Discours d’investiture du président béninois Thomas Boni Yayi (TEXTE INTEGRAL)

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Par Thomas Boni Yayi*

En cette circonstance solennelle, que je vis avec beaucoup d’émotion et surtout d’espoir et d’espérance, je voudrais rendre grâce à Dieu, le Tout-Puissant, pour son infinie bonté et sa miséricorde à l’endroit du Bénin, notre chère patrie. J’exprime toute ma gratitude, et ce avec beaucoup de respect et de considération au vaillant peuple béninois qui a bien voulu me renouveler sa confiance, pour continuer de conduire ensemble notre nation sur le chemin de l’unité, de la paix, du progrès, de la solidarité et de la prospérité.

Excellences Madame, Messieurs les Chefs d’Etat, Distingués Représentants des Chefs d’Etat,

Au nom du peuple béninois, je vous remercie du fond du cœur d’être venus rehausser de votre présence, la cérémonie de ce jour.

Votre présence à nos côtés en dépit de vos agendas très chargés est le témoignage de votre attachement et de votre amitié au peuple béninois. Cette marque de sollicitude sanctionne l’effort que fournit notre pays pour faire partie de la communauté des nations.

Je voudrais vous exprimer la particulière considération que le peuple béninois vous porte. Veuillez accepter, en même temps que notre sincère gratitude, nos souhaits d’agréable séjour au Bénin.

Mes chers compatriotes,

Je salue l’action combien efficace des institutions de la République et autres organes qui ont apporté une contribution majeure à l’organisation et au déroulement dans la paix du dernier scrutin présidentiel, en dépit des conditions préparatoires difficiles.

J’exprime également ma profonde reconnaissance aux autorités morales, religieuses et traditionnelles qui œuvrent quotidiennement notamment par leurs prières et le jeûne au maintien d’un climat de tolérance et de paix dans notre cher pays.

Je voudrais particulièrement rendre hommage à mes aînés, les Présidents Emile Derlin ZINSOU, Mathieu KEREKOU et Nicéphore Dieudonné SOGLO, références incontestables de l’histoire de notre République dont la sagesse et la clairvoyance méritent respect et admiration. J’associe à cette gratitude toute la classe politique pour son rôle inestimable dans l’enracinement de la paix et de la démocratie chez nous.

Comment ne pas remercier l’ensemble de la communauté internationale pour son appui de qualité dans l’accompagnement de notre expérience démocratique.

J’adresse un salut fraternel à tous les autres candidats à la Présidentielle de mars 2011. La campagne électorale m’a permis d’écouter leurs projets de société et de me faire une idée de cette vision qui doit conduire notre nation à l’unité nationale, à la paix et au développement. J’apprécie leur courage et leur détermination. A vrai dire, à l’issue du scrutin du 13 mars 2011 il n’y a ni vainqueur, ni vaincu. C’est le peuple béninois qui en est sorti grandi.

Aussi voudrais-je à cette occasion exceptionnelle, témoigner ma reconnaissance à tout le peuple béninois.

En effet, notre peuple a toujours su trouver en lui, grâce à l’action concertée de toutes les bonnes volontés et à l’amour de notre commune patrie, la force de transcender les situations difficiles. Les Béninois en ont encore fait la démonstration avec l’élection présidentielle qui vient de se tenir.

Mes Très chers compatriotes,

Je mesure pleinement l’ampleur de vos attentes et surtout celles de la jeunesse. Ces attentes se résument en un besoin de formation de meilleure qualité, d’emploi valorisant et de la nécessaire stimulation de la croissance de notre économie pour faire face à la forte poussée démographique. Ces questions essentielles me semblent incontournables dans notre combat pour l’éradication de la pauvreté et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Dès lors, il nous faut asseoir mieux que par le passé une meilleure qualité de la gouvernance dans la gestion des affaires de notre cité commune.

Mes bien chers compatriotes,

Il y a exactement cinq ans dans cette même capitale de notre pays, Porto- Novo et en ces mêmes circonstances, nous prenions l’engagement de « changer » et nous en précisions les conditions : « Si vous voulez changer l’avenir, changez vous-même ».

Vous convenez avec moi aujourd’hui que les crises internes qui ont secoué notre République pendant les cinq dernières années sont essentiellement dues à une perte de nos valeurs spirituelles, morales et éthiques. C’est ce qui m’amène à vous parler depuis un certain temps de la refondation de notre République sans laquelle notre nation ne pourra satisfaire ses besoins fondamentaux indispensables à sa survie et à sa croissance.

Dans le cadre de cette refondation, il s’agira pour nous de réaffirmer notre fermeté pour la restauration de ces mêmes valeurs. L’un des moyens d’y parvenir, c’est de réintroduire dans notre système éducatif, l’éducation à la citoyenneté et au civisme.

