Ouestafnews – Les résultats définitifs des élections communales, tenues le 4 février 2018 en Guinée, tardent à être publiés par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Alors que les chiffres partiels donnent une longueur d’avance au Rassemblement du peuple de Guinée (RPG-Arc-en-ciel, au pouvoir), la violence encore une fois s’est invitée dans cette joute électorale avec la mort de deux jeunes manifestants lors d’affrontements avec les forces de l’ordre. Porte-parole de «Regard Citoyen», une plateforme qui regroupe des organisations de la société civile, Bangaly Minatagbe, dans cet entretien accordé à Ouestafnews, livre son analyse de la situation, en déplorant la polarisation de l’électorat en guinée. Un pays où selon lui l’adhésion politique se fait sur une base ethnique et régionale.
Ouestafnews – Jusque-là, les résultats annoncés par la Ceni sont partiels. Et vendredi dernier, celle-ci a reporté la proclamation des résultats définitifs. Pourquoi cette lenteur ?
Bangaly Minatagbe Camara – Les raisons ne sont pas vraiment évoquées par la Ceni. Nous estimons que c’est pour dissuader les velléités de manifestations au niveau de l’opposition.
Ouestafnews – Juste après la publication des résultats très partiels des élections locales par la Ceni, des manifestations ont eu lieu. Qu’est-ce qui a été la cause et pourquoi une telle rapidité ?
BMC – Ce sont les suspicions relatives aux vices de procédure dans les remontées de résultats de votes. Par Exemple : au lieu d’envoyer les résultats d’un bureau de vote au centre de centralisation, certains les ont orientés chez les chefs de secteur ou chez les chefs de quartier.
Ouestafnews – Vous qui avez observé le scrutin, pourquoi aucun chiffre de Conakry et plus précisément des villes de Boké et Kindia n’a été publié par la Ceni ?
BMC – Il y a eu de l’évolution dans certaines circonscriptions, Notamment dans les villes concernées par la question.
Ouestafnews – Les résultats très partiels annoncés montrent que l’UFDG a presque eu un plébiscite en Moyenne-Guinée et dans Fouta-Djalon. Alors que le RPG-Arc en ciel a été plus fort en Haute-Guinée, en Guinée forestière et en Guinée maritime. Sommes-nous en face d’un vote communautaire?
BMC- Nous sommes en face d’un vote régional. Il ne faut pas oublier que la politique en Guinée est très polarisée. L’adhésion aux partis politiques est, en grande partie, ethnique et régionale.
Ouestafnews- Selon des mandataires de l’opposition, des Commissions administratives de centralisation des votes (CACV) ont annulé des bureaux de vote. De quels CACV s’agit-il ? Et pourquoi ont été annulés ces votes en question ?
BMC – Il s’agit de la mise à l’écart des procès-verbaux par les CACV et confirmée par les tribunaux dans les communes de Matam, Dixinn, Matoto et certaines villes de l’intérieur.
Ouestafnews – Est-ce que cela n’entachera pas la crédibilité des résultats définitifs ?
BMC – Cela pourrait entacher la crédibilité des résultats définitifs.
Ouestafnews – Depuis 2005, des élections locales n’avaient pas été organisées en Guinée. Cette longue attente n’est-elle pas à l’origine des frustrations?
BMC – Non, ces frustrations résident dans le non-respect des engagements pris par l’Etat vis-à-vis des acteurs sociaux et politiques.
Ouestafnews – Au-delà des manifestations postélectorales, des syndicats d’enseignants sont en grève et le front social est en ébullition. A la longue, que risque le pouvoir, s’il ne trouve pas des solutions?
BMC – La grève des enseignants et les violences postélectorales ont paralysé toutes les activités du pays. Et aujourd’hui (lundi 19 février 2018) même, un gendarme a perdu la vie dans la gestion des manifestations à Cosa. Si l’Etat ne trouve pas de solutions idoines, dans les prochains jours, un soulèvement populaire pourrait avoir lieu.
Ouestafnews – Les locales peuvent-elles être considérées comme un baromètre qui permet de mesurer le poids politique et électoral des uns et des autres en direction de la présidentielle de 2020 ?
BMC – Pas vraiment, car lors des élections présidentielles, ce sont les leaders de parti qui entrent en compétition, contrairement aux élections communales où les têtes de listes sont les personnes qui ne sont pas forcément considérées de la même façon que les leaders de parti par la population.
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