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Burkina Faso : le Covid-19 asphyxie l’import-export

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Ouestafnews – La pandémie de Covid-19 n’a pas fait que des victimes humaines. Elle a aussi affecté sérieusement le secteur économique. Au Burkina, l’import-export est durement éprouvé.

L’entreprise Talion Global Trade, active dans l’importation de produits cosmétiques n’arrive plus à avoir le quart de son chiffre d’affaires mensuel. Elle subit de plein fouet les contrecoups de la pandémie du Covid-19.

Avec la vente des produits cosmétiques, Talion Global Trade réalisait un chiffre d’affaires mensuel de près de 10 millions de FCFA, contre 25 millions pour les matériels électroniques. « Depuis la pandémie, nous enregistrons, à peine 2 millions de chiffre d’affaires par mois pour ce qui concerne les produits cosmétiques. Pour les matériels électroniques, c’est vraiment négligeable parce que les gens n’achètent plus rien du tout », se plaint le patron, Erwin Ouoba. Selon lui, la durée des commandes en provenance de la Chine est passée de deux semaines à plusieurs mois.

Face à la situation, l’homme, entré dans les affaires depuis ses années d’étudiant en Chine, a su s’adapter.

« Quand le coronavirus a fait son apparition, nous avons importé des masques chirurgicaux et autres produits médicaux en très grande quantité ». Cette réorientation a permis à Talion Global Trade de combler les pertes subies.

Les activités de l’entreprise Wend Tongo sont, elles aussi, frappées par les effets de la crise sanitaire. Depuis l’apparition du Covid-19, le 9 mars 2020 au Burkina, elle n’arrive plus à écouler les motos qu’elle importe de la Chine, de la Thaïlande et du Vietnam. Il en est de même pour les produits de grande consommation (riz, huile végétale, pâtes alimentaires) et des matériaux de construction. « Nous n’importions pas moins de 100 conteneurs par mois (…). Avec la pandémie, nous importons 8 à 10 conteneurs », confie son directeur, Salifo Ilboudo. Contrairement à Talion Global Trade, Wend Tongo n’a pas réussi à s’adapter à la situation.

A l’instar des autres entreprises, ARFA Express International, une société de e-commerce, peine à se maintenir. Spécialisée dans l’exportation de pagnes traditionnels Faso-danfani et de produits alimentaires bio vers l’Europe et les États-Unis, ainsi que dans l’importation des produits électroniques, cosmétiques et d’habillement, l’entreprise de Frank Alain Bagré a perdu la moitié de ses trois millions de FCFA de chiffre d’affaires mensuel habituel.

« Nous n’arrivons plus à respecter les délais et cela a beaucoup fragilisé la confiance des clients et joué sur nos ventes », dit-il pour expliquer le marasme actuel que connaît son activité.

Le made in Burkina coupé de l’extérieur

Talion Global Trade, Wend Tongo et ARFA Express International ne sont pas les seules entreprises victimes du covid-19. Les maraîchers, les arboriculteurs et les commerçants de bétail sur pied ne sont pas épargnés.

Dans les régions du Nord et du Hauts-Bassins, des producteurs n’arrivent pas à écouler leurs produits sur les marchés ouest-africains. « Des légumes rapidement périssables, produits en grandes quantités pour être expédiés à Ouagadougou puis exportés vers les pays côtiers, ont vu leur prix drastiquement chuter. La tomate, le chou, le poivron et le piment ont respectivement perdu « 60 %, 70 %, 62 %, et 80 % » de leur valeur sur le marché.

Des exportateurs de bétail et de légumes ont aussi connu des pertes, révèle une étude intitulée « Burkina Faso agriculture facing the COVID-19 crisis: the case of the Yatenga and Hauts-Bassins régions ».Ces travaux ont été réalisés par Patrick Dugué, Edmond N. Kohio et Justin Tiemtoré, et publiés le 2 mars 2021 dans le volume 30 de Cahiers Agriculture.

De mars à juin 2020, les commerçants considéraient qu’il était risqué d’exporter de grandes quantités de produits vers les pays voisins sans être sûr de tirer bénéfice de la vente, lit-on dans cette étude. Elle souligne aussi qu’un autre facteur démotivant est l’ensemble des contraintes de transport (pertes de temps à la frontière, interdiction de rouler la nuit, prélèvements abusifs de la part des agents de contrôle …) et les pertes possibles pendant le trajet à cause de ces contraintes.