Le vote clair, massif et sans appel du 13 Mars 2011 porte une signification que nous devons ensemble relever. Ce vote nous enjoint à tous et à moi le premier, de nous engager à nouveau, de nous prendre plus au sérieux, de nous organiser et de nous astreindre à l’effort d’une discipline républicaine qui se refuse à l’arrogance et à la médiocrité.

Mes chers compatriotes,

Un pays ne peut vivre et se développer dans la culture de la grève permanente, le refus du service à tous et la non assistance délibérée à personne en danger.

Le vote décisif du 13 Mars est signal de réveil patriotique dont il faut s’emparer sans délai.
Pour le quinquennat débutant, mes chers compatriotes, le Gouvernement doit démontrer sa ferme volonté politique à poursuivre les réformes administratives et institutionnelles, y compris l’audit organisationnel et fonctionnel de la Présidence de la République, des Ministères et de toutes autres structures gestionnaires des fonds publics. Le quinquennat sera également consacré au renforcement des actions d’assainissement et l’amélioration des finances publiques. Le Gouvernement doit en outre consolider et renforcer la primauté du droit, accompagner plus efficacement l’action de la société civile et imprimer à l’Administration publique une forte dimension éthique et apolitique pour en faire un vecteur de développement.

Béninoises et Béninois, Je disais tantôt que je sais quelles sont vos attentes pour les cinq années à venir. Je m’emploierai à ne pas les décevoir. Ensemble, nous nous engagerons à mettre en œuvre mon projet de société auquel vous avez massivement adhéré et dont je me limiterai à en rappeler quelques points essentiels.

Il s’agit notamment de la gouvernance politique qui se traduira par une réforme constitutionnelle pour renforcer les attributs de nos institutions en vue d’équilibrer leurs pouvoirs et d’améliorer leur fonctionnement au profit de notre Peuple. Elle portera également sur un nouveau code électoral qui élimine la transhumance politique, l’instabilité institutionnelle tout en promouvant un nouveau système électoral stable et compatible avec les moyens de l’Etat. Il s’avère également nécessaire dans ce cadre de redéfinir un nouveau système partisan dont l’objectif est le renforcement de l’Unité Nationale et la simplification du système politique national ainsi que le renforcement du statut de l’opposition. A ce titre la question du financement des partis politiques doit être de même définitivement réglée après une large concertation avec toute la classe politique.

Ces réformes constitutionnelles ne remettront pas en cause les dispositions des articles 42 et 44 de notre Loi Fondamentale relatifs à la limitation du nombre de mandats à deux et à la limitation d’âge à 70 ans. C’est donc le lieu de vous rappeler, mes chers compatriotes, que le mandat que vous venez de me renouveler est bel et bien le second et le tout dernier.

Une réforme profonde de l’appareil judiciaire sera engagée pour le rendre plus équitable, plus accessible et plus performant. Un accent particulier sera mis sur le découpage territorial pour renforcer la décentralisation et la déconcentration en vue de faire de nos communes des pôles de développement et de création de richesses ainsi que des cités de bien-être pour chacune et pour chacun.

Mes très chers compatriotes,

S’agissant de la Gouvernance économique, le défi à relever est de bâtir une économie compétitive basée sur un véritable partenariat public-privé et débarrassée des faiblesses d’une Administration non performante. Cette Gouvernance sera fondée sur la lutte contre l’impunité et la corruption.
En effet, les impératifs de développement au cours des cinq années à venir nous imposent de faire de la lutte contre la corruption notre cheval de bataille. Je saisis l’occasion pour rappeler que la priorité de mon Gouvernement sera de demander à la nouvelle Représentation Nationale dès son installation l’examen en procédure d’urgence de la loi sur l’enrichissement illicite et la lutte contre la corruption.

La question de l’impunité n’est pas moins une source de préoccupation pour moi et certainement pour vous tous. Elle s’enracine de plus en plus par notre morale sociale, par l’absence de l’engagement de la classe politique et par la faiblesse de notre justice notamment. Une nouvelle vision sur chacun de ces points s’avère indispensable car l’impunité conduit à l’anarchie, au désordre et au dépérissement de notre démocratie.

Les autres actions à mener au titre de la Gouvernance économique consisteront essentiellement à développer l’entreprise et l’initiative privée, renforcer les infrastructures économiques, faciliter l’accès des pauvres aux crédits par la microfinance et promouvoir l’emploi des jeunes et des femmes.

Mes chers compatriotes,

Nous travaillerons ensemble pour promouvoir une agriculture moderne qui sache s’adapter aux changements climatiques. Il s’agira notamment de promouvoir la maitrise de l’eau, poursuivre la mécanisation agricole, la diversification des filières, la réhabilitation de nos pistes rurales. Il sera également question d’encourager la recherche agronomique et la formation, l’ouverture des marchés sur une base régionale et inter-régionale et la conservation et la transformation de nos produits, en vue de générer plus de valeur ajoutée en terme d’emplois et de revenus pour la jeunesse et nos chères mamans.

