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Environnement : le plastique étouffe le Sénégal

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« Il n’y a aucune volonté politique », déplore Dasha Nicoué dans un entretien accordé à Ouestafnews. Cette styliste se mobilise contre la pollution plastique depuis 2005, quand elle avait organisé un défilé pour sensibiliser les Sénégalais à la question.

« Il suffit de regarder les rues, il y a des sachets plastiques partout. Les gens ne cherchent pas de poubelles, et d’ailleurs, il y en a de moins en moins », déplore-t-elle. « Pour chaque achat (…) les vendeurs offrent des sachets. »

L’impact de la pollution plastique n’est pas que visuel. Comme le précise Mme Nicoué, les sacs abandonnés retiennent l’eau de pluie et deviennent des nids de moustiques, favorisant l’essor du paludisme.

Autre argument des militants écologistes, le plastique est une matière non biodégradable et une fois rejeté dans la nature, il y aurait vie que l’on peut compter en siècles.

Les études sur le sujet ne sont pas très nombreuses au Sénégal. L’organisation non-gouvernementale Enda-tiers monde avait initié un travail avec la défunte Agence pour la propreté du Sénégal (Aprosen), mais l’étude a été suspendue. Une thèse a été soutenue sur le sujet à l’Institut des sciences de l’Environnement (ISE) de l’Université de Dakar. Mais elle date de 1997 et au sein de l’opinion, ce n’est pas le genre de sujets qui fait débat.

« Il manque toujours les moyens », dénonce Mme Nicoué. Ces dernières années, elle a tenté de lancer plusieurs campagnes de sensibilisation des populations dans les écoles ou dans les daaras (écoles coraniques). Un de ces projets avait été accepté, mais selon elle, « ça n’a jamais abouti. Ce n’est même pas un manque d’argent, mais l’Etat ne sait pas utiliser ses budgets à bon escient. »

La militante qu’elle est reste convaincue que si l’on ne parvient pas à changer la mentalité des populations, aucun progrès ne sera réalisé. Pour l’instant, elle ne voit aucune efficacité dans les projets mis en place : « La semaine de l’environnement organisée par le ministère de l’écologie n’a aucun impact», déclare-t-elle.

Sans un réel travail de sensibilisation, il y a peu d’espoir de voir les Dakarois utiliser moins de sachets plastiques. Dans les commerces dakarois, la norme est en effet de donner un sachet pour chaque achat. Une tendance qui s’est aggravée ces dernières années et qui s’étend chaque jour à de nouveaux produits.

Mamadou Diop, 45 ans, tient une échoppe à Yoff, dans le nord de Dakar. Selon lui, les achats de sachets plastiques lui coûtent plus de 500 FCFA par jour, soit environ 15.000 FCFA par mois.

« Au Sénégal, c’est une question de discrétion », explique le vendeur. « Les gens ne veulent pas qu’on voie la valeur de ce qu’ils achètent ». Le commerçant doit donc fournir des sacs opaques à sa clientèle.

Ibrahim Diallo est vendeur dans une épicerie du même quartier. Pour son commerce, plus important, le coût des sachets plastique atteint 1000 à 1500 FCFA par jour. Comme M. Ndiaye, il les achète chaque jour à des vendeurs ambulants.

Et comme tous les autres commerçants interrogés, il n’a pas entendu parler de la proposition d’une loi interdisant l’utilisation des sacs plastique. Mais l’idée ne le gène pas. « Si c’est un problème pour la santé des gens, il faut l’interdire », accepte-t-il.

Mais le projet de loi ne semble pas avancer. En décembre 2012, le ministre sénégalais de l’Ecologie, Haïdar El Aly, annonçait une loi interdisant l’usage des sachets plastiques. Si le projet de loi a été à nouveau mentionné en juin 2013, aucune action concrète n’est pour le moment prise.

De plus, le ministre parle d’utiliser des sachets en papier pour les remplacer. La solution ne convainc pas les associations, qui rappellent les risques de déboisement du Sénégal, dont les forêts sont déjà en danger.

Certains, comme Mme Nicoué, préféreraient favoriser des sacs en amidon, d’autres voudraient encourager à réutiliser les sacs en les rendant payants, comme en Europe.

En attendant ces mesures contraignantes pour tous, la lutte contre la pollution plastique reste pour l’instant l’apanage d’entreprises et d’associations privées. Différentes associations, à Dakar et à Thiès (70 kms à l’est de Dakar), proposent ainsi aux femmes de vendre les détritus plastiques, avant de les traiter pour confectionner de nouveaux produits.

Depuis l’adoption d’une loi sur la question au Rwanda en 2007, de nombreux pays d’Afrique ont interdit l’utilisation de sachets plastiques. Les derniers en date sont le Gabon, le Mali et la Mauritanie. En juillet 2012 le Burkina Faso a aussi annoncé son intention de mener la lutte contre ce gros polluant.


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