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Déclaration de la Raddho sur la situation socio-politique au Mali (Texte intégral)

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Introduction générale

 

Gravement préoccupée par les crises complexes, multiformes, récurrentes, contagieuses et porteuses de menaces de toutes sortes pour la paix, la sécurité, stabilité et la viabilité des Etats de la sous-région, la RADDHO après avoir surveillé de près les expériences de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal a envoyé une mission en Guinée Bissau du 27 au 01 avril et au Mali du 04 au 10 avril avec une délégation composée du président et des responsables locaux de la RADDHO.

 

Au cours de ces missions de contact et d’investigation, la RADDHO a pris contact et échanger avec tous les acteurs concernés par les crises notamment les pouvoirs publics, les acteurs politiques, les organisations de la société civile, les organisations religieuses, les mouvements de femmes et de jeunes, les médiateurs de la CEDEAO. Enfin les délégations ont également rencontré les institutions nationales de droits de l’homme. Le Mali n’est pas un cas isolé même s’il  se distingue par ses spécificités géostratégiques et sa position entre l’Afrique du Nord et l’Afrique sub-saharienne.

 

·         CRISES DE LA DEMOCRATIE, CRISE DES ELECTIONS, CRISE DE LA SUCCESSION A LA TETE DES ETATS HYPERPRESIDENTIALISME ET ABSENCE TOTALE DE POLITIQUE DE DECENTRALISATION ET D’AMENEGEMENT DU TERRITOIRE

 

Le cas du Mali est loin d’être isolé car toute la sous-région a été secouée à des degrés différents par les crises que nous venons de citer, notamment la crise de l’alternance, de la bonne gouvernance avec l’existence d’une corruption endémique, de la patrimonialisation de l’Etat mais aussi l’affaiblissement continue des institutions démocratiques avec des Parlements fonctionnant comme des chambres d’enregistrement, des juges aux ordres et l’existence de l’impunité, l’affaissement des sociétés civiles qui deviennent de plus en plus des appendices des pouvoirs en place ou des partis politiques.

 

Ces crises multiformes expliquent l’éclatement des révolutions arabes, les coups d’Etats militaires qui reviennent, le conflit ivoirien, le coup d’Etat au Niger et au Mali, la crise politique qui a secouée pendant sept mois le Sénégal dans la période préélectorale et dans la campagne. Nous avons également en partie la cause de la débarque rapide  d’une institution et de la chute brutale d’une remontée démocratique que connaît  le Mali depuis le 26 Mars 1991.

 

A cela il faut ajouter la misère humaine qui frappe l’écrasante majorité des jeunes pratiquement condamnés au chômage à vie du fait de l’existence d’un système qui admet comme normal des poubelles sociales.

Ainsi en dehors des gouvernements de partage de gâteau, point de salut, pas d’alternance pour une démocratie sociale où l’on reconnaît les droits éc
onomiques, sociaux et culturels qui sont alloués en permanence pour des millions d’individus.

 

Faut-il s’étonner de les retrouver de plus en plus dans les nébuleuses islamistes comme Boko haram qui a fleuri dans les zones du Nigéria où règnent la misère et l’ignorance ou dans Al-Qaïda pour le Maghreb arabe (Aqmi) qui rassemble aujourd’hui les salafistes algériens mais beaucoup de jeunes paumés de l’Afrique de l’ouest dont la Mauritanie, le Sénégal, le Niger, le Bénin, le Burkina, le Mali etc. Faut-il s’étonner qu’ailleurs fleurissent également des chapelles ou des groupes d’illuminés de religions nouvelles.

 

·         LE MALI : LE COUP D’ETAT ET LA MORT DE LA DEMOCRATIE CONSENSUELLE

 

Le coup d’Etat du 21 Mars commis par Amadou Haya SANOGO et le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat, est à la fois le révélateur et  le facteur aggravant de la crise, révélateur aussi du choc profond ressenti par l’armée après le massacre d’Aguelhok, en fin janvier qui a montré la barbarie  avec laquelle 70 soldats maliens ont été tués par les rebelles après la commission d’innommables atrocités. Un vrai crime de guerre  qui doit faire l’objet d’une investigation de la Cour Pénale Internationale.

