Aujourd’hui, les violentes manifestations contre son gouvernement le mettent sur la liste d’autres chefs d’Etat ouest africains qui, ces dernières années et pour « s’éterniser » au pouvoir, ont tenté, sans succès, de confisquer la volonté populaire : Mamadou Tandja au Niger, Abdoulaye Wade au Sénégal, Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire.
Le jeudi 30 octobre 2014, la détermination populaire, déjà démontrée deux jours auparavant par la mobilisation de près d’un million de manifestants opposés à la modification de la constitution dans les rues de Ouagadougou, est montée de cran. Les Burkinabé prennent alors d’assaut l’assemblée nationale, où les députés se réunissaient pour adopter un projet de loi qui aurait permis à Blaise Comparé de changer l’article 37 de la constitution et ainsi pouvoir se représenter à l’issue de son mandat en cours, supposé être le dernier et qui arrive à terme en 2015.
Face à la poussée populaire, et aux scènes de violence, contre les hommes et les symboles du pouvoir, celui-ci ne peut que reculer. Une page de l’histoire du Burkina venait d’être écrite.
Alors que l’opposition réclame sa démission, l’armée a annoncé la suspension du gouvernement et la dissolution, de l’assemblée nationale. Cela n’a pas arrêté les manifestations. Dans un ultime sursaut pour sauver le peu qui reste de son pouvoir, Blaise Compaoré a fait une déclaration, promettant de « partir » à l’issue d’une transition de 12 mois, géré par un gouvernement d’union nationale, dont il serait à la tête.
Reste à savoir si les manifestants, qui comptent déjà des morts dans leurs rangs, vont accepter ce dernier « deal », qui manifestement vise à s’acheter du temps. Seule l’histoire répondra.
Signe des temps, avant Blaise Compaoré, Abdoulaye Wade du Sénégal avant vécu exactement le même scénario lorsque le 23 juin 2011, des milliers de Sénégalais s’étaient opposés, également par une forte mobilisation populaire devant l’assemblée nationale, à tout « changement de constitution ». Là aussi, le gouvernement avait dû retirer son projet de loi, marquant le premier pas vers la sortie peu honorable quelques mois plus tard, d’un président sénégalais qui avait tout pour rester dans l’histoire.
Incapables de lire les signaux qui leur sont envoyés, incapables de saisir la marche de l’histoire, grisés par le pouvoir et ses privilèges, souvent entourés de conseillers-courtisans, Blaise aujourd’hui comme Wade ou encore Tandja ou Gbagbo hier, se sont faits humiliés par une jeunesse ouest africaine désormais devenue « la gardienne » des constitutions et la garante des processus de construction démocratique en cours.
D’ailleurs au moment où toute l’attention était sur le Burkina Faso, les Béninois aussi organisaient une marche pour exiger des élections législatives que le gouvernement de Yayi Boni n’a cessé de reporter depuis environ de 18 mois…
Jadis habitués des manipulations et des vieilles combines pour rester au pouvoir, nombre de chefs d’Etat de la sous-région, n’arrivent toujours pas à comprendre que les temps ont changé, et que « confisquer » la volonté populaire pour exercer le pouvoir à vie, ne prospère plus.
Les scènes qui se déroulent à Ouagadougou depuis des jours sonnent comme un autre rappel et marquent, ici aussi, une autre sortie de scène humiliante, pour Compaoré cette fois-ci.
Ex-capitaine putschiste, qui au fil des années s’était taillé le respectable costume de médiateur et de « sage » dans la sous-région, du fait de son rôle dans les diverses crises, du Togo au Mali en passant par la Côte d’Ivoire, il devra désormais se préparer à tout. Car, en attendant la fin du film qui continue de se jouer à Ouagadougou et Bobo Dioulasso (deuxième ville du pays), il reste dans la conscience africaine, l’homme du coup d’Etat de 1987 et beaucoup peinent toujours à lui pardonner l’assassinat de Thomas Sankara dont la famille et les partisans n’ont jamais cessé de réclamer justice.
Quasi-indéboulonnable dans la mémoire des masses, la mort de Sankara aura été la hantise des 27 ans de pouvoir de son ancien « ami », et il est à craindre que dans les mois à venir, elle ne revienne au-devant de la scène, tout comme l’affaire Norbert Zongo, du nom du journaliste dont l’assassinant en 1998 avait aussi sérieusement ébranlé le pouvoir de Blaise Compaoré.
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