Toutes ces petites misères des opérateurs économiques sont dues en grande partie au Covid-19 qui s’est déclenché dans le pays le 9 mars 2020. 

Les échanges commerciaux du Burkina Faso ont baissé de janvier à septembre 2020 à cause du Covid-19, selon l’INSD. Photo / Ouestaf News

Depuis, le Burkina Faso a enregistré 980 cas confirmés de covid-19 (bilan à la fin juin 2020), dont 53 décès, selon le service d’information du gouvernement. La pandémie a créé une psychose généralisée dès son apparition et paralysé l’économie.

Selon l’étude de Cahiers Agriculture, la filière mangue dont le principal bassin de production se situe au sud de Bobo-Dioulasso, dans la région des Hauts-Bassins du Burkina Faso, a rencontré des problèmes similaires. Le pic de production dans cette zone se situe entre avril et mai. En 2020, cette période a coïncidé avec la période à laquelle le Covid-19 sévissait fortement au Burkina Faso. Heureusement, pour cette filière, l’État a loué des avions de fret pour l’exportation vers l’Europe. Mais seulement un petit nombre de producteurs proches des exportateurs en ont bénéficié, selon l’étude qui n’en précise pas le nombre.  

Quant à la filière coton, elle a beaucoup souffert de la crise du Covid-19. L’étude de Patrick Dugué, Edmond Kohio et Justin Tiemtoré rapporte que la Société burkinabè des fibres textiles (Sofitex) a été obligée de différer la livraison du coton-fibre vers le port d’Abidjan à cause du ralentissement du transport terrestre et maritime. En fin mai 2020, il lui restait 27.000 tonnes en stock à faire écouler, occasionnant des frais de stockage supplémentaires.

Pire, les prix de vente sur le marché international ont fortement baissé entre mai et juin 2020. La Sofitex a enregistré un manque à gagner estimé à 7 milliards de FCFA durant cette période.

Cette baisse de prix s’explique par l’arrêt presque total des usines de textiles en Asie, de janvier à mai 2020. Un arrêt ayant entraîné une réduction des commandes de la part des importateurs de coton-fibre et parfois la renégociation du prix d’achat.

Le coton est le deuxième produit d’exportation du Burkina Faso, avec un taux de 11,40%, souligne Bloomfield Investment, une agence de notation financière en Afrique francophone, dans une étude sur « L’impact du Covid-19 sur la zone UEMOA », publiée en 2020.

Les échanges commerciaux du Burkina Faso ont baissé de janvier à septembre 2020 à cause du Covid-19, avant de remonter la pente au quatrième trimestre de l’année, selon la note trimestrielle de mars 2021 sur le commerce extérieur de l’Institut national des statistiques et de la démographie (INSD).

Ce dernier trimestre a été marqué par une balance commerciale avec un excédent de 72,6 milliards FCFA. La même note de l’INSD ajoute que l’or a été le principal produit exporté et a représenté 87,1% des exportations. Il a été suivi du coton qui a représenté 3,1%. A cela s’ajoutent les graines et fruits oléagineux.

Comme d’habitude, précise la note la Suisse est de loin le principal pays de destination des produits d’exportation burkinabè, avec un taux de 78,9%. Elle est suivie par la Côte d’Ivoire, la France et le Ghana.

Les importations, quant à elles, ont augmenté de 19% durant ce quatrième trimestre par rapport au précédent. Cependant, elles sont en faible baisse par rapport au quatrième trimestre de 2019 avec un manque à gagner de 0,9%.

En novembre 2021 seront publiés les statistiques de l’import-export pour 2020, année fortement marquée par le Covid-19. Ces chiffres sont très attendus pour avoir une idée des effets de la pandémie sur l’ensemble du secteur.

A la date du 31 décembre 2020, le Burkina Faso avait recensé officiellement 6.828 cas confirmés de covid-19 dont 85 décès, selon le service d’information du gouvernement.

En attendant, l’espoir d’une relance économique au Burkina Faso est permis malgré la fermeture des frontières terrestres. « Le fret n’est pas bloqué, ce qui va faciliter la relance de l’économie. D’ailleurs, les perspectives économiques annoncent une reprise de l’activité économique à partir de 2021 », explique Hermann Doanio, économiste et expert en finances publiques.

GS/fd/ts


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