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Ebola : riposte tardive, faible et dispersée

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Dans notre série sur les systèmes de santé en Afrique de l’Ouest dans le contexte Ebola, réalisée avec le soutien de la Fondation Osiwa, nous revenons ici sur les multiples initiatives lancées ça et là en réponse à l’apparition du virus il y a plus d’un an et demi.

Trop d’initiatives, peu d’effets

Des Etats sans moyens aux lourdes bureaucraties de l’Organisation des Nations-Unies (Onu) en passant par les organisations sous régionales, chacun y est allé de son initiative. Mais en définitive, la maladie reste là. Par sa persistance Ebola prouve non seulement les nombreux dysfonctionnements dans les systèmes et services de santé des pays concernés, mais aussi le manque de solidarité à l’échelle sous régionale et internationale.

Aujourd’hui encore et à l’heure où l’on parle de « mobilisation » pour une éradication de l’épidémie, les analystes restent sceptiques au vu du décalage entre les nombreuses initiatives annoncées, les gros financements avancés et la difficulté à effectivement vaincre la maladie sur le terrain.

Une preuve supplémentaire de la faillite des politiques de santé mais aussi du manque de réponses adéquates, que ce soit au niveau local ou international. S’y ajoute, au niveau local, les petites polémiques sur la gestion des fonds destinées à la riposte contre la maladie.

Que ce soit les volontaires nigérians qui se plaignent de leur traitement salarial après avoir risqué leur vie pour intervenir dans les pays touchés, ou encore le scandale de la gestion des fonds « Ebola » au Liberia et moult autres cas similaires en Guinée, en Sierra Leone, les exemples ne manquent pas qui montrent que les dirigeants ouest africains n’ont pas pris la pleine mesure de la menace, et du rôle que la mauvaise gouvernance y a joué.

Même si le décompte macabre nous intéresse moins que la gestion des systèmes de santé, on peut rappeler qu’à la date du 22 juin 2015, le bilan de l’épidémie faisait état de 27.352 cas « probables, suspects et confirmés », dont 11.178 morts.

Guinée : nouvelle politique sanitaire

En plus du plan « Ebola Zéro », le gouvernement guinéen dans sa stratégie globale de riposte prévoit aussi la mise en œuvre d’une nouvelle politique de santé.

L’épidémie qui a pris naissance dans la partie forestière de ce pays fut d’une virulence inédite comparée aux précédentes flambées enregistrées sur le continent dont la totalité a fait moins de 2000 morts.
« Nous allons revoir notre plan global de développement sanitaire, en mettant en place une politique sanitaire renforcée », confiait à Ouestafnews, le Professeur Aboubacar Sidiki Diakité, Inspecteur de la santé et conseiller à la cellule nationale de lutte contre Ebola en Guinée, rencontré lors d’une réunion à Dakar.

Point de départ de l’épidémie, ce pays reste encore en proie à la maladie alors que le Liberia voisin, a été déclaré le 9 mai 2015, « officiellement sorti de l’épidémie ». En Guinée, le virus reste présent. On craint même que le nombre de cas ne repartent à la hausse après la « décrue » constatée entre avril et mai 2015.

« Nous avons identifié ce qu’il nous faut en terme d’infrastructures et en termes de ressources humaines pour nous permettre d’être préparés, non seulement contre Ebola mais à d’autres situations semblables », ajoute le Pr Diakité qui admet qu’Ebola en Guinée, c’est avant tout l’arrivée d’une maladie « jamais connue auparavant et un système de santé local, totalement impréparé ».

Coopérations sous régionale

Au niveau de l’Union du Fleuve Mano, on s’essaie timidement à une riposte concertée. L’organisation comprend la Guinée, le Liberia, la Sierra Leone (trois pays durement éprouvés par l’épidémie) auxquels s’ajoute la Côte d’Ivoire.

Ce bloc, épicentre de l’épidémie, se prépare à une conférence internationale dite du « relèvement contre Ebola », prévue le 10 juillet 2015 à New York. Elle sera organisée sous l’égide du secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon. Très possible que ce ne soit qu’une autre de ces grandes messes onusiennes qui tiennent rarement leurs promesses.

Il n’empêche qu’en préparation de cette conférence les chefs d’Etats de Guinée, du Libérien et de Sierra Léone ont leur propre sommet le 28 juin 2015 à Conakry..

Selon la Banque mondiale, le montant des pertes en PIB occasionnées par l’épidémie d’Ebola, s’élèvent à 1,4 milliard de dollars en Sierra Leone, à 535 millions en Guinée et à 240 millions au Liberia. Au sortir de leur sommet de Conakry, ces trois pays ont évalué leur besoin global à 8 milliards de dollars.

La Cedeao et ses bonnes intentions…

Tout en ayant une agence « spécialisée » sur la santé et supposée lutter, entre autres, contre les épidémies, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao, 15 pays) s’est d’abord laissée surprendre par l’ampleur de la maladie, avant d’annoncer des initiatives tous azimuts.

En plus de la création d’un Fonds régional de solidarité qui a permis de financer l’envoi de 115 agents dans les pays touchés, la Cedeao s’attèle actuellement à la mise en place, d’un Centre régional de prévention et de lutte contre les maladies (CRPLM).

