Ouestafnews (en collaboration avec Le Média citoyen, Côte d’Ivoire) – L’accès aux soins dans les structures publiques de santé en Côte d’Ivoire pose problème. Malgré la mise en place de la Couverture maladie universelle (CMU), en 2014, les Ivoiriens continuent de se plaindre.
« La gratuité des soins n’est pas effective. Les coûts des consultations sont bien affichés », se désole Aline Diomandé, au sortir de sa consultation de ce mardi 27 décembre 2022 à la Formation sanitaire urbaine Hinneh d’Abobo PK 18. La structure de santé est un « hôpital de premier contact » et Aline y fait ses consultations prénatales depuis sept mois maintenant.
Dans le système sanitaire ivoirien, « un hôpital de premier contact » signifie le structures de santé de proximité dans comme les centres de santé communautaires et urbains.
En pédiatrie, la consultation coûte 5.000 FCFA. Aline affirme acheter certains médicaments à la pharmacie de l’hôpital et le reste de ses ordonnances est payé dans les officines privées.
En 2014, le gouvernement ivoirien a mis en place une loi pour la Couverture maladie universelle (CMU). Celle-ci prend en charge les consultations généralistes, les consultations et soins d’urgences médico-chirurgicales et les hospitalisations médicales et chirurgicales. Les consultations prénatales font également partie de cette couverture.
A l’instar d’Aline, d’autres patients s’interrogent sur la politique de gratuité annoncée par les autorités ivoiriennes. « Même pour les gants et les seringues, il faut débourser de l’argent », s’indigne Pamela Obrou, étudiante à Marcory, au sud d’Abidjan.
A cette litanie, s’ajoute la lenteur dans la prise en charge. « A l’arrivée à l’hôpital, on vous exige des examens préalables avant d’être pris en charge », s’offusque Sylla Yacoub, mécanicien à Angré, dans la commune de Cocody, toujours à Abidjan. Selon lui, les services de biologie sont lents. « Vous pouvez vous y présenter à 7h et faire les examens mais les résultats ne seront disponibles que dans l’après-midi ou le lendemain, alors que vous souffrez pendant tout ce temps », explique-t-il.
« Les structures sanitaires sont bondées de malades car il n’y a pas d’hôpitaux publics suffisants et de plateaux techniques adéquats », dénonce Yves Aka, président de la Fédération nationale des consommateurs actifs de Côte d’Ivoire.
Selon le Plan national de développement sanitaire (PNDS) 2021-2025, la Côte d’Ivoire compte 2.725 établissements publics de santé. Il s’agit de Centres hospitaliers universitaires (CHU), de Centre hospitaliers régionaux (CHR), d’hôpitaux généraux (HG), de maternité, d’infirmerie, etc.
La même source situe, en 2019, le ratio médecin/population à un médecin pour 7.354 habitants, le ratio infirmier/population à un infirmier pour 2.202 habitants.
Le ratio de sage-femme/femmes en âge de procréer est d’une sage-femme pour 1.104 femmes en âge de procréer en 2019
Comparés aux normes de l’organisation mondiale de la Santé (OMS), la Côte d’Ivoire est loin du ratio d’un infirmier pour 300 habitants et d’une sage-femme pour 300 femmes en âge de procréer. Toutefois, le ratio médecin/population se situe dans la fourchette un médecin pour 5000 à 10.000 habitants de l’OMS.
En raison de ce faible ratio en personnel de santé et en infrastructures, l’accès aux soins constitue souvent la croix et la bannière pour certains citoyens.
« En 2021, j’ai suivi une dame qui cherchait à être prise en charge pour accoucher dans un hôpital public à Bingerville. Elle a été renvoyée du Centre Hospitalier Universitaire de Cocody, puis de l’hôpital militaire avant d’être acceptée dans une clinique privée », raconte Yves Aka, le militant consumériste cité plus haut. Selon lui, n’ayant pas les moyens payer les frais de soins à la clinique, la dame s’est retrouvée dans une maison inachevée. « Nous avons voulu l’aider à porter plainte mais ses parents ont eu peur », poursuit M. Aka.
« La majorité des Ivoiriens n’a pas d’assurance maladie et le coût des soins dans les cliniques ne sont pas non plus à la portée de l’ivoirien moyen », note M. Aka selon qui la Couverture maladie universelle annoncée comme panacée est pour le moment réservée aux seuls fonctionnaires et agents de l’Etat ».
Entrée dans sa phase active en octobre 2019, la CMU a permis d’enregistrer près trois millions bénéficiaires à fin 2020. Le gouvernement escompte enrôler plus de six millions et demi de personnes en 2023, soit 23,13% de la population.
Prévention et accès aux soins
Par ailleurs, le système de santé de la Côte d’Ivoire souffre de déficit de financement. La Santé ne bénéficie que de 6 % du budget de l’Etat ivoirien, selon le « Dossier d’investissement 2020-2023 » du ministre de la Santé et de l’Hygiène publique.
Pourtant, le pays s’était engagé à consacrer au moins 15 % de son budget global à la santé, conformément à la déclaration commune des Etats africains à Abuja en 2012.
Les sources de financement de la santé en Côte d’Ivoire proviennent de l’Etat (28 %), du privé (2 %), des ménages (paiements directs et prépaiements (42 %) et ressources externes (28 %).
Les populations ne doivent pas devenir pauvres à cause des dépenses de santé, selon Dr Ohouo Brou Samuel, spécialiste des systèmes de santé est conseiller technique au bureau de Côte d’Ivoire de l’Organisation mondiale de la Santé. « Une famille ne doit pas dépenser plus de 20 % de ses revenus en santé », précise le conseiller à l’OMS.
Ce fonctionnaire de l’OMS trouve que le système de santé ivoirien est plus curatif que préventif au regard des dépenses en soins. C’est pourquoi, il préconise un accès aussi bien par la prévention que par les soins afin de réduire les barrières financières d’accès à la santé.
La prévention et l’accès aux soins ne passent pas uniquement par des dépenses. L’OMS note deux autres barrières à l’accès aux soins de santé : les obstacles géographique et culturel. La Côte souffre aussi de ces barrières qui limitent la fréquentation des hôpitaux par les populations.
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