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C’est acté : Burkina, Mali et Niger sortent de la Cedeao

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Ouestafnews – La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a perdu officiellement trois de ses États membres, à compter de ce mercredi 29 janvier 2025. La sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger est devenue effective un an après son annonce par les trois pouvoirs militaires, désormais regroupés au sein de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES). L’organisation régionale avait déjà été amputée et réduite à 15 membres après le départ de la Mauritanie en 2000.

La sortie du Burkina Faso, du Mali et du Niger « prend effet à partir de ce jour », a indiqué la Cedeao dans un communiqué publié le 29 janvier 2025. L’officialisation du départ des trois pays sahéliens intervient un an après l’annonce de leur retrait le 28 janvier 2024, comme le prévoient les règles de l’organisation ouest africaine.

L’organisation régionale indique que dans un « esprit de solidarité régionale » et dans « l’intérêt supérieur des populations », elle va continuer à reconnaitre les passeports et cartes d’identités Cedeao détenus par les citoyens maliens, burkinabè et nigériens « jusqu’à nouvel ordre ».

En plus de la libre circulation des personnes sans visa et les échanges de biens continueront aussi à bénéficier des mécanismes de facilitation prévus par la Cedeao. Selon son le communiqué, l’organisation ouest africaine a également décidé de maintenir une coopération « sans faille » avec ses fonctionnaires issus des trois pays.

Lire aussi : Retrait de la Cedeao : les pays de l’AES exigent une application immédiate

Délestée du Mali du Burkina Faso et du Niger, le bloc régional est désormais réduit à 12 États membres contre 16 à sa création, il y a 50 ans. La décision de se retirer est intervenue dans un contexte de fortes tensions avec les autres Etats de la communauté, suite à des putschs militaires. Bamako, Ouagadougou et Niamey ont respectivement connu des coups d’État en mai 2021, septembre 2022 et juillet 2023.

Des évènements qui ont suscité l’inquiétude et la colère dans les rangs des chefs d’Etats de la Cedeao. « Nous ne permettrons pas qu’il y ait coup d’État après coup d’État en Afrique de l’Ouest », avait déclaré le président du Nigeria, Bola Tinubu, alors qu’il venait d’être porté à la tête de l’organisation. C’était à l’occasion d’un sommet de la Cedeao à Bissau le 9 juillet 2023, soit quelques semaines avant le putsch contre l’ex-président du Niger Mouhamed Bazoum.

Ces coups de force ayant permis l’arrivée au pouvoir du général Assimi Goita ainsi que ses homologues Ibrahim Traoré et Abdourahmane Tiani avaient conduit à des sanctions notamment économiques controversées de la part de la Cedeao.

En effet, les textes de la Cedeao interdisent tout « changement anticonstitutionnel » et tout mode « non démocratique » d’accession ou de maintien au pouvoir ». Le protocole additionnel de décembre 2001 sur la bonne gouvernance prévoie des sanctions en cas de rupture de la démocratie « par quelque procédé que ce soit ». Parmi les mesures punitives citées, il y a  la suspension de l’Etat membre concerné de toutes les instances de l’organisation.

Tombés sous le coup de sanctions, les militaires au pouvoir dans les trois pays refusent de céder jugeant les sanctions « illégales et inhumaines » prises sous l’influence de « puissances étrangères », principalement la France.

Lire aussi : Sanctions de la Cedeao contre le Niger : les populations résistent

Les dirigeants militaires malien, burkinabé et nigérien reprochent également à la Cedeao un manque de soutien dans leur lutte contre l’insécurité liée aux attaques des groupes terroristes.

« Où était cette force lorsque des milliers de nigériens de burkinabè et de maliens mourraient sous les balles des terroristes ? », s’était interrogé le capitaine Ibrahim Traoré le 18 février 2024 à l’occasion d’un grand rassemblement de ses partisans à Ouagadougou. Le président burkinabè réagissait ainsi à la menace d’intervention militaire qui a été brandie par la Cedeao contre les meneurs du coup d’État du 26 juillet 2023 au Niger.

