Evacuations sanitaires au Sénégal : curieuse opacité

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Ouestafnews – Dans la série d’articles sur la gestion de systèmes de santé, nous revenons ici sur la question de l’accès à l’information, un droit reconnu, et ses implications sur la gouvernance. Pourquoi donc ceux qui gèrent des ressources du pays s’obstinent à refuser à informer ceux qu’ils sont supposés servir ? Cet article entre dans le cadre du grand dossier sur la gouvernance de la santé que réalise Ouestaf News et ses partenaires dans huit pays avec le soutien de la fondation Osiwa.

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Contacté par nos soins, pour établir les coûts réels des évacuations sanitaires au Sénégal, la Cellule de communication du ministère de l’Economie et des Finances a souhaité recevoir par mail un questionnaire. Ce qui a été fait.

Après plusieurs jours d’attente, la Cellule affirmera que la requête a été transmise au Directeur général des Finances. A ce jour, aucune réponse ne nous est parvenue.

Les représentations des principaux pays de destination ne veulent pas non plus trop s’avance sur un sujet qui ne les concerne que par « ricochet ».

« Nous ne fournissons pas ce genre de statistiques » se contente de répondre le consulat de France, par la voix de Violaine Noyer, du service de presse en réponse à notre sollicitation. Sur les garanties financières demandées par le consulat de France aux Sénégalais, aucune réponse.

Plus coopératif, le consul du royaume de Belgique à Dakar, Jos Vrancken, dit dans un mail : « (…) On a, en tant qu’Ambassade, organisé une seule évacuation sanitaire vers la Belgique au cours des 3 dernières années », mais il précise ensuite que « notre Ambassade n’est pas nécessairement informée de chaque évacuation sanitaire vers la Belgique… »

Magouilles et passe-droits

Si l’on éprouve autant de difficultés à accéder aux informations financières relatives aux coûts des évacuations sanitaires au Sénégal, c’est que tout n’est pas transparent non plus dans ce domaine, selon les professionnels de la santé.

Entre les passe-droits offerts aux uns et aux autres, les petites magouilles dont profitent certains et le laxisme qui prévaut à quelque niveau de responsabilité, le Trésor public en vient à supporter des charges qu’il n’aurait jamais dû supporter. Et cela ne date pas d’hier.

« Il y a dix ans environ, la France avait mis le holà à cause d’un endettement extrêmement élevé à l’endroit de certains hôpitaux français. C’était des milliards de francs CFA que l’Etat ne parvenait pas à honorer », rappelle Mballo Dia Thiam, secrétaire général du Sutsas.

En exigeant de l’Etat sénégalais des garanties financières très lourdes avant tout déplacement médical vers l’Hexagone, la France a réglé à sa manière un gros problème pour ses structures hospitalières. Mais pour le Sénégal, le problème reste entier, ou presque.

Dans une tradition bien sénégalaise, des séminaires avaient succédé à des ateliers pour régler cette question des évacuations sanitaires qui coûtaient déjà très cher aux finances publiques. Ces rencontres avaient accouché de documents joliment nommés « Saly I » et « Saly II » sous l’impulsion du ministre Magued Diouf. Dix ans après, aucune véritable suite…

L’axe Assemblée nationale-Présidence

Chez les députés, supposés « représentants du peuple », sans jeu de mots, on… évacue vite la question.

« Je n’en sais absolument rien, je ne me suis jamais mêlée de ce débat », répond la députée Haoua Dia Thiam dans un entretien téléphonique. Pourtant c’est bien elle
la présidente de la « Commission de la santé, de la population, des affaires sociales et de la solidarité nationale. Elle préfère renvoyer au « ministère de la Santé… »

Néanmoins, on sait que l’Assemblée nationale joue souvent les convoyeurs pour certains de ses agents malades. A deux reprises au moins, sous la présidence de Mamadou Seck, on sait qu’au moins deux personnes ont été évacuées par l’assemblée. Selon quelles procédures ou quels critères ? Allez savoir. Selon certaines sources, c’est à travers le président Seck que beaucoup d’autres cas avaient été soumis à la présidence de la république (sous Abdoulaye Wade). Avec l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, ils sont peu nombreux à croire qu’il y ait vraiment eu une rupture.

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