Ouestafnews – Une petite phrase lancée au détour d’une interview suscite moults commentaires au sein de l’opinion publique et des remous au sein de la classe politique en Côte d’Ivoire. En ayant évoqué la possibilité que lui confère la « nouvelle constitution » de son pays de briguer un 3è mandat, le président Alassane Ouattara, suscite une vive polémique au moment où son pays est encore sous le règne d’un compromis politique fragile.
«La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation de la Côte d’Ivoire », ces propos du président Ivoiriens dans le numéro de Jeune Afrique du 04 juin 2018, ont réveillé l’ensemble des Etats-majors politique du pays et continue de susciter un vif débat dans l’opinion publique ivoirienne.
«La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes», a tenu à ajouter le président Ouattara dans le même entretien, mais cela nul ne l’a retenu, ou alors ceux qui ont retenu l’ont fait contre lui.
Arrivé au pouvoir en 2011 à la suite d’une élection controversé suivie d’une violente crise post-électorale qui a duré trois mois et fait 3000 morts, Alassane Ouattara a été réélu en 2015 dès le premier tour.
«Il est difficile de se prononcer sur une éventualité. Je pense tout de même qu’en l’état actuel des choses et vu toutes les incertitudes liées à un troisième mandat, le président Ouattara ne s’y engage pas résolument», estime le chercheur et enseignant ivoirien Dr. Arthur Banga dans un échange de courriels avec Ouestaf News.
Toutefois, reconnait ce chercheur, cette déclaration du président vient ajouter de la «confusion» à une situation déjà trouble dans le pays.
Pour ceux qui veulent lui succéder à la présidence et au niveau du Parti au pouvoir comme chez ses alliés du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP), c’est comme si l’horizon 2020 devenait de moins en moins dégagé, selon Dr. Banga.
Un reniement lentement construit
Le président Ouattara, à travers ces propos, semble se diriger vers un reniement par rapport à ses engagements antérieurs.
En 2015, il avait en marge des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement, reçu Nkosasana Dlamini-Zuma alors présidente de la commission de l’Union africaine. Une rencontre au cours de laquelle, Alassane Ouattara avait annoncé son intention de ne pas aller au-delà de ses deux mandats.
Une affirmation que ses partisans répétaient partout comme pour rassurer l’opinion publique.
«Il (Alassane Ouattara) a dit qu’il ne fera pas un 3e mandat et il ne fera pas un 3e mandat», déclarait en août 2016 Mamadou Touré, ex-conseiller de M. Ouattara, en charge de la Jeunesse et des Sports.
Toutefois, après le vote par référendum d’une nouvelle constitution en novembre 2017, le discours est devenu moins catégorique.
Selon les mots mêmes du président Ouattara, cette nouvelle charte fondamentale remet «à zéro les compteurs» pour ce qui est du mandat présidentiel.
En novembre 2017 déjà, dans une interview à France24, le président Ouattara avait pourtant lâché une première fois la même idée que celle qui aujourd’hui cause des remous au sein de la classe politique : «à priori, je ne me présenterais pas. A priori parce que nous avons une constitution qui m’aurait autorisé à le faire si je le souhaitais (…) En politique, on ne dit jamais, non. Attendez 2020 pour connaître ma réponse», avait-il lancé lors de cette interview.
L’élection présidentielle de 2020 qui, en principe, devrait donner une nouvelle alternance politique aiguise les appétits et suscite la méfiance, à la fois.
Au niveau du Rassemblement des Républicains (RDR, parti présidentiel), les ambitions du président de l’Assemblée nationale et du ministre Ahmed Bakayoko ne sont plus un secret.
Alors qu’au niveau du RHDP, les tractations sont toujours difficiles pour aboutir à une «candidature unique» autour de laquelle se rassembleraient les six partis qui composent cette coalition, tous signataires du pacte signé le 16 avril 2018.
De cet accord devait émerger un «parti unifié» et ensuite un candidat unique pour 2020. L’ex- parti au pouvoir, le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) souhaite que ce candidat unique soit issu de ses rangs, en vertu du principe de retour de bons procédés, l’alliance ayant facilité l’accession à la présidence de M. Ouattara.
Les tractations actuelles en vue du scrutin de 2020, laissent apparaître des «divergences de plus en plus affirmées» entre le RDR et son plus grand allié au sein du RHDP, le PDCI de l’ex-chef d’Etat, Henri Konan Bédié.
Pour Dr. Banga, une candidature d’Alassane Ouattara briserait la dynamique du RHDP. L’opposition incarnée par le Front Patriotique Ivoirien (FPI, parti de l’ex-président Laurent Gbagbo) avec ses deux tendances, et un personnage comme Mamadou Koulibaly, ex-responsable du FPI ayant lancé son parti, auraient là l’occasion de se retrouver, taire leurs divergences et faire du «tout sauf Ouattara».
MN/on/ts