Les sanctions ont finalement été levées en janvier et février 2024 mais les trois pays sahéliens semblaient avoir déjà entamé un éloignement progressif de la communauté régionale en mettant en place l’Alliance des États du Sahel le 16 septembre 2023.

« Ce jour-là, nous avons franchi une étape décisive en renforçant les relations entre nos trois nations », a estimé le président de la transition malienne, Assimi Goita qui a prononcé un discours à la veille du premier anniversaire de ce nouveau bloc tripartite.

Pour raffermir encore plus leurs liens, les trois chefs d’Etats ont annoncé la création d’une confédération le 6 juillet 2024 à Niamey à l’occasion du premier sommet de l’AES.

Lire aussi : CEDEAO et AES : une rivalité au sommet entre Niamey et Abuja

Fondée en 1975, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a connu la première déchirure de son histoire en 2000, avec la sortie de la Mauritanie. Nouakchott avait décidé de se tourner vers l’Union du Maghreb arabe (UMA) avec l’Algérie, le Maroc et la Tunisie. La mise en place de cette communauté créée en 1989 est cependant restée inachevée à cause de divergences sur la question du Sahara Occidental, notamment entre Rabat – qui tient à y pérenniser sa souveraineté – et Alger, fervent soutien des indépendantistes du Front Polisario.

En dépit de ses difficultés, la Cedeao est apparue comme un modèle d’intégration économique et politique sur le continent. La libre circulation des personnes et des biens établie par l’organisation, est l’une de ses principales réalisations. L’union douanière et l’application d’un tarif extérieur commun (TEC) ont jusque-là facilité les importations pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger, tous des pays enclavés.

Désormais « étrangères » au bloc ouest africain, les populations du Mali, du Burkina Faso et du Niger ne devraient cependant pas souffrir – au moins dans un premier temps – d’entraves concernant leurs déplacements dans les douze autres pays de la communauté. C’est le cas avec leurs voisins de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa). La charte de cette organisation garantit les mêmes facilités que la Cedeao.

Les pays trois sahéliens, ont annoncé la mise en circulation de leurs nouveaux passeports estampillés AES à compter du 29 janvier 2025. Dans un communiqué du 23 janvier 2025, le général Assimi Goïta qui préside l’alliance a assuré aux citoyens des trois pays que les anciens documents de voyage demeureront valables jusqu’à leur date d’expiration avant de les faire remplacer par les nouveaux.

Lire aussi : Burkina Faso, Mali, Niger : vers une pièce d’identité et un passeport « harmonisés »

Les dirigeants de la nouvelle confédération avaient également fait savoir, le 14 décembre 2024, que leur espace va demeurer « sans visa » et de libre circulation pour les ressortissants des États membres de la Cedeao.

Une preuve selon Gilles Yabi, le fondateur du think tank Wathi, que les dirigeants de ces trois États sont tout à fait conscients de l’importance des relations économiques avec les pays voisins côtiers. « Lorsqu’on regarde les corridors les plus importants, on va voir les corridors Burkina Faso – Côte d’Ivoire ou Mali – Côte d’Ivoire par exemple », a-t-il déclaré dans une interview publiée sur le site de Radio France internationale le 17 décembre 2024.

Toutefois, des accords bilatéraux ou multilatéraux devraient être convenues avec les États non membres de l’Uemoa comme l’avait fait la Mauritanie après sa sortie du bloc ouest africain. La Mauritanie a, par ailleurs, amorcé un rapprochement avec la Cédéao par la signature en 2017 d’un accord sur la libre circulation des marchandises. Cette convention attend cependant d’être ratifiée par les parlements nationaux pour son effectivité.

Avec le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la Cedeao perd près de la moitié de sa superficie et plus de 16 % de sa population (73,74 millions sur plus de 434 millions), selon les chiffres de la Banque mondiale pour 2023.

Lire aussi : Cedeao : ce que risquent le Mali, le Niger et le Burkina en cas de retrait

La communauté perd par la même occasion près de 10 % de produit intérieur brut (PIB) soit 58,04 milliards de dollars, sur un total de plus 672,28, d’après toujours les données 2023 de l’institution de Bretton Woods.

IB/md/ts


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