Ouestafnews – L’emblématique maire d’Abidjan Plateau, Noël Akossi-Bendjo, a été révoqué de ses fonctions pour «faute de gestion». Une décision qui intervient au beau milieu d’un profond désaccord au sein de la coalition au pouvoir sur la mise en place d’un parti unifié. Acte de justice ou représailles politiques ? S’étant bien remis de la crise post-électorale de 2010-2011, la Côte d’Ivoire a un horizon assombri par la présidentielle de 2020 et les ambitions qu’elle suscite.
Né en 1951, Noël Akossi-Bendjo, est un homme d’affaires et homme politique ivoirien, ingénieur en génie chimique de formation, Il a eu à diriger d’importantes entreprises publiques dans son pays comme la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR).
Sa longévité (17 ans) à la tête de la plus riche commune du pays est coupée net par une décision de l’exécutif qui l’a révoqué pour «grave déviation dans sa gestion et faux en écriture publique», selon les mots même du porte-parole du gouvernement, Sidi Touré,face à la presse, le 1er août 2013.
Le maire de la commune du Plateau, qui se trouvait à l’étranger, a réagi, ce mercredi, dénonçant une décision «arbitraire», dans un communiqué parvenu à Ouestaf News.
représailles ?
Membre du bureau politique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Noël Akossi-Bendjo est encore candidat à sa succession lors des prochaines élections municipales, prévues en 2019. Sa révocation intervient au beau milieu d’un fort désaccord entre le PDCI et le Rassemblement des Républicains (RDR, parti au pouvoir).
Principal allié du RDR depuis 2011, le PDCI de l’ex-chef d’Etat Henri Konan Bédié s’oppose vivement au parti unifié, mis en place par le président Alassane Ouattara, le 16 juillet 2018. Proche de M. Bédié, le maire d’Abidjan plateau est considéré comme un des plus farouches opposants au parti unifié.
Pour le gouvernement, les accusations portées contre M. Akossi-Bendjo, ne sortent pas des limites de la loi. «Nous sommes dans la stricte application de la loi, il n’y a pas de révocation ciblée», a répondu Sidi Tiémoko Touré aux journalistes. Le désormais ex-maire d’Abidjan-Plateau s’attendait plutôt à cette tournure des événements.
«La décision était annoncée depuis le refus de cautionner l’inféodation du PDCI à travers un supposé parti unifié», lâche-t-il, dans son communiqué.
Le sort de M. Akossi-Bendjo n’est pas sans rappeler celui d’un autre cadre du PDCI, Jean-Louis Billon, suspendu de ses fonctions de président du Conseil régional du Hambol, depuis le 12 juillet 2017.
Une éviction dite «conservatoire» décidée en Conseil des ministres. M. Billon, une autre cadre du PDCI, faisait les frais des «dissensions» qui existaient dans ce conseil régional.
Le casse-tête de l’après Ouattara
Alliés inséparables depuis la présidentielle de 2010, le PDCI et le RDR d’Alassane Ouattara sont plus proches du divorce qu’autre chose.
L’élection présidentielle de 2020, qui est dans tous les esprits, suscite bien des ambitions de part et d’autre.
Le président Ouattara, qui devrait normalement quitter le pouvoir à cette date, a dérouté bien des observateurs en n’écartant pas la possibilité de briguer un autre mandat lors d’un entretien avec Jeune Afrique, début juin 2018.
Pour ne pas recourir à cette solution chaotique, la mise en place du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP, parti unique) est vue par Alassane Ouattara comme un moyen de palier les incertitudes qui jalonnent le chemin de la prochaine présidentielle.
Un dessein qui semble compromis par la non-adhésion à ce projet du patron du PDCI. Même si le RDHP était sur de bons rails, beaucoup d’analystes appréhendent le choix du candidat unique.
Il est prêté des ambitions de palais à des cadres du RDR comme Ahmed Bakayoko, Amadou Gon Coulibaly, sans oublier, bien sûr, le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro.
Au niveau du PDCI aussi, une bonne frange estime qu’il est temps de retourner au pouvoir en récompense du soutien apporté à Alassane Ouattara en 2010 et 2015.
Toutefois, le parti de Bédié risque un certain affaiblissement dans cette guerre feutrée pour 2020, d’autant qu’au sein de la formation, un courant favorable au parti unique prospère sous la houlette de Kobenan Kouassi Adjoumani, actuel ministre des Ressource animales et halieutiques.
Selon le gouvernement, les faits sur lesquels M. Akossi-Bendjo est révoqué sont issus des résultats d’un « contrôle » lancé dans les communes du district d’Abidjan du 20 au 27 juillet 2018.
Le président du parti Liberté et Démocratie pour la République (LIDER, opposition) a, lui, demandé la publication du rapport d’audit non sans douter du sérieux de ce travail.
«Quel est donc ce service de l’Etat qui a pu boucler un audit de toutes les communes du district d’Abidjan en une semaine, et permis que des sanctions soient prises cinq jours après ?», s’est demandé l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Au niveau du Front Patriotique Ivoirien, (FPI, le parti de Laurent Gbagbo) fortement affaibli par les démons de la division, Pascal Affi-Nguessan, son président, compte bien profiter du désaccord actuel de ses adversaires.
Dans un entretien avec le journal en ligne Ivoire Soir, le président du FPI, ne donne aucun crédit au RHDP, soutenant que son parti œuvre pour un rapprochement avec le PDCI et l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI, dirigée par Albert Mabri Toikeusse) en vue de mettre en place une nouvelle alliance. Laquelle aura certainement pour visée d’isoler le RDR.
Pascal Affi-Nguessan a notamment annoncé que son parti sera présent pour les élections communales et régionales prévues cette année. Des élections qui vont servir de tests, selon lui, pour 2020.
MN/ad
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