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Covid-19 : les médecins, premiers à refuser le vaccin au Mali

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Ouestafnews – En quatre mois de campagne, seuls 150.563 Maliens se sont fait vacciner contre le Covid-19, dont 55.999 ont pris leur 2e dose. Les 249 millions de FCFA mobilisés pour la campagne de sensibilisation n’ont pas eu les effets escomptés. Les services de communication accusent les professionnels de la santé de nourrir la réticence des populations. Par ailleurs, sur les 396.000 doses d’AstraZeneca reçues par le pays, 189.438 doses ont atteint la date de péremption le 11 juillet.

Au centre de vaccination de Covid-19 du Centre de santé de référence de la Commune VI, les patients ne se bousculent pas. Ce vendredi 11 juin 2021, à 11 heures, seules trois personnes sont à l’attente. Chiaka Kéita, 57 ans, est venu prendre sa première dose contre le coronavirus. C’est par prudence qu’il a pris tout ce temps avant de se décider. « Nous avons un seul type de vaccin, AstraZeneca et il n’a pas bonne presse à travers le monde. Il me fallait donc un temps d’observation pour voir comment réagiraient les premières personnes vaccinées », explique-t-il.

Même constat dans les différents centres de vaccination à travers le pays. Lors du lancement de la campagne nationale de vaccination, le 31 mars 2021, la ministre de la Santé d’alors, Dr Fanta Siby s’est faite administrer la première dose pour rassurer les sceptiques. Elle avait souligné que plus de 150 mille personnes devraient être vaccinées dont des agents socio-sanitaires, des personnes âgées de 60 ans et plus et des personnes vivant avec une comorbidité.

Pour y arriver, la ministre de la Santé de l’époque (elle faisait partie du 1er gouvernement de transition après le putsch militaire d’août 2020) avait annoncé la mobilisation de 344 vaccinateurs et 516 volontaires pour assurer la sensibilisation.

Plus de deux mois après, les objectifs sont loin d’être atteints. « A la date d’aujourd’hui (9 juin 2021), 107.757 personnes ont été vaccinées dont 45.356 femmes et 62.401 hommes », a précisé Markatié Daou, Conseiller au ministère de la Santé.

Ce nombre n’a pas grandement évolué, selon les autorités sanitaires du Mali. Au finish, les premières doses de vaccin arrivées dans le pays ont atteint leur date de péremption sans être utilisées, poussant les autorités à suspendre la campagne.

« Le Mali n’étant pas en mesure d’utiliser tout le stock restant de vaccins avant la date de péremption du 11 juillet 2021 (….) » a décidé de suspendre la campagne à partir de cette date, soulignait un communiqué du ministère de la Santé dès le 23 juin 2021.

Au 11 juillet 2021, date de la suspension pour cause de la péremption de 396.000 doses, le Mali avait enregistré un total 150.563 personnes vaccinées contre le Covid-19 dont 55.999 ont pris leur 2e dose.  

Le manque d’engouement dans la campagne de vaccination est dû à la réticence des populations, et notamment celle des professionnels de santé. Le ministère de la Santé accuse ces derniers de renforcer la réticence au sein de la population.

« Ce sont les médecins eux-mêmes qui constituent le principal facteur qui empêche la campagne de décoller. Certains d’entre eux vaccinent les populations et refusent de l’être eux-mêmes et les citoyens sont au courant de cela », a regretté Seydou Baba Traoré, directeur du Centre national d’information, d’éducation et de communication pour la santé (CNIECS), structure en charge de la communication et de la sensibilisation sur la vaccination.

D’après ce dernier, ils ont eu des « discussions houleuses » avec le Conseil national de l’Ordre des médecins, « mais rien n’a changé ».

Le président du Comité scientifique Covid-19, Dr Seydou Doumbia n’a pas été suivi par nombre de ces collègues médecins qui refusent de se faire vacciner./Photo-Ouestaf News.

La vaccination n’étant pas encore une obligation au Mali, M. Traoré soutient que son service ne peut que communiquer sur les avantages du vaccin AstraZeneca pour sensibiliser les populations. « C’est la seule alternative pour rompre la chaine de contamination », a-t-il insisté.

