«Depuis la crise financière et économique de 2008/09, le financement concessionnel a progressivement diminué en dépit d’une légère hausse en 2015», indique la BAD, dans son rapport 2018 sur les Perspectives économiques africaines (PEA).
Pour combler ce manquement, certains pays africains se sont tournés vers les marchés de capitaux internationaux comme source de financement alternative. Selon le rapport, cette situation a eu pour effet «une augmentation des niveaux d’endettement, renouvelant ainsi les inquiétudes suscitées par le fardeau de la dette».
Donnant l’exemple du Ghana, la BAD précise que dans ce pays d’Afrique de l’ouest, la dette extérieure a augmenté de 41 % pour la seule année 2016, 92 % de la dette était non concessionnelle. « Les emprunts souverains en euros représentaient 70 % du total des emprunts non concessionnels en 2016 », ajoute le rapport.
Depuis 2007, le Ghana a émis cinq eurobond (emprunt obligataire international) de plusieurs milliards de dollars. Quant à la Côte d’Ivoire, elle a finalisé fin mai 2017, son troisième eurobond (1,25 milliard de dollars sur 16 ans au taux de 6,125% et 625 millions d’euros sur 8 ans à 5,125%).
Aujourd’hui, renseigne la BAD, les prêts des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux représentent 24 % de la dette africaine et les prêts des pays non membres du Club de Paris, 71 %.
Ancien PPTE, futurs surendettés ?
Les ratios de la dette publique sont repartis à la hausse, le constat est largement fait par beaucoup d’observateurs. Cette situation a été précédée par une longue période de déclin dictée par l’engagement de beaucoup de pays à l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE).
«Cette reprise est le signe de tensions macroéconomiques accrues sur le continent, de l’augmentation des besoins de financement du développement et d’un plus large accès aux marchés internationaux des capitaux commerciaux», analyse-t-on dans le rapport qui note aussi que 73 % des pays de la région ont enregistré une hausse de la dette extérieure.
Le taux d’endettement est source de polémiques dans beaucoup de pays d’Afrique de l’ouest comme le Ghana, le Nigeria ou encore le Sénégal. La mobilisation des fonds extérieurs jugés capitale par les gouvernements pour le développement des infrastructures laisse dubitatifs beaucoup d’analystes qui s’inquiètent du niveau d’endettement.
«On n’a pas de danger sur la dette si la croissance est maintenue. Parce qu’on a une dette qui pèse et un Pib qui grandit. Donc, le poids de la dette se dilue. Le problème, c’est ce qui va se passer si la croissance ralentit ou freine», a soutenu Albert Zeufack, l’économiste en chef de la Banque mondiale, fin avril 2017, lors du lancement du rapport Africa Pulse à Dakar.
Pour le cas du Sénégal, la question de l’endettement est aussi régulièrement évoquée par le Fonds monétaire internationale (FMI). Cependant le gouvernement sénégalais oppose incessamment aux critiques la « viabilité » de sa dette.
«Le plafond d’endettement au sein de notre espace économique est de 70% du PIB. Les différents rapports d’analyse de viabilité de la dette du Sénégal réalisés par les institutions spécialisées prévoient des taux d’endettement du Sénégal à fin 2017 à 61,02% et 61,44% à fin 2018, loin de la norme communautaire de 70%», indique-t-on sur le site web du ministère sénégalais de l’Economie et des Finances.
Moteur de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), la Côte d’Ivoire a un taux d’endettement qui tourne autour de 42,2%.
Faible taux d’absorption de la dette
La dette est considérée comme un catalyseur de croissance mais selon la BAD, « la condition sine qua non est d’utiliser la dette à des fins d’investissement productif ».
Or, constate le rapport 2018 sur les Perspectives économiques africaines, «les pays très endettés ont également des ratios investissements publics/PIB plus faibles et leurs investissements sont bien plus volatiles que ceux des pays faiblement ou moyennement endettés».
Cela signifie que ces pays n’utilisent pas leur dette pour financer leurs investissements infrastructurels et qu’ils s’appuient de plus en plus sur les obligations souveraines internationales pour financer les infrastructures.
Un autre problème selon la BAD, réside dans le déficit d’absorption de la dette. « Les estimations montrent des pertes de l’ordre de 40 % de la valeur potentielle de l’investissement public dans les pays à faible revenu à cause de l’inefficacité du processus d’investissement du fait des retards, des dépassements de coûts et d’un entretien inadéquat », souligne le rapport PEA 2018.
Gambie, Mauritanie, proches de la ligne rouge
Toutefois, indique le rapport, les niveaux d’endettement n’ont pas atteint les niveaux antérieurs à l’initiative PPTE. En revanche, souligne la BAD, dans certains pays tels que la Gambie, la Mauritanie, Sao Tomé et Principe et l’Ouganda, le ratio dette/PIB demeure supérieur à 50 %.
«À moins de mettre en œuvre des mesures destinées à limiter la croissance de la dette, ces pays pourraient connaître une implosion de l’encours de la dette extérieure et des coûts de service », souligne le rapport.
Pour la BAD, il urge de procéder à un calibrage des indicateurs de la dette qui devrait tenir compte des besoins de financement des pays africains et de leur capacité de remboursement.
MN/ad
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