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Afrique de l’Ouest : la liberté de la presse se dégrade (RSF)

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Ouestafnews – La liberté de la presse est menacée dans le monde par les autorités politiques. C’est le constat qui ressort du classement 2024 de Reporters sans frontières (RSF) publié le vendredi 3 mai 2024. En Afrique de l’Ouest, les conditions d’exercice du journalisme se dégradent avec les pressions politiques, selon l’ONG.

Répression, pression des autorités gouvernementales, arrestations, interpellations… C’est la situation que vivent les journalistes dans l’exercice de leur fonction en Afrique de l’Ouest. Une zone où la liberté de la presse et les professionnels des médias sont « persécutés », indique le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, Sadibou Marong, lors du lancement du classement 2024, coïncidant avec la célébration de la journée mondiale de la presse. 

Au Togo (113e au classement), la situation est devenue « compliquée » note Marong. Ce pays a chuté de 43 places au classement 2024 sur la liberté de la presse. Selon l’ONG, les autorités togolaises s’attaquent aux journalistes et aux médias critiques, par l’intermédiaire de plaintes, de suspensions de médias et de répression. 

Parmi les cas inquiétants, RSF pointe du doigt l’inculpation fin mars 2024 du directeur de publication du journal La Dépêche, Apollinaire Mewenemesse. Le 28 février 2023, il avait publié un article sur la mort du colonel Bitala Madjoulba, un proche du président Faure Gnassingbé tué par balle en mai 2020. Sous mandat de dépôt, il est désormais en détention provisoire et risque jusqu’à 30 ans de prison.

Le classement RSF de la liberté de presse dans le monde est établi suivant des critères calculés au cours de l’année précédant sa publication. Il s’appuie sur un score attribué à chaque territoire, qui peut varier de 0 à 100. Un haut degré de liberté de la presse est associé à un score élevé, et inversement.

Dans d’autres pays de la zone ouest africaine, des acteurs politiques et leurs soutiens ont exercé des violences à l’encontre des journalistes pendant les périodes électorales. C’est le cas au Nigeria qui est passé de la 123e à la 112 e place au classement 2024, soit un bond de 11 points. Malgré cette progression, Sadibou Marong note que pendant la période électorale de 2023, une vingtaine de médias ont été « persécutés » par des hommes politiques.

Dans cette même période, des assaillants armés avaient attaqué les installations de la chaîne Atlantic TV et la radio Wish FM 99.5 à Port Harcourt dans l’État de Rivers au sud du pays avec des explosifs, occasionnant des dégâts matériels, indique Reporters sans frontières.      

Sénégal et Guinée, des scores trompe-l’œil 

Le Sénégal et la Guinée, classés respectivement 104e et 78e, ont également réalisé des bonds significatifs de 10 et 7 places au classement 2024 de la liberté de presse. 

« Les places gagnées par la Guinée et le Sénégal, c’est du trompe-l’œil en réalité », fait savoir le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, précisant que cela est visible au niveau de l’indicateur sécurité où leurs scores sont « négatifs ». 

Pour le Sénégal, « il y a 13 points de chute sur l’indicateur sécurité par rapport à l’année dernière », explique-t-il. Le pays a un indicateur de sécurité de 124 en 2024 contre 111 en 2023.

Selon Reporters sans frontières, le score de chaque pays dépend de cinq indicateurs contextuels qui permettent d’appréhender la liberté de la presse sur un territoire : contexte politique, cadre légal, contexte économique, contexte socioculturel et sécurité.

Entre juillet 2023 et août 2023, Reporters sans frontières a répertorié une douzaine d’arrestations et d’attaques contre des journalistes dans l’exercice de leur fonction au Sénégal. Les « abus de pouvoir » se sont également multipliés, en particulier avec la suspension du signal de Walf TV (privée) en juin 2023 et des restrictions de l’accès à Internet et aux réseaux sociaux.

Concernant la Guinée, les atteintes commises par les autorités de la transition se sont multipliées, notamment via la censure de plusieurs médias à grande audience avec une ligne éditoriale libre et critique.

Depuis le 24 novembre 2023, les radios privées Evasion, Espace, Djoma et FIM font l’objet d’un brouillage constant « sans explication » officielle, explique RSF.  

Et en décembre 2023, la Haute autorité de la communication (HAC), organe de régulation des médias, avait demandé le retrait de trois chaînes de télévision privée, Djoma TV, Evasion TV et Espace TV, des bouquets Canal+ et Startimes pour des raisons de « sécurité nationale » et « jusqu’à nouvel ordre ». Ces chaînes ont été rétablies dans les bouquets en janvier 2024. 

Liberté à l’épreuve des  juntes 

Dans la zone du Sahel, la situation de la liberté de la presse est « extrêmement compliquée » pour les médias au Mali (114e), au Burkina Faso (86e) et au Niger (80e), indique le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF. 

Dans ces trois pays, l’insécurité et l’instabilité politique liées aux coups d’État ont dégradé les conditions d’accès à une information plurielle et l’exercice d’un journalisme libre, souligne Reporters sans frontières. Les relations entre la liberté d’expression et les juntes sont « conflictuelles », raison pour laquelle des journalistes sont arrêtés, interpellés, emprisonnés… 

Le coup d’État de juillet 2023 au Niger a fait chuter le pays de 19 places. La situation ne s’est pas arrangée au Burkina Faso qui a perdu 28 places, ni au Mali.

Au Burkina Faso, les journalistes Yacouba Ladji Bama et Issaka Lingani, avaient été réquisitionnés en novembre 2023 par l’armée burkinabè dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans le pays.

En novembre 2023, le journaliste malien de la radio communautaire Naata Abdoul Aziz Djibrilla avait été tué par balles par des assaillants. Dans la même période, le journaliste et directeur de Radio Coton d’Ansongo Saleck Ag Jiddou et l’animateur de la radio, Moustapha Koné étaient portés disparus. Ils avaient été enlevés par des membres d’un groupe armé non identifié sur le chemin de Tao, rappelle RSF.

Cette année, 180 pays figurent dans le classement mondial. En Afrique subsaharienne, RSF s’est intéressée à la situation des journalistes dans 48 pays dont cinq sont dans une situation « plutôt bonne » (Mauritanie (33e), Namibie (34e), Seychelles (37e), Afrique du Sud (38e) et Cap-Vert (41e). 

 ON/md

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