Alors que doit enfin s’ouvrir ce mardi 28 avril le procès en appel du journaliste d’investigation béninois condamné à tort à 18 mois de prison ferme, Reporters sans frontières (RSF) et plusieurs organisations de la société civile appellent à sa libération immédiate.
Ignace Sossou, journaliste d’investigation du site d’information Bénin Web TV, comparaîtra devant la Cour d’appel de Cotonou demain 28 avril 2020. Condamné pour “harcèlement par le biais de moyens électroniques” en décembre 2019, il est détenu dans une prison de la capitale béninoise depuis plus de quatre mois. Poursuivi pour avoir relayé sur les réseaux sociaux les propos d’un procureur tenus au cours d’un atelier sur la désinformation, il n’a pourtant commis aucune faute. Dans une vidéo confrontant les déclarations du magistrat et les tweets du journaliste, RSF était parvenue à prouver l’innocence totale de ce dernier et à montrer qu’il avait repris mot pour mot les propos du procureur, dont il estimait, en sa qualité de journaliste, qu’ils étaient d’intérêt public.
“Ce journaliste n’aurait jamais dû se retrouver en prison, rappelle Assane Diagne, directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF. Il a été jugé selon un texte, le Code du numérique, qui n’est pas celui, beaucoup plus protecteur, qui réglemente la presse, alors même que les faits qui lui sont reprochés relèvent sans aucune ambiguïté d’une activité de journaliste.”
“Sur le fond, ces trois tweets reprenant scrupuleusement des déclarations d’intérêt public ne constituent pas des infractions de diffamation et encore moins de harcèlement, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique. Les preuves de l’innocence de ce journaliste ayant été rendues publiques depuis longtemps, nous comptons sur la justice béninoise pour le remettre en liberté sans délai afin qu’il ne demeure pas le premier reporter d’Afrique de l’Ouest privé de sa liberté pour avoir rapporté sur les réseaux sociaux des propos qui avaient bien été tenus.”
Ce nouvel appel à la libération d’Ignace Sossou a été lancé par plusieurs organisations dont RSF, la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO) avec laquelle collabore le journaliste et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Le risque que la situation d’Ignace Sossou crée un précédent extrêmement dangereux pour la liberté d’informer non seulement au Bénin mais dans l’ensemble de l’espace de la Cédéao a suscité des inquiétudes dans toute la région. Le 13 mars, dans une tribune commune inédite à laquelle s’est jointe RSF, plus de 120 médias et journalistes d’Afrique de l’Ouest ont demandé sa libération.
Au début du mois d’avril, RSF et plus de 80 organisations ont également écrit à 10 chefs d’État africains, dont le président du Bénin, Patrice Talon, pour demander la libération de tous les journalistes en détention pour leur travail afin d’atténuer les risques d’exposition au coronavirus. La lettre mentionnait le droit des détenus à “jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible” en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le risque élevé d’infection des personnes emprisonnées, selon l’Organisation mondiale de la santé. Le Bénin a confirmé son premier cas de COVID-19 en mars, selon Reuters.
Détention arbitraire d’un journaliste n’ayant commis aucune infraction, suspension de médias proches de l’opposition, ingérence dans la liberté éditoriale des rédactions, le Bénin a perdu 17 places, soit la troisième plus forte chute de l’édition 2020 du Classement mondial de la liberté de la presse que vient de publier RSF. Le pays occupe désormais la 113e place sur 180.
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