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Affaire Karim Wade: les non-dits d’une libération

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Ouestafnews –Libéré discrètement dans la nuit du 23 au 24 juin 2016, après trois ans et demi d’emprisonnement pour enrichissement illicite, l’ex-ministre d’Etat sénégalais Karim Wade s’est aussitôt engouffré dans un jet privé en direction du Qatar, en compagnie de haut responsables de ce riche (exportateur de pétrole et de gaz) émirat du Golfe. Alors que la suspicion a toujours rodé autour cette libération annoncée bien avant l’heure, des questions légitimes affluent désormais sur le rôle du Qatar dans cette affaire.
 
« Tel un mercenaire exfiltré… », ce commentaire lâché par un internaute sur le réseau social Twitter  est assez brutal mais cadre bien avec le scénario à trois nuitamment déroulé par le gouvernement de Macky, Karim Wade et les Qataris.

Bénéficiant d’un droit régalien du chef de l’Etat à savoir la grâce présidentielle, M. Wade est sorti de prison tout de même de façon louche, selon plusieurs observateurs. Au lendemain de cette sortie, les représentants de l’Etat, notamment le ministre de la Justice, Sidiki Kaba, ont multipliés les démentis, écartant tout « deal » entre le Sénégal et le Qatar.

Il s’agit tout simplement d’une « grâce présidentielle et rien d’autre et le Qatar n’a nullement pesé » dans la libération du fils de d’Abdoulaye Wade, le prédécesseur de Macky Sall. Aux yeux d’une partie de l’opinion, il est très difficile de faire croire à une neutralité du Qatar dans cette affaire qui occupe toujours le haut du pavé médiatique.

Rappelons que Wade fils s’est envolé vers le Golfe en compagnie du procureur du Qatar, Ali Bin Fetais Al-Marri, qui est venu en personne le chercher.

Invité de l’émission dominicale ‘’Le grand jury’’ de la RFM (radio privé locale), le porte-parole du gouvernement, Seydou Gueye ne nie pas la présence du magistrat qatari mais s’empresse de préciser de le caractère non officiel de cette visite.

Cependant, si l’on se base sur l’Agence de Pesse Qatarie (QNA, officielle), le procureur Al-Marri, arrivé au Sénégal dans la nuit du mercredi 22 juin (veille de la libération de Karim), a bien été reçu par le président Macky Sall.

Selon la QNA, le procureur a été reçu avec sa délégation qui comptait l’ambassadeur du Qatar à Dakar, Saree bin Ali Al Qahtani. Toujours selon la même source, les discussions ont tourné sur la coopération judiciaire, l’Etat de droit et la lutte contre la corruption.

Toutefois, ni le ministre de la Justice ni le porte-parole du gouvernement n’ont évoqué cette rencontre. Au moment où il conviait les partis politiques, et la société civile à un « dialogue national » auquel, le Parti démocratique sénégalais (PDS, ex-parti au pouvoir) a répondu favorablement contre toute attente, Macky Sall se rapprochait à grands pas de son prédécesseur, Abdoulaye Wade après quatre années de brouille totale.

Avec des photos et témoignage à l’appui, canalfrance.info, retrace le micmac sénégalo-qatari qui a abouti à la libération de Karim Wade.

Selon le journal en ligne français, les entretiens entre le procureur du Qatar et le Sénégal ont débuté en février 2016 avec la visite effectuée à l’insu des médias sénégalais à Doha par le ministre Sidiki Kaba.

Par la suite, Ali Bin Fetais Al-Marri a rencontré à deux reprises le président Macky Sall, notamment le 9 avril 2016 à Dakar. Selon la même source, les officiels sénégalais n’ont jamais évoqué ces multiples entretiens.

Le grand écart de Macky Sall ?

Arrivé en 2012 à la tête du Sénégal sous le prétexte de la transparence et de la bonne gouvernance, Macky Sall multiplie les signes d’incohérence.

Passé la polémique sur le non respect de sa promesse de réduction de son mandat, le président Sall risque de trainer comme un boulet l’affaire de la libération de Karim Wade et ses non-dits.

« Même si la prérogative d’accorder la grâce, je dois reconnaitre que le gouvernement a manqué de tact dans cette affaire » précise sous anonymat un membre de ‘’Benno Bokk Yakaar’’ (la coalition de partis qui soutient l’actuel président).

« Il peut s’avérer très difficile de laver le doute déjà semer dans l’opinion, et malheureusement un opposant comme Idrissa Seck est en train d’en faire  sa pâture » ajoute, ce chef de parti allié de l’Alliance pour la République (APR, parti au pouvoir). Prévues l’année prochaine, les élections législatives pourraient réserver des surprises.

Les questions sans réponses entourant la sortie de Karim Wade constitue une source d’anathème pour la traque des biens mal acquis et la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei).

Cette juridiction spéciale avait condamné, M. Wade (ancien ministre d’Etat chargé de la Coopération internationale, de l’aménagement du territoire, des transports aériens et des infrastructures) en mars 2015 à six ans de prison ferme et à une amende de 138 milliards FCFA.

Pour beaucoup d’observateurs, le « deal » présumé entre le gouvernement sénégalais et le Qatar, et le rapprochement du président Macky Sall avec l’ancien président décrédibilise totalement, la reddition des comptes.

Les accointances entre les Wade et le Qatar

Le régime d’Abdoulaye Wade (2000-2012), c’est un secret de polichinelle avaient des atomes plus que crochus avec le Golfe et ses pétrodollars. A preuve, la concession du terminal du Port de Dakar à DP World, la tenue du sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) à Dakar, en 2008.

Aujourd’hui, il importe aussi de rappeler le voyage d’Abdoulaye Wade en 2011 (accompagné de son fils) à Benghazi pour apporter son soutien aux rebelles du Comité national de transition (CNT) face au régime du colonel Mouammar Khadafi dont l’insurrection et les bombardements de l’Otan ont finalement eu raison.

En récompense à cette « trahison » alors que privilégiant une « solution africaine », la plupart des dirigeants de l’Union africaine faisait bloc derrière le Colonel Khadafi, Abdoulaye Wade aurait reçu 20 millions d’euros (13 milliards FCFA) du Qatar pour son fils Karim Wade, selon les accusations formulées à l’époque par le fils de Khadafi, Saïf Al-Islam.

Le Qatar qui a par la suite démenti ces allégations (tout comme le gouvernement sénégalais de l’époque), apparaissait dans beaucoup de récits médiatiques comme le principal instigateur de la cabale contre le défunt dictateur libyen, à côté  de la France de Nicolas Sarkozy.

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