Pour l’entreprise sociale sénégalaise Japalema, l’objectif est d’aider des villageoises à trouver des investisseurs, via un serveur vocal et une plateforme web appuyé par un système basé sur le SMS.
« Nous aidons aussi les femmes dans l’obtention des microcrédits pour leurs petits ‘business’ », témoigne Cyrille Kwabong, co-initiateur du projet. Il explique s’être lancé dans cette aventure car « ces technologies peuvent avoir un véritable impact social pour les personnes qui vivent dans des zones reculées ».
En matière de TIC, l’exemple parfait en Afrique, c’est celui du Kenya, pays à l’Est du continent où ces technologies « contribuent à 30% de la croissance », selon Yann Le Beux, formateur au CTIC, présenté comme le premier incubateur d’entreprises basées sur les TIC à Dakar. Interrogé par Ouestafnews, ce jeune manager français estime qu’il est plus intéressant de travailler dans le domaine des TIC en Afrique « car les jeunes veulent y développer des solutions locales qui répondent vraiment aux besoins des gens ».
En réalité, le marché africain offre de multiples possibilités, ce qui en fait « un véritable eldorado pour les éditeurs d’applications et de logiciels », selon l’entrepreneur et bloggeur ivoirien, Jean-Patrick Ehouman dans un échange électronique avec Ouestafnews. Dans une de ses tribunes publiée par le site de Jeune Afrique, il avait déjà écrit que « l’environnement et les comportements des Africains sont tellement différents de ceux de l’Occident qu’il est presque impossible d’imposer un logiciel européen sans adaptation ».
D’autant plus que le marché africain présente une spécificité de taille : la téléphonie mobile y est bien plus développée que le réseau Internet. En Afrique subsaharienne, les taux de pénétration d’Internet et du haut débit, les plus bas au monde, sont respectivement inférieurs à 7 et 1 % d’après le rapport 2009 des Perspectives économiques en Afrique, réalisé par la Banque africaine de développement (Bad) en partenariat avec l’Organisation des Nations-Unies pour la coopération et le développement économique (OCDE).
Ce sont alors des téléphones portables basiques avec des applications simples, dont les infrastructures coûtent moins cher à déployer, qui sont le fer de lance de cette révolution technologique. Accessibles à tous et faciles d’utilisation, ils seraient les meilleur alliés de ces jeunes qui veulent faire bouger les choses.
Si cet engouement pour les nouvelles technologies prend de l’ampleur en Afrique de l’Ouest c’est aussi grâce au rôle joué par certaines structures ou initiatives, nationales ou internationales, qui soutiennent les jeunes entrepreneurs. Ces espaces d’accompagnement, de formation et de « co-working », comme le CTIC ou encore le Jokkolabs à Dakar, le Burkina-NTIC à Ouagadougou ou encore l’ONG Akendewa en Côte d’Ivoire, accompagnent de nombreux entrepreneurs dans le domaine des TIC.
« En mettant des locaux à disposition, ils jouent un rôle essentiel, car c’est souvent difficile de démarrer à cause des dépenses locatives », explique Moustapha Kâne, directeur général de la compagnie web et mobile Amarante qui vient de remporter une compétition ouest africaine organisée à Dakar par les Américains. Ce genre de compétition ou certaines rencontres interrégionales, contribuent aussi à créer une émulation entre les développeurs.
Cependant, pour l’instant, les « applications locales sur téléphone ne sont pas très répandues, ou évoluent au sein de cercles fermés, auprès de groupes de médecins pour la santé ou d’entreprises pour l’agriculture », estime l’Ivoirien Jean-Patrick Ehouman, dont l’entreprise AllDeny de portails et de logiciels travaille en majorité pour des clients étrangers.
Un des gros obstacles à la massification des initiatives pilotes, selon M. Ehouman, ce sont les gros opérateurs de téléphonie. Généralement des multinationales, plus soucieuses de rapatrier leur profit que de voir l’émergence d’un secteur technologique africain performant, ces opérateurs n’ont aucun intérêt immédiat dans le développement des pays où ils sont établis. Alors ils imposent « des coûts et des marges trop élevées et récupèrent ainsi une importante partie des bénéfices des développeurs locaux ». Une politique qui freine sérieusement le développement des TIC.
« Par exemple, en Côte d’Ivoire cela coûte environ 1 million de FCFA pour obtenir un numéro court, un outil essentiel pour créer des solutions par SMS, c’est énorme pour un développeur indépendant ». Ce constat est aussi valable au Sénégal où les jeunes développeurs reprochent à la Sonatel-Orange (filiale de France Télécom) « ses coûts élevés » et son obstination à soutenir la lutte au détriment de la recherche.
Les opérateurs de Télécoms, qui rechignent à parler aux média, se défendent tout juste en disant qu’ils sont « propriétaires » des infrastructures. Leurs détracteurs répliquent qu’il ne faut pas qu’ils oublient « qu’ils ont souvent été ‘aidés’ par les gouvernements pour les obtenir ou parfois pour juste en hériter ».
D’ailleurs au Sénégal, nombreuses sont les voix qui commencent à s’élever contre la Sonatel-Orange, devenue toute puissante en Afrique de l’Ouest, mais accusée d’être au service d’intérêts étrangers. Le magazine Jeune Afrique s’est même penché sur le sujet, début août 2012 à travers un article ntitulé « Sonatel, un géant trop encombrant » dénonçant l’hégémonie du groupe qui « ne laisse que des miettes aux PME du secteur » des TIC. Face à cette boulimie des multinationale, Jean-Patrick Ehouman, pose une question : « assisterons nous à une colonisation digitale en Afrique ? ».
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