Bénin : la disparition mystérieuse d’un fonctionnaire devient une affaire d’Etat

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Signe de la gravité de l’affaire, le fonctionnaire quasi-anonyme jusqu’à sa disparition apparemment « sans raison » en août 2010, a fait trois mois plus tard, l’objet d’un conseil des ministres « extraordinaire », exclusivement réservé à ce cas et présidé par le chef de l’Etat béninois en personne.

Disparu le 17 août 2010, le corps présumé de Dangnivo a été découvert et exhumé le 27 septembre 2010 au domicile d’un charlatan arrêté à Womey, un quartier de la commune d’Abomey-Calavi, à quelques kilomètres de Cotonou, selon la version officielle fournie par les autorités. Le portable de la victime a été retrouvé chez ce charlatan.

Mais la famille du disparu affirme que le corps exhumé… n’est pas le bon. Par l’intermédiaire de ses avocats, elle dit soupçonner un enlèvement « orchestré par l’Etat » et exige du gouvernement que le disparu soit retrouvé… vivant ! Une exigence qui fait mousser l’affaire et ne manque pas d’embarrasser le gouvernement.,

«La famille de Monsieur Urbain Pierre Dangnivo considère que la preuve du décès de son parent n’est pas établi et appelle les autorités judiciaires, non à abdiquer, mais à poursuivre sans relâche la recherche de l’intéressé », indique le communiqué signé par Me Joseph Djogbénou et Me Zakari Sambaou au nom de la famille.

La réplique des autorités n’a pas tardé.

« Les parents de Dangnivo refusent de se prêter au test d’ADN qui est pourtant un exercice capital et indispensable à la manifestation de la vérité dans ce dossier judiciaire qui, aujourd’hui, fait l’objet d’une exploitation politique et syndicale à outrance », a accusé le gouvernement dans le communiqué du conseil des ministres extraordinaire consacré à l’affaire et dont copie est parvenue à Ouestafnews.

Le soir même de l’exhumation du corps, le président Boni avait sollicité « l’appui technique » de la France pour effectuer des tests ADN.

Pour sa part, le procureur de la République, Mme Michelle Carena Adossou, confirmait dans un communiqué remis à la presse après l’exhumation, que le corps retrouvé chez le charlatan de Womey était bel et bien celui de Dangnivo.

« Normalement, les parents du disparu, en bons et honnêtes citoyens, devraient être les premiers à exiger non seulement l’autopsie mais aussi et surtout le test d’ADN », soutient le gouvernement qui tout en regrettant cette attitude, accuse la famille de Dangnivo de faire une « grave entrave au travail technique de la justice » et de manquer « de respect pour les instances judiciaires » du pays.

En attendant le dossier reste confié à une commission d’enquête judiciaire appuyée par les services de sécurité et de défense, alors que toutes sortes de supputations circulent dans le pays.

Pour davantage renforcer la thèse de l’affaire d‘Etat, certaines sources à Cotonou estiment, sans en apporter la preuve, que la disparition du fonctionnaire serait liée au dossier dit de la « Cen-sad» (Communauté des Etats sahélo-saharien, 28 pays membres), une affaire de malversations financières portant sur plusieurs dizaines de milliards de FFCFA et dans lequel serait impliqué l’ancien ministre de l’économie et des finances Soulé Mana lawani, limogé par le Président Boni Yayi. Cette « affaire » fait référence à la mauvaise gestion des fonds destinés à l’organisation au Bénin du sommet de la Cen-sad en 2008.

Mais qu’il soit disparu pour des raisons liés à sa vie privée, dont on ne sait que très peu, ou pour une « raison d’Etat » comme le supposent ses proches, le fonctionnaire disparu, fait l’affaire de l’opposition et des syndicats hostiles au régime Boni, avec en toile de fond la présidentielle de 2011.

« C’est parce que par le passé rien n’a été fait pour contraindre les pouvoirs que certains citoyens ont disparu ou ont été exécutés sans ménagement. Cette fois-ci, plus rien ne sera comme avant », a ainsi lancé Pascal Todjinou, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin, sous forme de défi au gouvernement.

Les populations du village natal du disparu ont quant à elles organisé une marche le 1er octobre 2010 en guise de protestation.

« Nous voulons Dangnivo vivant. Le gouvernement doit faire ressusciter Dangnivo, s’il était mort», ont-elles exigé, dans une motion intitulée «les dix commandements».

Comme s’il apportait son soutien à la famille de la victime, le vice-président de l’Assemblée nationale, André Dassoundo, a estimé que l’exhumation du présumé corps ne s’est pas déroulée dans « les règles de l’art ».

Accusant l’opposition de faire de la récupération politique autour de l’affaire, le gouvernement par le biais, du ministre de l’intérieur et de la Sécurité publique, Martial Souton, a interdit toute manifestation publique qui serait liée à l’affaire Dangnivo. Une décision contestée par certaines organisations de la société civile et l’opposition qui crient à la violation des libertés et ont appelé les « forces vives de la nation » à la mobilisation.

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