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Burkina : Blaise propose des réformes et vacille, le malaise s’intensifie

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Ce vendredi 15 avril 2011, les Burkinabé ont encore été réveillés par des coups de feu, attribués à une mutinerie des soldats de la garde présidentielle qui revendiquent des «primes de logement », selon les correspondants de plusieurs médias étrangers, dont certains annoncent la « fuite » du président Blaise Compaoré dans sa ville natal de Ziniaré, situé à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou.

Cette dernière information (le retrait du président dans sa ville natale) n’a pu cependant être confirmée de source officielle. D’ailleurs d’autres sources, qu’Ouestafnews n’a pu non plus confirmer, faisaient état de son « retour » à son palais présidentiel de Ouagadougou.

En réalité, le mal est beaucoup plus profond et derrière cette énième mutinerie se cache une sérieuse remise en question de l’autorité du président Compaoré, au pouvoir depuis 1987 et fraichement réélu (octobre 2010) pour un nouveau mandat à la tête du pays, selon les analyses du desk politique d’Ouestafnews. La mobilisation des défenseurs des droits de l’Homme contre « l’impunité », est également une autre source d’inquiétude pour la hiérarchie militaire, habituée à user de la méthode forte, sans réellement avoir à répondre de ses actes.

Juste avant la mutinerie (le mercredi 13 avril 2011), un Conseil des ministres présidé par Blaise Compaoré, annonçait pourtant la création d’un Conseil Consultatif pour les Réformes Politiques (CCRP) au Burkina, selon un communiqué du gouvernement parvenu à Ouestafnews.

Ce conseil, selon le gouvernement a été créé « suite aux rencontres initiées avec les représentants des autorités coutumières, religieuses, politiques et de la société civile jouera un rôle déterminant dans l’identification du schéma de modernisation des instruments de la gouvernance ».

Le président Compaoré avait dû organiser cette série de rencontres en catastrophe après plusieurs manifestations violentes en mars 2011. Il avait promis des réformes qu’il mettrait « immédiatement » en œuvre.

Si l’opposition, les syndicats, la société civile, les instances coutumières et religieuses, etc ,sont représentés dans le CCRP nouvellement créé, l’armée par contre n’y figure pas. Il n’était pas cependant possible de confirmer le lien direct entre cette absence de l’armée au sein du CCRP et la dernière colère des soldats burkinabé, déjà auteurs de plusieurs actes insurrectionnels ces dernières semaines, en même temps que d’autres segments de la société qui protestent aussi contre la vie chère, contre les abus du régime, contre la violation des droits de l’Homme…

Les premiers signes sérieux de la tempête qui menace désormais le régime Compaoré ont commencé à souffler mi-mars 2011, lorsque quelque milliers d’élèves et étudiants sont descendus dans les rues du pays pour exprimer leur colère. Mais l’alerte la plus chaude est venue de la troupe, qui depuis des jours s’agite et a fini par installer l’inquiétude au cœur du régime que l’on disait tenu d’une main de fer.

La révolte estudiantine, selon ce qu’en rapportent les médias locaux, a été déclenché par la mort de l’élève Justin Zongo le 20 février 2011 dans la ville de Koudougou (100 km à l’ouest de Ouagadougou), pendant un séjour dans un commissariat local suite à une plainte déposée contre lui. La police a indiqué que le jeune homme est décédé des suites d’une « d’une méningite », une version qui a soulevé l’ire de ses camarades convaincus qu’il s’agit d’une bavure policière que les autorités ont voulu étouffer. La contestation qui s’en suivra a gagné le pays tout entier et la répression fera au moins deux morts. L’incident pourrait en réalité n’être que la goutte d’eau de trop.

Après les étudiants, c’était au tour des soldats de prendre la relève. Pendant plusieurs jours ils ont manifesté leur colère dans plusieurs endroits du pays, suite à l’incarcération de quelques uns de leur frères d’armes condamnés par la justice et dont ils réclamaient la libération. Dans leur révolte, les soldats s’en sont pris aux édifices publics et aux domiciles des pontes du régime, un signe qui ne trompe pas quant au malaise ambiant qui règne en ce moment aux pays dit des « hommes intègres », alors que le président Compaoré, élu avec plus de …80 % des voix, entame un quinquennat qui pourrait pour lui être celui de trop.

Acculé le régime a cédé aux exigences des militaires, en libérant les cinq détenus en dépit de la décision de justice qui les a condamnés, le mardi 22 mars, à des peines de prison ferme allant de 12 à 15 mois et à plus de 3,5 millions de FCFA d’amende. Fait rarissime, le 31 mars 2011 le président recevait les soldats de la troupe et les sous-officiers de l’armée burkinabé pour les « écouter ». Les officiers devaient à leur tour être reçus le lendemain, alors que le pays entier était sous couvre feu, décision annoncée dans un communiqué du ministère de la défense.

Mais les défenseurs des droits de l’homme n’entendent pas laisser avaliser un « deal » entre militaires qui renforcerait l’impunité dans un pays au passé déjà suffisamment chargé dans ce domaine. Le Mouvement burkinabé des droits de l’Homme et la Fédération internationale des droits de l’Homme ont, dans une déclaration commune, appelé le gouvernement à faire face à ses responsabilités.

Arrivé au pouvoir à la suite à un coup d’Etat mortel contre le capitaine révolutionnaire Thomas Sankara, le président Blaise Compaoré traîne depuis ce lourd fardeau, resté une sorte de « contentieux historique » entre lui et une bonne partie du peuple burkinabé et de l’intelligentsia africaine. Ce symbole du Burkina Faso, « terre de répression et d’impunité », sera renforcée à la fin des années 90, avec l’affaire Norbert Zongo, journaliste assassiné par des proches du régime. Une autre affaire dont les auteurs et commanditaires restent à ce jour « impunis ».

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