Dans le domaine de la gouvernance sociale, un nouveau contrat social sera conclu avec les partenaires sociaux et le secteur privé pour une stabilité sociale permanente, facteur essentiel pour la croissance économique et la création de richesses. Une nouvelle application du principe de l’égalité entre l’homme et la femme par la mise en œuvre d’une parité absolue dans les fonctions électives pour une meilleure représentativité des femmes dans les fonctions de l’Etat.

En outre, l’exigence de justice sociale et de solidarité nationale recommande de veiller à une meilleure sécurité sociale, à la promotion de la femme, à la réduction des inégalités de genre ainsi qu’à l’intégration des personnes handicapées et des personnes âgées. C’est dans cette logique de justice sociale que nos concitoyens qui ont été abusés par les sociétés illicites de placement d’argent (ICC Services et consorts) doivent être effectivement remboursés. Je réitère mon engagement à tout mettre en œuvre en accord avec les autorités judiciaires pour parvenir à cette fin, c’est-à-dire que l’argent des Béninois retourne aux Béninois et aux autres épargnants.

La quête d’une meilleure qualité de vie dans le pays profond va nous déterminer à étendre progressivement l’approche « Villages du Millénaire » à toutes les zones déshéritées en facilitant l’accès de tous aux services de santé, d’hygiène et d’eau potable. Par ailleurs, le développement de la culture et des activités sportives mérite une plus grande attention.
Le développement de tous ces chantiers nécessite un climat de paix et de sécurité auxquels je veillerai particulièrement.

Béninoises, Béninois,

Comme vous le constatez, le mandat que vous venez de me renouveler sera véritablement celui des grandes réformes que je souhaite mettre en route pour engager la transformation politique, sociale et économique de notre cher pays, le Bénin.

Le défi de la qualité et de la gouvernance politique et administrative sera relevé par l’amélioration de l’organisation du travail et des méthodes. A ce titre, je compte mettre en place un gouvernement d’ouverture, transcendant les partis politiques, les clivages ethniques et constitué d’hommes et de femmes de valeurs, compétents et patriotes. Ce gouvernement d’ouverture aura à sa tête, un Premier Ministre.

Toutes nos actions doivent porter la marque de l’anticipation, de la planification et d’une programmation mieux organisée ainsi que de la méthode et de la rigueur. Elles seront pour la plupart le fruit d’une synergie résultant de la solidarité gouvernementale, de la fédération des intelligences autour des questions majeures et d’une collaboration harmonieuse avec les institutions de la République, dans le respect de la Constitution que notre pays s’est librement donnée.

Mesdames et Messieurs,

Dans la perspective du renforcement de l’unité nationale et de la cohésion sociale, je propose au peuple béninois l’organisation prochaine d’une conférence de sursaut patriotique qui permettra notamment d’examiner les problèmes de gouvernance et de comportement citoyen qui se posent à notre pays sur les plans politiques, économiques et socio-culturels.

Mes chers compatriotes, La tâche ne sera pas facile et devra s’inscrire dans la durée. Chaque citoyen, où qu’il se trouve, a vocation à contribuer à bâtir un Bénin moderne. Il n’y a donc pas et il ne saurait y avoir d’exclusion. Il n’y a que les bonnes volontés de ceux qui aiment leur pays et qui sont animés par la fibre patriotique et par la passion de l’intérêt général.

Avant de clore mon propos, je veux encore remercier !

Je veux remercier avec déférence, respect et haute considération ce peuple béninois, peuple unique, remarquable dans son sens du discernement et son attachement à la paix et à l’unité nationale, peuple que j’entends servir sans réserve et sans mesure.
Merci à tous les habitants de notre ville de Porto-Novo, notre capitale toujours ouverte, accueillante et fraternelle.

Je veux encore remercier nos hôtes venus de tous horizons, Chefs d’Etat généreux de leur temps, de leur amitié et de leur soutien ; chefs de délégation, représentant des pays amis et des institutions internationales. Votre présence effective porte la marque du symbole de la solidarité et c’est ensemble que nous pouvons relever les défis de ce siècle.

Je ne saurais oublier nos partenaires au développement, qu’ils soient d’Afrique, d’Europe, d’Amérique, d’Asie, du monde arabe ou de la grande famille des Nations Unies.

Je remercie la société civile, ces militants des droits pour tous, artisans de paix et de solidarité.
Je remercie nos chères mamans et nos jeunes dont l’engagement ardent et lucide au cours de ce processus électoral a été déterminant, malgré les défis importants liés à l’introduction d’un nouveau système de recensement électoral. Je voudrais toujours compter sur leur sens élevé de civisme pour que les élections législatives prochaines se déroulent dans la paix et la quiétude.
Oui Merci, infiniment Merci à toutes et à tous, à chacune et à chacun…

Merci au Tout Puissant qui nous soutient de sa grâce et nous comble de ses bénédictions. Sous son regard, mes chers compatriotes je vous dis avec confiance et détermination : « Enfants du Bénin, debout ! »

b[* Président du Bénin]

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