Ouestafnews – Au Sénégal, le scepticisme et l’inquiétude sur les vaccins et leurs effets secondaires cèdent désormais la place à une ruée vers ces mêmes vaccins. La raison ? Depuis la mi-juillet, la hausse du nombre de cas de contamination et de décès quotidiens semblent convaincre les Sénégalais à aller se faire vacciner. Du coup dans les centres de vaccination, tout ne se passe pas comme il se doit. Ouestaf News a visité quelques centres de vaccination. Reportage.
Il faut venir à cinq heures du matin pour s’inscrire sur la liste des personnes qui doivent se faire vacciner, explique à Ouestaf News un agent trouvé à l’accueil du Centre de santé Gaspard Kamara de Grand Dakar, quartier populeux, non loin du centre-ville de la capitale sénégalaise.
Installé sous un bâtiment en construction, Lamine Samb, comme d’autres personnes, attend son tour pour se faire vacciner. « Je suis là, depuis six heures du matin », explique ce jeune étudiant, venu prendre sa première dose de vaccin anti-Covid-19.
Malick Mbaye, pour sa part, est venu prendre sa seconde dose d’AstraZeneca. Il doit rebrousser chemin car « ce vaccin n’est pas disponible ».
Cette ruée soudaine vers les centres de vaccination s’explique par la remontée des cas de Covid-19 durant le mois de juillet et du nombre de décès. Le pic a été atteint le dimanche 18 juillet 2021 avec 1.722 cas enregistrés en une seule journée. Le Sénégal n’avait jamais enregistré un tel chiffre depuis le début de la pandémie.
Pour ce qui est des décès, la deuxième décade de juillet (du 11 au 25 plus précisément) a été particulièrement macabre avec 91 morts enregistrés en deux semaines, beaucoup plus que le total enregistré durant les deux mois précédents (1er mai-30 juin 2021) avec 57 décès.
Covid dans toutes les … maisons
Dans l’opinion publique, c’est désormais la psychose. La maladie est sortie du secret des centres de traitement et des hôpitaux. Elle se retrouve dans quasiment chaque famille et dans chaque service.
« Le Covid-19 est en train de faire des ravages et les chiffres que l’on donne sont en deçà de ce qui se passe », alerte Dr Khardiatou Diallo Gaye, responsable du Centre de traitement des épidémies (CTE) de l’hôpital de Fann, dans un entretien accordé au journal Sud Quotidien, le 27 juillet 2021.
La responsable du centre estime que si on soumettait toutes les personnes grippées aux tests de Covid-19, « 99% des cas allaient être positifs ». Ce chiffre difficile à être vérifié, traduit la panique et le malaise ambiant qui ont envahi le pays entier.
Par ailleurs, il y a des décès qui surviennent dans les maisons et dans les cliniques qui ne sont pas prises en compte dans les statistiques officielles, selon Dr Diallo Gaye.
D’après elle, son Centre de traitement ne prend présentement que des cas sévères qui sont en train « d’attendre dans les structures sanitaires, les maisons et les cliniques ». Les malades stables qui ne nécessitent pas d’oxygène, sont libérés pour continuer le traitement à domicile.
Toutes ces informations mettent la pression sur des citoyens qui pendant longtemps ont épilogué sur les vaccins et leur efficacité, chacun y allant de sa propre « science » et surtout de ses propres certitudes. Désormais, le défi, c’est d’en trouver.
« Actuellement, il n’y a que le vaccin Johnson & Johnson qui est disponible » au Centre de Santé Gaspard Kamara, indique à Ouestaf News, Serigne Sy, infirmier et spécialiste en santé public. Selon l’agent de santé, ceux qui doivent prendre leur seconde dose des vaccins AstraZeneca et Sinopharm, « doivent patienter ». « Nous allons recevoir dans les prochains jours ces vaccins », souligne-t-il.

« Hier (lundi 26 juillet 2021), nous avons reçu 400 doses du vaccin Johnson & Johnson ». Ce mardi 27 juillet 2021, « nous avons reçu 300 qu’on vient de terminer. Demain, il est attendu 300 autres doses de vaccins Johnson & Johnson », indique l’infirmier au Centre Gaspard Kamara.