Il s’agit d’une agence spécialisée que va abriter le Nigeria, selon des responsable de l’Organisation ouest africaine de la Santé (OOAS, agence spécialisée de la Cedeao en matière de santé) qui tenaient une réunion de concertation à Dakar du 15 au 17 juin 2015.

Le CRPLM, aura comme objectif de « prévenir, dépister les maladies et d’apporter une réponse efficace aux épidémies ». Selon les assurances données par Xavier Crespin, le directeur de l’OOAS, le CRPLM, promet-il, va entrer dans une phase opérationnelle entre… 2016 et 2020.

Ce centre devrait s’appuyer sur des « centres locaux » afin de faciliter un partage d’informations entre toutes les parties prenantes et générer une surveillance épidémiologique concertée dans toute la région. Problème : cela fait des années qu’on en parle (depuis 2009), bien avant l’apparition d’Ebola et le projet comme beaucoup d’initiatives africaines restent toujours au stade des bonnes intentions.

La bureaucratie onusienne s’en mêle

L’ONU, qui pourtant dispose déjà d’une agence « spécialisée » qu’est l’OMS, a senti la nécessité d’ajouter une nouvelle structure à sa grosse machinerie.

Avec son acronyme improbable (Minuauce), la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ebola a été créée en septembre 2014, avec comme objectif affiché : « une surveillance efficace » et « une réaction rapide » contre la maladie. A ce jour, son efficacité et son utilité restent à prouver.

Révélateur de l’approche purement bureaucratique de ses initiateurs, la Minuauce a installé ses quartiers à… Accra. La capitale d’un pays, situé loin, très loin de l’épicentre de la maladie.

Comme pour ses autres «sœurs » onusiennes, la Minuauce produit des rapports et organise des réunions dans le confort des hôtels, loin des terrains et des pays où la maladie fait des ravages.
On peut, dans un de ses rapports, publié en mai 2015, lire : « à la fin d’avril 2015, 30 personnes étaient déclarées infectées chaque semaine ». Comme si le décompte quasi-quotidien que faisait l’OMS ne suffisait pas.

Suit cette évidence sous forme de prédiction que n’importe qui sans aucune expertise médicale peut faire : « si les efforts sont ciblés, soutenus, harmonisés et efficaces, l’épidémie devrait éradiquée en 2015 » !

Et les ONG de claironner …

L’une des principales ONG présentes sur le terrain, Médecins sans frontières (MSF) n’a pas manqué de profiter de cette faiblesse du système onusien pour fustiger l’OMS, accusée d’avoir été très « lente » dans le diagnostic de l’épidémie.

L’OMS n’a déclaré Ebola « urgence de santé publique » qu’en août 2014, au mépris des avertissements lancés par MSF depuis le mois de mars 2014.

Les complaintes sur l’action tardive de l’OMS furent par la suite confirmées par un rapport d’un groupe d’experts indépendants mandatés par l’Onu qui a noté des « retards et défaillances ».

Pour se racheter, l’OMS a annoncé une série de « réformes » lors des Assemblées mondiales de la Santé, tenues du 18 au 26 mai à Genève (Suisse). Les axes de cette réforme, annoncée par Margaret Chan, directrice de l’OMS sont… la création d’un « Département des urgences » et la mise en place d’un fonds de réserve de 100 millions de dollars. Autant dire un autre membre à ajouter à ce monstre budgétivore et incapable de trouver des solutions aux grands problèmes de santé publique dans le monde.

Un vaccin anti Ebola ?

Alors que des annonces sont faites tous azimuts et que des « fonctionnaires » parcourent le monde au nom de la recherche de solutions, les populations quant à elles font face à leur destin, faute de vaccins ou de médicaments contre la maladie.

Pour l’instant, en dépit de quelques essais ça et là, aucun vaccin n’a encore été homologué contre le virus Ebola, découvert depuis 1976.

Deux candidats vaccins, tous deux produits de recherche menée par des laboratoires occidentaux, essaient de se frayer un chemin. Profitant de la grande panique causée par l’épidémie, ces laboratoires ont pu trouver des « cobayes » chez les Africains, en Gambie et au Mali notamment.

Le rapport de la Minuauce fait état deux candidats vaccins, qu’elle juge « prometteurs ». L’un en provenance des Etats –unis et l’autre du Canada. Ils font actuellement l’objet d’une « phase d’évaluation » dans les pays touchés, après des essais cliniques jugés très « concluants ».

Bien entendu, aucun pays africain ne dispose ni des moyens ni du pouvoir politique, pour exiger des contre-expertises, ni même un contrôle strict sur ces produits inoculés à leurs populations.

L’OMS, se contente de dire qu’elle est prête à « collaborer » avec toutes les parties intéressées pour accélérer l’identification, l’évaluation et la mise au point en cas d’innocuité et d’efficacité avérées, ainsi que le déploiement de chaque, traitement et vaccin potentiel.

En attendant l’arrivée de ce vaccin, des thérapies ont été tentées avec notamment, la transfusion de plasma issu de personnes guéries d’Ebola ou encore avec le ZMapp. Ce dernier produit n’était pas à l’origine destiné aux malades d’Ebola. En réalité, il n’existe contre le virus dévastateur aucun remède reconnu, si ce n’est la prévention par des règles d’hygiène minutieuse et draconiennes.


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