Ouestafnews – Les citoyens ouest-africains souffrent d’un manque d’équité dans l’accès aux soins de santé. La situation géographique, le genre et les revenus des populations sont autant de facteurs qui accentuent l’iniquité dans l’accès aux soins de santé. C’est le constat dressé par les experts invités du panel en ligne sur « L’équité dans l’accès aux soins de santé en Afrique de l’Ouest » organisé par Ouestaf News le mercredi 10 juillet 2024.
Les disparités sont nombreuses en termes d’accès aux soins de santé, surtout entre zones urbaines et rurales. Les populations vivant dans les campagnes doivent faire face, en permanence, au manque d’infrastructures et à l’absence de personnel médical qualifié pour prendre en charge de manière optimale leurs besoins en soins de santé.
Au Bénin, « le taux d’accès aux services de santé est de 55 % en milieu urbain contre 46 % en milieu rural », affirme le Dr Kéfilath Bello, médecin spécialiste de santé publique. Selon Dr Bello, cet écart de 9% au Bénin est moins important en comparaison à celui noté dans d’autres pays ouest-africains comme la Côte d’Ivoire où il atteint 15 %.
Dr Bello était un des trois principaux intervenants au « Forum Ouestaf » organisé en ligne le 10 juillet 2024 par Ouestaf News sur le thème : « L’équité dans l’accès aux soins de santé en Afrique de l’Ouest ». Mme Bello avait à ses côtés Dr Abdoulaye Guindo, Secrétaire général du ministère de la Santé du Mali et Dr Moumini Niaoné, médecin spécialiste de santé sociale au Burkina Faso.
Le Bénin, le Burkina Faso et le Mali sont trois pays qui vivent à peu près les mêmes réalités, à travers leurs communautés rurales respectives, en dépit des efforts entrepris par les pouvoirs publics pour réduire les disparités.
Au Burkina Faso où la population est presque à 70 % rurale, les inégalités dans l’accès aux soins sont encore importantes entre les zones rurales et les centres urbains, souligne Dr Moumini Niaoné, médecin spécialiste de santé sociale au Burkina Faso.
Selon Dr Niaoné, les centres de santé sont plus denses en milieu urbain qu’en milieu rural. En outre, indique le médecin burkinabè, les spécialistes qui travaillent en zones urbaines sont aussi plus nombreux et les rares professionnels qui officient en milieu rural n’y restent que quelques temps avant de revenir dans les villes.
Inégalités économiques
Les inégalités économiques sont aussi des facteurs favorisant l’iniquité dans l’accès aux soins dans la sous-région. Selon le Dr Moumini Niaoné, les soins de santé absorbent une bonne partie des dépenses des ménages au Burkina. Un pays où 40 % des citoyens vivent avec moins de 500 FCFA par jour, déplore Dr Niaoné qui estime que cette situation accentue la précarité médicale des populations et les rend vulnérables.
Au Bénin, les écarts dans l’accès aux soins atteignent 40 % entre les femmes riches ou issues de familles aisées et celles démunies et issues de milieux défavorisés, indique Dr Kéfilath Bello.
Le genre peut aussi être déterminant dans les écarts d’accès aux soins sanitaires. En effet, les hommes disposent très souvent de plus de revenus et de moyens que les femmes. Ils sont donc plus en mesure de bénéficier de soins adéquats, fait savoir Dr Kéfilath Bello.
Au Mali par exemple, l’écart de salaire horaire est de 57 % en faveur des hommes, selon un rapport de l’Institut national des statistiques (Instat) présenté le 18 janvier 2024 lors d’un atelier de dissémination des Statistiques du Genre à Bamako.
L’Instat estime qu’à 89 %, les femmes sont plus susceptibles d’occuper un « emploi vulnérable » contre 73 % chez les hommes. Selon l’Instat, un emploi vulnérable renvoie au sous-emploi, à la précarité, à des emplois informels sans protection sociale et souvent mal rémunérés.
Pour l’assurance maladie, les hommes profitent plus de ce système que les femmes dans la plupart des pays de la sous-région ouest-africaine. Selon Dr Kéfilath Bello, les femmes travaillent plus dans le secteur informel qu’ailleurs. « Or, ceux qui ont accès à l’assurance maladie sont ceux qui ont accès à des emploi formels », précise-t-elle.
Le drame des personnes déplacées
Le manque d’équité touche particulièrement les personnes déplacées en raison de l’insécurité dans le Sahel, ont souligné les panélistes. Ces victimes de l’insécurité souffrent souvent de traumatismes et de stress imputables aux violences qu’elles ont subies, vécues ou suite à la perte de parents proches.
A cela, s’ajoutent la malnutrition, la promiscuité, la prostitution et d’autres effets pervers nés du déménagement forcé. Pour le Dr Moumini Niaoné, les déplacements de populations renforcent les inégalités en matière de santé car les centres de santé d’accueil sont déjà sous-équipés et manquent de personnel qualifié.
Selon un rapport du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) publié le 3 juin 2024, le Burkina Faso compte plus de deux millions de personnes déplacées en 2023 en raison des violences. Au Mali, elles sont plus de 330.000 d’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le ministère de la Santé dans un document publié en mai 2024.
« Avec la crise, l’accès aux soins de santé pose un problème réel du point de vue géographique et économique au Mali », note Dr Guindo. Le Secrétaire général du ministère de la Santé du Mali déclare qu’un plan de prise en charge sanitaire et sociale est mis en œuvre par le gouvernement de transition pour un suivi efficace des déplacés, en attendant leur retour dans leurs villages d’origine.
Les États, principaux pourvoyeurs de ressources pour le secteur de la santé, sont appelés à jouer un rôle plus déterminant. Leurs interventions peuvent être salutaires, malgré certains impairs. Dr Moumini Niaoné cite en exemple la politique de gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans qui a contribué à réduire la mortalité infantile au Burkina Faso.
Le spécialiste en santé sociale évoque aussi le fait que dans chaque village burkinabè, au moins deux personnes aident les acteurs du système de santé à dérouler leurs activités.
Ce modèle qui met à contribution des agents de santé communautaires est appliqué également au Mali afin de rendre effectif « l’accès aux services de santé », renchérit Dr Abdoulaye Guindo, le Secrétaire général du ministère de la Santé du Mali.
Mais aux yeux des trois panélistes, les résultats demeurent insuffisants en termes d’accès aux soins de santé. Ils préconisent donc une approche globale consistant à « faire la promotion de la santé » en lieu et place de la seule « lutte contre la maladie ». L’argument de taille brandi par le docteur Niaoné est que les infrastructures de santé, même avec un fonctionnement optimal, n’impactent pas la santé à plus de 20 %.
Tout le reste dépend de « ce que nous mangeons, de là où nous dormons, du travail que nous avons, de l’eau que nous buvons, de l’éducation que nous avons, de notre statut social, etc. », précise -t-il. Des domaines dans lesquels les inégalités sont tout aussi présentes et tout aussi criardes.
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