 

Le coup d’Etat a révélé que l’institution militaire est une fiction au Mali. Situation paradoxale quand on sait que le Mali dispose de deux institutions de formation des militaires à Koulikoro et à Bamako avec le centre Alioune Blondin Beye.

 

Le coup d’Etat a révélé la fragilité de l’Etat et des institutions démocratiques qui se sont écroulés comme des châteaux de cartes mettant à la fois un terme à une expérience démocratique cinq semaines seulement avant l’élection d’un nouveau Président de la République au Mali.

 

La bataille politique pour la succession à la tête de l’Etat qui a été engagée dans des conditions confuses constitue un des éléments à ne pas négliger dans ce qui est arrivé au Mali, et qui a fait que beaucoup de maliens ont « accepté » le coup d’Etat. Cependant les admirateurs, nombreux dans le monde de Amadou Toumani TOURE, ont été surpris par le cauchemar qui est tombé sur le Mali d’une manière aussi soudaine et permettant aux rebelles d’occuper les 2/3 du pays et 65% de la superficie du Mali. C’est dire qu’on n’a pris à sa juste valeur certains aspects de la « démocratie consensuelle », notamment les aspects les plus pervers consistant à bannir toute contradiction, toute démarche critique, toute opposition, et qui a fini par être la forme la plus pernicieuse de la censure et de l’anesthésie sociale, un peuple fier de son Histoire et de sa Culture séculaire.

 

A toute chose malheur est bon, aujourd’hui
dans toutes les sphères de la société malienne, le temps est aux interrogations et à l’introspection dans les institutions, les partis, la société civile, mais aussi l’armée.

 

·         Action salutaire, efficace et sereine de la médiation de la CEDEAO.

 

Pour une fois la CEDEAO a été efficace et pragmatique :

ü  D’abord par la fermeté des positions contre le coup d’Etat et la junte militaire avec des décisions sans ambiguïté et sans appel qui ne laissaient aucune alternative à la junte que la restauration des institutions et de la constitution au Mali.

ü  Suivi par toute la communauté internationale, cette décision a permis un dialogue avec le médiateur Djibril BASSOLE qui a mené le jeu du tambour battant. Le succès est éclatant et la RADDHO s’en réjouit.

ü  Aujourd’hui Dioncounda TRAORE va prêter serment et va devenir le premier Président par intérim et sans doute le Président de la transition.

ü  Le Mali doit profiter de l’occasion pour repenser le modèle démocratique, les moyens de renforcer les institutions démocratiques et la lutte contre la corruption mais surtout et fondamentalement une reforme profonde des secteurs de la dépense et de la sécurité.

ü  La CEDEAO doit également penser à l’intégration de la diplomatie et du secteur de défense et de sécurité avec la création d’un ministère des affaires étrangères de la CEDEAO et également d’un ministère de la défense de la sous-région pour éviter les interventions ponctuelles, récurrentes et inefficaces.

ü  Renforcer la société civile malienne.

 

·         LE MALI UTILE ET LE MALI INUTILE, LA POLARISATION NORD-SUD ET LES MENACES D’INSTABILITE DANS LA SOUS-REGION

 

 

 

C’est paradoxal de voir la lucidité avec laquelle le président Amadou Toumani TOURE, en bon connaisseur de cette région, analyse la crise et la manière totalement déconcertante, voire irresponsable avec laquelle la question des touaregs a été gérée sous son magistère.

 

 

 

Cette crise n’est pas nouvelle, elle a éclaté en 1963, 1990, 2006 et 2012 avec la naissance du Mouvement National de Libération de l’Azawad en 2011.

 

 

 

Comment a-t-on pu laisser pendant plus de 10 ans des groupes islamistes du GIA, du GSPC, de l’AQMI, des bandes armées, des rebelles s’approprier un territoire grand comme l’Europe, transformer en zone de non droit pour y développer de façon délibérée et en toute impunité une économie criminelle. Zone où tout circule, tout se vend, la cocaïne, les armes, les cigarettes. Zone où l’on vole tout, zone où on pratique le kidnapping des touristes, zone de repli et sanctuaire des islamistes en déshérence. Une véritable bombe à retardement qui menace la sécurité de toute la sous-région.

