Ouestafnews – En violation du code de la santé qui garantit le caractère libre et volontaire de la vaccination, de nombreuses structures et entreprises aussi bien étatiques que privées, ont fait le choix d’imposer le vaccin anti-covid à leurs employés. Des menaces, ultimatums et autres sanctions abusives sont exercés à l’encontre des « contrevenants ». Tour d’horizon de ce qui se passe.
Le virus est toujours là, mais le vaccin contre le coronavirus fait peur. La réticence des populations devant la campagne de vaccination lancée contre le Covid-19 au Togo, le 10 mars 2021, ne faiblit pas. Les incertitudes autour des vaccins, couplées avec les multiples campagnes de désinformation, constituent autant de facteurs qui dissuadent de la vaccination.
Face aux réticences constatées au sein de la population, certains employeurs ont décidé d’imposer la vaccination à leurs salariés. Une situation qui visiblement se généralise, depuis que le gouvernement togolais a rendu obligatoire le « pass » sanitaire dans les bâtiments publics.
Dans cette croisade pro-vaccination, les hôtels font œuvre de pionnier. A l’origine, une note datée du 2 avril 2021, envoyée aux directions des hôtels du Grand Lomé par le ministre togolais du Tourisme et de la culture, Kossi Lamadokou.
Dans cette note le ministre, qui rappelle le « caractère libre et volontaire » de la vaccination, demande tout de même aux responsables « de mettre en congé technique jusqu’à la fin de la pandémie, tout agent qui refuserait de se faire vacciner », dans le souci de rompre la « chaine de contamination ».
Le ministre justifiait sa décision par deux articles du code de la santé. Il s’agit de l’article 66 dudit code qui stipule que « le ministre chargé de la santé rend obligatoire, dans les zones menacées par une épidémie, la vaccination contre l’affection en cause lorsqu’il existe un vaccin efficace. » Et l’article 67 qui stipule que « toute personne qui exerce une activité professionnelle l’exposant à des risques de contamination doit être obligatoirement vaccinée ».
Il estime que les hôtels constituent un endroit à haut risque de contamination et sont une porte d’entrée par excellence du nouveau coronavirus.
« Si pour une vaccination qu’on dit libre et volontaire, on met des gens en congé technique parce qu’ils ne se sont pas vaccinés, je pense qu’il y a une contradiction », affirme Godwin Etsè, directeur exécutif du Centre de documentation et de formation sur les droits de l’homme (CDFDH), cité par Scidev.net, un site d’information spécialisé sur les questions scientifiques. Il souligne que la vaccination n’est pas prévue parmi les critères pouvant conduire à un « congé technique », tel que prévu par le code du travail.
Selon M. Serges Abalo, juriste, le ministre fait une interprétation erronée et son agissement est illégal. « L’article 66 du code de la santé précise bien que c’est le ministre de la Santé qui constate, rend par conséquent la vaccination obligatoire dans la zone et non le ministre du tourisme », dit-il. De son point de vue, « le ministre abuse simplement de son autorité ».
Malgré son caractère controversé, certains établissements hôteliers ont respecté à la lettre, la consigne de leur ministre de tutelle.
Pressions, licenciement, privation de salaire…
Parmi les établissements s’étant pliés à la décision ministérielle figure l’hôtel « Krimas ». La décision a été prise le 1er mai et un délai de 7 jours accordé aux employés pour se conformer à la mesure, avec à la clé une menace.
« Tout contrevenant à cette décision, ne serait plus accepté dans notre entreprise jusqu’à la fin de la pandémie de Covid-19 », a précisé la direction dans le communiqué sorti à cet effet.
D’autres hôtels par contre ont plutôt encouragé à la vaccination, au lieu de l’imposer. « Chez nous, la direction a invité tout le monde à se faire vacciner. Des gens l’ont fait, mais il y en a qui ne l’ont pas fait. Personne n’a été forcé, ni menacé », confie un employé de l’hôtel « Onomo ».
Dans le secteur privé, il se dit que certaines entreprises se sont pliées à la règle et ont envoyé des membres de leur personnel en « chômage technique ». Peu d’employés sont cependant prêts à témoigner à visage découvert.