De leur côté, certains professionnels de la santé ne cachent pas leur refus du vaccin AstraZeneca. Dr Modibo Doumbia, président du Conseil régional de l’ordre des médecins du district de Bamako, écrivait sur son compte Facebook le 1er avril 2021, le lendemain même du lancement de la campagne de vaccination : « j’attends le vaccin russe ».

Joint par téléphone, le 9 juin, il a affirmé maintenir sa position avant d’en donner les raisons : « quand nous avons reçu les premières doses de vaccin, nous avons pris du retard pour démarrer la campagne de vaccination et les conditions de conservation des doses n’étaient pas rassurantes ». Dr Doumbia ajoute aussi qu’au regard de tout ce qui se dit « au sujet du vaccin AstraZeneca », il préfère « observer d’abord ».

A l’hôpital de Point G, le plus grand centre de traitement de Covid-19 au Mali, des médecins refusent également le vaccin AstraZeneca. « Je ne me ferai pas vacciner. C’est une décision que j’ai prise depuis bien avant le début de la vaccination. Je n’ai pas confiance à l’AstraZeneca. Je me contenterai des gestes barrières pour me protéger contre la maladie », confie à Ouestaf News un médecin de cet hôpital.

Près de 250 millions pour une communication sans effet

La campagne de communication et de sensibilisation au tour de la vaccination a coûté près de 250 millions FCFA entièrement financé par l’Unicef, selon Seydou Baba Traoré, directeur du CNIECS.  

Il précise que le montant reçu a permis de produire et de diffuser des affiches, des spots à la télévision nationale et d’organiser des caravanes.

Dans un message régulièrement diffusé sur la chaîne nationale, des personnalités publiques comme l’artiste Cheick Tidiane Seck exhortent les citoyens à aller se faire vacciner. 

Cette stratégie du CNIECS est mise en cause par des experts du domaine. Pour Abdoulaye Guindo, expert en communication et président de la Communauté des blogueurs du Mali, le message du centre diffusé à la télé conforte les personnes réticentes à la vaccination dans leur position.

« Les personnalités qui interviennent dans le spot ne se montre pas en train de se faire vacciner alors qu’elles y invitent leurs concitoyens ». Autrement dit, explique M. Guindo, « quand on veut sensibiliser quelqu’un à se faire vacciner, on doit lui donner la preuve qu’on a soi-même déjà pris sa dose. C’est très important surtout en temps de crise ».

L’autre raison de l’échec est la non implication dans la campagne des leaders religieux, « très écoutés » dans la campagne, selon M. Guindo.

Des influenceurs à la rescousse   

Quelques semaines avant la date de péremption du vaccin, le ministère de la Santé, a reconnu l’inefficacité de la stratégie de communication en cours. C’est pourquoi, le cabinet ministériel a voulu prendre les choses en main pour le peu de jours qui restait.

Pour ce faire, il avait jeté son dévolu sur des influenceurs sur les réseaux sociaux. Le 9 juin 2021, le cabinet du ministère de la Santé a rencontré une vingtaine d’utilisateurs des réseaux sociaux. Selon Markitié Daou, conseiller au ministère et président de la séance, l’objectif de la rencontre était d’associer ces « influenceurs » dans la sensibilisation pour pouvoir booster la campagne de vaccination qui a démarré depuis le 31 mars.

« D’ici le 10 juillet 2021, nous voulons épuiser le stock de doses disponible. Nous voulons que vous communiquiez sur la qualité du vaccin pour motiver les citoyens. Chacun doit se faire vacciner et publier la photo de sa vaccination sur les réseaux sociaux », avait sollicité M. Daou, s’adressant aux invités à la rencontre.

L’Unicef, principal soutien de la campagne de communication autour du vaccin a adhéré à cette nouvelle stratégie du cabinet ministériel. Selon l’un de ses représentants, l’agence onusienne prendra en charge les frais de cette nouvelle campagne.

Cette nouvelle stratégie a-t-elle payé ? Difficile de répondre par l’affirmative. Du 9 juin au 10 juillet 2021, soit un mois, seules 42.806 personnes supplémentaires se sont vaccinées.

Depuis mars 2020, le Mali a connu 14.584 cas positifs au Covid-19 dont 532 décès à la date du 31 juillet 2021.

MD/fd/ts


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