 

 

 

Considéré comme le Mali inutile, rien ne peut retenir quelqu’un dans le nord considéré comme l’enfer par les fonctionnaires ou militaires maliens qui y sont affectés. Le nord est hors de l’Etat, il n’ya ni école, ni centres de santé, aucune infrastructures de base. En réalité, on a préféré l’abstraire, la considérer comme une fiction jusqu’à ce qu’il se révèle comme la plus grave menace pour l’existence de l’Etat, de l’unité nationale et l’intégrité territoriale.

 

 

 

Aujourd’hui les 2/3 du territoire sont occupés par les rebelles qui sont divisés par les islamistes, eux-mêmes encore sont divisés et n’ont pas le même agenda. Les uns veulent l’indépendance, les autres l’application de la charia sur tout le Mali.

 

 

 

La menace de somalisation et la création de l’Afghanistan d’Afrique

 

Toute l’internationale islamiste s’est donnée rendez-vous au Mali notamment à Gao et Tombouctou où nous avons Aqmi, Ansar dine, Boko haram et peut être demain les shebab.

 

 

·         CONSEQUENCES DESASTREUSES DE LA GUERRE EN LYBIE, PASSIVITE DE L’ALGERIE, DE LA FRANCE ET DES ETATS UNIS

 

 

 

Comment des milliers de rebelles ont pu quitter la Lybie avec 35 000 tonnes d’armements, traverser le Niger, longer toute la frontière de l’Algérie jusqu’à Kidal sans attirer l’attention des services algériens, américains et français ? Comment les
observateurs de la CEDEAO, dont certains sont basés à Ouagadougou, n’ont pas pu prévenir cette menace ? Pire, comment les services maliens ont pu être aveuglés par une menace aussi grosse ?

 

 

 

Tous les pays de l’OTAN qui étaient impliqués dans le conflit Lybien ont une responsabilité même indirecte par rapport à la situation actuelle du Mali et doivent mobiliser toutes les ressources et les moyens logistiques pour mettre un terme d’urgence à la situation au nord du Mali et qui constitue également une menace pour leur propre sécurité.

 

 

 

·         LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME

 

 

 

Cette situation est porteuse de la plus grande catastrophe humanitaire jamais connue dans la sous-région.

 

 

 

Dans les villes occupées par les islamistes, tout a été pillé, les boutiques, pharmacies, la nourriture, les voitures 4×4, les camions, les hôpitaux et centres de santé. La bande du sahel sous la menace de la famine rend cette situation encore plus grave, aujourd’hui les populations n’ont ni nourriture, ni eau, ni électricité.

 

 

 

Il faut créer d’urgence un couloir humanitaire pour une aide d’urgence aux populations.

 

Des cas de viols et d’exécution judiciaire on été relevés à Gao et à Tombouctou où règne la terreur avec l’imposition du voile islamique aux femmes.

 

 

 

·         REFUGIES ET PERSONNES DEPLACEES

 

 

 

Aujourd’hui on compte des milliers de refugiés dans les pays limitrophes comme le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger. Beaucoup de personnes déplacées également du côté de Bamako et des villes du sud.

 

 

 

·         GARANTIR L’INTEGRITE TERRITORIALE ET L’UNITE NATIONALE

 

 

 

ü  La CEDEAO et l’Union Africaine doivent prendre immédiatement toutes les initiatives diplomatiques de concert avec les nouvelles autorités maliennes en vue de la restauration de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale du Mali dans les meilleurs délais.

 

 

 

ü  La communauté internationale, notamment l’Union Européenne, l’ONU, et les membres permanents et le conseil de sécurité des Nations Unies doivent travailler à la mise en place d’un groupe de contact sur le Mali en vue de la restauration de l’unité nationale et l’intégrité territoriale du Mali.

 

ü  A défaut aucune hypothèse ne doit être écartée pour recouvrer l’unité nationale et l’intégrité territoriale.

 

ü  La libération immédiate et sans condition de tous les détenus politiques.//FIN

 

 

 

Fait à Ouagadougou, le 12 Avril 2012

 

 

 

 


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