Ailleurs, des stratagèmes autres que la menace de licenciement sont usés, dans le but de pousser à la vaccination forcée. M. Kossi Aboka, maire de Golfe 5, une commune à Lomé, conditionnait le paiement du salaire par la vaccination contre le Covid19. Par note de service N°2021-014/PG/CG5/CM/SG/DRH-AS en date du lundi 12 avril 2021, il a demandé à tous les agents de la marie de se faire vacciner au plus tard le 14 avril 2021.
Cette note qui s’est retrouvée sur les réseaux sociaux, a suscité un tollé général. Le maire a dû annuler sa décision. Malgré ce rétropédalage, il a obtenu gain de cause. Selon les informations recueillies par Ouestaf News, tous les employés de la mairie du Golfe 5, sans exception, ont été vaccinés contre le Covid19, craignant certainement la privation de leur salaire.
A la Caisse nationale de Sécurité sociale du Togo (CNSS), dans une note de service, la Directrice générale, Ingrid Awade avait annoncé un contrôle des cartes de vaccination à compter du 6 septembre 2021 à la Direction Générale et à la Division maritime du Golfe. « Toute personne non vaccinée sera considérée comme un vecteur de la propagation de la pandémie », assure la directrice qui menaçait de prendre « des dispositions idoines à l’encontre de cette personne ».
Service public restreint
De son côté, le gouvernement togolais a décidé de restreindre l’accès aux bâtiments publics aux seules personnes vaccinées contre le Covid. La décision rendue publique à travers un communiqué en date du 10 septembre 2021, fixe les conditions d’organisation des réunions de service et de fréquentation des bâtiments publics par les usagers.
A la suite de la décision du gouvernement, le Président de l’université de Lomé a instruit, le 14 septembre 2021, les doyens de facultés, les directeurs des écoles, instituts et services centraux de l’université de mettre sur pied un dispositif de vérification de l’état vaccinal des usagers.
Le même jour, le Directeur général de la police nationale, le colonel Yaovi Okpaoul, a également sorti une note d’information stipulant que « nul ne peut avoir accès aux unités de la Police nationale soit pour le dépôt de dossier d’établissement de la Carte nationale d’identité, soit pour la légalisation ou autres, s’il ne présente pas la preuve de vaccination contre le Covid-19 ».
Partout ailleurs dans les services publics, les décisions sont presque les mêmes : Port autonome de Lomé, Compagnie d’Energie électrique du Togo, Aéroport international Gnassingbé Eyadéma, Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, pour ne citer que ceux-là. Le point commun à tous les mots d’ordre : pas de vaccination, pas d’accès.
Dans la foulée, le gouvernement togolais a soumis à la Cour constitutionnelle le projet de présentation d’une preuve de vaccination contre le Covid-19 pour accéder aux bâtiments administratifs. Après avoir émis des réserves dans un premier temps, la cour a finalement validé le projet.
Du coup, la carte de vaccination Covid est aujourd’hui un sésame précieux au Togo, exigé presque partout notamment dans les services publics, les hôpitaux, universités, banques et autres endroits recevant du monde. Seules exceptions pour l’instant : les marchés.
Le « pass sanitaire » désormais exigé presque partout, certains se ruent vers la vaccination. Le 7 Octobre 2021, un tweet du gouvernement togolais indiquait que 1,13 millions de doses de vaccins ont été administrées à cette date.
Face à la situation,des voix ne cessent de s’élever pour dénoncer une violation fragrante des droits de l’homme. Priver les citoyens de services auxquels ils ont droit, ou de documents administratifs sous prétexte qu’ils ne sont pas vaccinés pose un sérieux problème de droit, selon la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH) qui évoque un « dépassement des limites légales en circonstance exceptionnelle due à l’actuelle crise pandémique ».
« Si en vertu du pouvoir régalien, le gouvernement peut, en temps de crise prendre des mesures idoines pour combattre efficacement la pandémie actuelle, ce pouvoir ne peut être considéré comme absolu et sans limites pouvant permettre de contraindre directement ou indirectement les citoyens à la vaccination », déplore le président de la LTDH, Me Célestin Kokouvi Agbogan
Selon le défenseur des droits de l’homme, certes la vaccination d’une grande majorité de la population est salutaire car pouvant permettre d’atteindre l’immunité collective, mais la décision individuelle de chaque citoyen de se faire vacciner doit être libre et dénuée de toute contrainte.
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