La crise nationale consécutive aux velléités de modification de l’article 37 et à la mise en place du Sénat, loin de s’apaiser s’aggrave davantage avec l’inévitable échec de la médiation conduite par le Président Jean-Baptiste Ouédraogo à qui il avait plut de " siffler la fin de la récréation ". Des ex médiateurs autosaisis au citoyen lamda de Tinakoff, tout le monde s’accorde à dire que la résolution de cette crise tient à la volonté du pouvoir et particulièrement du Président Compaoré. Seulement voilà, le régime en place veut-il ou peut-il sortir pacifiquement de cette crise ? Les réseaux claniques, les cercles oligarchiques sont-ils prêts à mettre en péril leurs intérêts et les privilèges accumulés ?
Il faut se rappeler que ceux qui nous dirigent aujourd’hui ont fait irruption par effraction sanglante sur la scène de l’histoire nationale du Burkina. Pour perdurer, ils installèrent le règne de la médiocratie et de la rapacité. Ainsi, des derniers en tout genre allaient devenir les premiers. Après ce chamboulement, commence ce qu’il est convenu d’appeler le festival des brigands avec le résultat que l’on sait. Ce faisant, la hiérarchie des valeurs sociales fut bouleversée. Il ne servait plus à rien d’être travailleur pour avoir la récompense du mérite. Il fallait avoir la bonne carte et le bon piston. Partout émergea l’arrogance chère aux parvenus avec une mentalité propre à eux, celle du "Lumpenat émancipé ".
C’est sur ce terreau très fertile et fertilisant qu’a grandi le régime néo-patrimonial de Blaise Compaoré avec une oligarchie constituée de trois cercles. Le premier cercle est constitué par Blaise Compaoré et ses alliés directs. Ils ont l’économie nationale en main par l’intermédiaire d’un noyau d’opérateur économique. Tout gravite autour de ce cercle qui est le centre nerveux du système. Le second cercle concentrique est celui formé par les sécurocrates qui veillent à la sécurité du régime et " assure " l’indifférence de la majorité de la population. Le troisième cercle est celui des rhétoriciens et autres intellectuels qui ont vendu leur âme aux diables par appât du gain rapide et font désir de paraître et volonté de puissance. Ils sont dans ou la périphérie du système, aboyant toutes sortes de théories fumeuses.
Le système ainsi campé a-t-il un quelconque intérêt à se remettre en cause, à accepter de perdre des biens et des privilèges pour une "quelconque alternance ? Rien n’est moins sûr. Rappelons l’histoire à notre mémoire et il nous édifiera.
"Reculer ce serait trahir, nous ne reculerons pas" avait proclamé le président du comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN), le colonel Saye Zerbo. Quelques jours plus tard, plus précisément le 7 novembre 1982, de jeunes sous officiers et officiers feront leurs, les aspirations des travailleurs des campagnes et des villes, en balayant le régime des "colonels". " Je ne démissionnerai pas. Mon gouvernement ne démissionnera pas " avait hurlé, le prédateur malien, le général Moussa Traoré. Sa volonté fut accompagnée du crescendo de la mitraille et du tonnere des canons. Au cri de la liberté, au cri de la justice sociale, des patriotes tombèrent. D’autres continuèrent la lutte et, le 26 mars 1991, les forces patriotiques, civiles et militaires, dans un soulèvement populaire inédit mirent fin à la schizophrénie du monocrate en Bazin.
Dans les deux cas précités, les peuples voltaïques et maliens revendiquaient simplement d’une part le respect de toutes les libertés individuelles et collectives et d’autre part la libre participation des citoyens à la gestion des affaires du pays. La volonté affichée par deux régimes de ne pas aller dans le sens de l’aspiration de leur peuple, n’a pu résister à l’assaut de l’expression de la souveraineté. Ainsi, il en va dans l’histoire des peuples et des nations.
Chaque fois que l’appétit du pouvoir, la démagogie sans borne, le sommeil de la raison est opposé aux revendications légitimes du peuple, il en est ainsi ! Chaque fois que l’infibulité intellectuelle de sanguinaires troublions est opposée aux combattants des droits démocratiques et sociaux, il en est ainsi!
Que revendique aujourd’hui le peuple burkinabè ? N’est-ce pas la même chose que le peuple voltaïque et malien d’antan ? Le président Blaise Compaoré disait dans le journal "La croix Evènement" du 27 mars 1991, c’est-à-dire le lendemain de la chute du général Bazin : "Le président malien n’a pas compris, jusqu’au dernier moment, qu’il y a partout en Afrique,… un processus irrésistible de démocratisation. Il ne faut pas chercher à y résister… I’erreur de Moussa c’est de ne pas avoir compris ce tournant de l’histoire. Il a voulu résister en oubliant qu’il n’avait plus personne d’autre à ses côtés que sa garde prétorienne…".
Lorsque Tandja, au mépris de tout, a décidé de modifier la Constitution nigérienne pour se donner une rallonge, le même Président Blaise au sommet de l’Union Africaine en janvier 2010 n’a pas manqué de dire à ses pairs que " Tandja se dirigeait droit au mur en voulant faire un passage en force ".
L’analyse est si juste que quand nous l’appliquons dans le contexte actuel à celui qui l’a professé, on ne peut que frissonner. En effet, que veut le peuple burkinabè si ce n’est l’alternance dans le respect de l’esprit de la Constitution et de la Constitution elle même ? L’erreur du président Blaise, n’est-ce pas de ne pas comprendre ce tournant de l’histoire ?
A part les condottierés civils et militaires, de quelle marge sociale dispose-t-il ? C’est une lapalissade, mais disons-le. Partout, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Par conséquent il est dangereux, extrêmement dangereux, de vouloir continuer à écrire sur du sable quand le vent souffle. Alors que le vent souffle !
Il souffle si fort que tout le fonctionnement de la société est vicié. A quoi sert-il de biaiser, fignoler, pinailler lorsque le peuple est décidé à être protagoniste de sa propre histoire ? Y’a-t-il une force plus que le peuple ? Le bras de fer ne saurait continuer indéfiniment. Il faut que l’abcès soit crevé. Et il sera !
La démocratie, c’est la prévalence des peuples sur les institutions. Elle est une forme mais elle est essentiellement un contenu. Les tentatives de perpétuation de l’autoritarisme forcées n’y changeront rien !
*Cheriff SY, est directeur de Publication de Bendré, qui paraît au Burkina Faso
Vous voulez réagir à cet article ou nous signaler une erreur, envoyez nous un mail à info[@]ouestaf.com