Au Centre de Santé de Liberté 4, c’est également le rush. La salle de vaccination a été prise d’assaut par des patients venus se faire vacciner.
Face à cet engouement des populations pour le vaccin, c’est maintenant la capacité des structures sanitaires à satisfaire la demande qui est mise à l’épreuve. Et surtout la transparence et l’égalité des citoyens dans l’accès au vaccin. Les agents de santé font passer en priorité parents, amis et personnes recommandées, créant la colère de ceux qui attendent patiemment.
« Je suis là depuis 7 heures du matin », explique Véronique Sagna, la quarantaine révolue. « Je ne me suis toujours pas fait vacciner. Au même moment, des personnes m’ont trouvée ici et sont parvenues à se faire vacciner, je ne sais par quel moyen », proteste-t-elle.
Pourtant, selon Dr Ndèye Maguette Ndiaye, Médecin chef de la région de Dakar (MCR), au sein des centres de vaccination, c’est le principe de l’équité qui est prôné. Dans les structures, « il n’y a pas d’ami, ni de parent », insiste le MCR de Dakar, qui dit ne pas être au courant de telles pratiques.
Ruptures de vaccins en cascades
Le Médecin chef de la région de Dakar, Dr Ndèye Maguette Ndiaye, indique par ailleurs qu’il n’y a pas « de ruptures de doses dans les centres de vaccination. Les districts distribuent quotidiennement les lots aux centres de vaccination ».
Pourtant des journalistes d’Ouestaf News sur le terrain, ont bien constaté dans la journée du 27 juillet 2021, des cas de rupture notamment aux Centres de Liberté 2 et Liberté 6 au cœur même de la capitale sénégalaise.
Le Centre de Liberté 6 « n’a pas reçu de lots de vaccin anti-Covid-19 » le 27 juillet 2021, a indiqué à Ouestaf News un agent en service dans la structure. « Nous en avons eu hier (26 juillet) et avons vacciné, mais pas aujourd’hui ».
Dans un autre centre de santé dans le même secteur, celui de Liberté 4, un agent trouvé sur place tente une explication : « il fait très chaud, les vaccins sont distribués par lots pour éviter qu’ils ne se gâtent parce que les structures ne disposent pas de dispositifs de conservation adéquats ».
Selon le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, le Sénégal a reçu dans la journée du 20 juillet 2021, un don de « 151.200 doses de vaccin Covid-19 Johnson & Johnson » du gouvernement américain. Une semaine plus tard, le 27 juillet 2021, ont été réceptionnés un lot de 332.118 doses de vaccin Sinopharm et un autre de 136.800 doses de Johnson & Johnson. Un lot d’Astra Zeneca est attendu la semaine prochaine.
Pour le vaccin Johnson & Johnson, « une fois retiré du congélateur, le flacon de vaccin non ouvert peut être conservé au réfrigérateur entre 2 °C et 8 °C, à l’abri de la lumière, pendant une seule période allant jusqu’à trois mois, sans dépasser la date de péremption imprimée (EXP). Une fois décongelé, le vaccin ne doit pas être recongelé », exige l’Agence européenne du médicament (EMA) sur son site.
D’après les statistiques du ministère de la Santé, après la réception des doses de Johnson & Johnson le 20 juillet, le Sénégal a vacciné 34.979 personnes entre le 22 et 26 juillet 2021 soit une moyenne d’environ 7.000 personnes par journée.
A la date du 26 juillet 2021, le Sénégal a vacciné au total 656.290 personnes. Au même moment il enregistre, 58.523 cas positifs de Covid, 1300 décès et compte 11.454 sous traitement.
Pour rappel, mi-avril 2021 un organe de presse dakarois (L’Observateur, privé) avait annoncé trois cas de décès liés aux vaccins, suscitant l’émoi auprès de la population. Même si l’annonce avait été très vite démentie par le ministère de la Santé le 16 avril 2021, cette polémique a eu un impact sur les performances de la campagne.
Entre le début de la vaccination (23 février 2021) et le 15 avril, la campagne enregistrait en moyenne 7.305 personnes vaccinées par jour. Cette moyenne a vertigineusement chuté pendant les 16 jours (16 avril – le 1er mai) qui ont suivi la polémique passant à une moyenne quotidienne de 2.070 personnes.
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