Ouestafnews – Des intellectuels africains, européens et sud-américains ont adressé au président Patrice Talon une « lettre ouverte », après la tenue des élections législatives le 28 avril 2019 marquées par l’absence de l’opposition, une première dans ce pays souvent considéré comme un «laboratoire de la démocratie» en Afrique de l’Ouest.
Parmi les signataires de ce texte figurent d’éminents intellectuels et universitaires africains comme l’écrivain et prix Nobel nigérian Wole Soyinka, les philosophes Souleymane Bachir Diagne et Paulin J. Hountondji, l’historienne Catherine Coquery Vidrovitch , professeure émérite d’Histoire africaine. Il y a aussi d’anciens ministres comme le Sénégalais Makhily Gassama et le Malien Issa Ndiaye.
Analyste politique et aussi président du Comité directeur du think tank citoyen, Wathi (basé à Dakar), Gilles Yabi figure aussi parmi les signataires. Dans ce court entretien avec Ouestaf News, il revient sur le contenu de la « lettre ouverte », en appelle à un «examen des pratiques politiques» et à « l’ouverture d’un dialogue au Bénin».
Lire ici : la lettre ouverte
Ouestafnews – Vous craignez vraiment qu’il y ait « recul démocratique », est-ce la seule raison pour laquelle vous avez signé cette lettre ouverte ?
Gilles Yabi – C’est un recul démocratique, c’est incontestable. C’est la raison pour laquelle j’ai signé cette lettre ouverte. On a vu venir cette dégradation de la tradition de dialogue politique au Bénin et c’est clair qu’avoir une Assemblée nationale qui va siéger pendant quatre ans sans des représentants de l’opposition cela ne cadre pas avec les habitudes démocratiques du Bénin depuis la conférence nationale (Ndrl : en février 1990).
Ouestafnews – Vous signataires de cette lettre, voulez la tenue d’une nouvelle élection ?
Gilles Yabi – Le message de la lettre ouverte est qu’il fallait trouver les moyens politiques pour organiser de nouvelles élections législatives qui permettent à tous les partis qui le souhaitent de se présenter. Maintenant, je crois qu’on est conscient que le pouvoir semble déterminé à rester dans la logique de cette Assemblée nationale qui a été installée aujourd’hui (16 mai 2019) au Bénin et donc il faut sans doute réadapter le message.
Mais je crois qu’il reste important de signaler qu’il est très dangereux de ne pas avoir de contre-pouvoirs dans un pays. On a non seulement vu l’absence de l’opposition mais aussi des violences, des morts, pour la première fois au Bénin à l’occasion d’une élection.
J’estime que même après l’installation de l’Assemblée nationale, il y a un besoin pour le président de la République d’ouvrir un dialogue politique avec tous les acteurs de manière à ce qu’on trouve d’autres moyens de faire en sorte qu’il y ait des contre-pouvoirs pendant les prochaines échéances.
Ouestafnews – Quel est votre regard sur les dispositions très décriées de la nouvelle loi électorale notamment l’introduction de la charte des partis politiques ?
Gilles Yabi – A mon avis, au Bénin comme ailleurs, on a tort de se concentrer seulement sur des questions qui ont l’air d’être des questions techniques.
Il y a eu effectivement une nouvelle charte des partis politiques et un nouveau code électoral qui ont introduit des mesures plus restrictives pour l’existence des partis politiques pour leurs activités, notamment électorales. Je crois que la vraie question (réside) plutôt dans la pratique du pouvoir. Il y avait une vraie volonté du côté du pouvoir de contrôler absolument l’Assemblée nationale.
(…) Je crois que la vraie question, c’est de faire l’examen des pratiques politiques réelles dans le pays et de réfléchir sur des réformes institutionnelles qui soient largement partagées ; qui soient également applicables de manière impartiale.
MN/on/
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