aucune audition n’a eu lieu depuis janvier 2013 .
« Il s’agit là tout simplement d’une stratégie mise en place pour réduire au silence des voix critiques dans un système démocratique qui se dit pourtant protecteur des droits humains », a-t-il protesté .
A travers le monde une douzaine d’organisations non gouvernementales ont apporté leur soutien à Green Scenery dans son combat à travers une déclaration dont copie est parvenue à Ouestafnews .
« Le délit de diffamation reproché à Green Scenery vise uniquement à bâillonner une organisation dont le seul but est de défendre les droits élémentaires des paysans, dépossédés de leurs terres », indique Frédéric Mousseau du Think Tank américain l’Institut Oakland, qui a aussi produit rapport incriminant les activités de Socfin en Sierra-Leone.
Pour Devlin Kuyek de Grain, portail d’informations spécialisé dans le phénomène de l’accaparement des terres, Socfin est coutumier de telles pratiques.
« Ses filiales au Liberia, au Cameroun et au Cambodge ont brandi la menace d’une action en justice afin de bâillonner les médias et les ONG », précise-t-il.
Dans un document consulté par Ouestafnews, Socfin rejette en bloc toutes ses accusations et parle de « texte biaisé » et « politiquement motivé », tout en soulignant qu’elle a toujours fait appel à Green Scenery et à d’autres ONG pour superviser ses activités, ce qu’elles ont catégoriquement refusé.
Les responsables de l’entreprise ont aussi attiré l’attention sur le fait qu’une première décision la justice sierra-léonaise, leur avait donné raison sur le délit de diffamation, bien que le contentieux ne soit pas totalement vidé.
Le groupe Bolloré, détient 38,7 % de Socfin. Avec 150.000 hectares à sa disposition en Afrique et en Asie, Socfin se définit comme l’un des « premiers planteurs » dans le monde.
La question de « l’accaparement des terres » est devenu un des grands fléaux auxquels l’Afrique fait face aujourd’hui. On estime à 200 millions ha, les superficies vendues ou louées à des privés, adeptes pour la plupart de l’agrobusiness. Ces cessions de terre se font dans la plupart des pays africains au mépris des droits des communautés indigènes et constituent une grave menace à la sécurité alimentaire, selon plusieurs experts..
Au-delà de Socfin, d’autres organisations comme la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale) ont été souvent accusées de favoriser l’accaparement des terres dans les pays en voie de développement, sous couvert d’investissement, d’aide ou de libéralisation.
La ruée vers les terres fertiles d’Afrique s’est accentuée au lendemain de la crise alimentaire de 2008 qui avait provoqué dans plusieurs pays africains des soulèvements populaires appelés « émeutes de la faim ».
Selon l’ONG Oxfam, 60 % des acquisitions de terres se sont déroulées en Afrique et entre 2002 et 2012, les prêts accordés par la Banque mondiale aux investisseurs fonciers sont passés de 2,5 à 8 milliards de dollars.
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