Ouestafnews – Au Sénégal et en Afrique de l’Ouest francophone, les observateurs font état d’une faiblesse des dispositions réglementaires en ce qui concerne la lutte contre l’exercice illégal de la pharmacie. Les textes en vigueur ne semble pas adaptés pour réprimer le trafic de médicaments et de produits de santé, d’où l’appel lancé souvent aux pays pour adopter la convention Médicrime.
Initié en 2011 par le Conseil de l’Europe, la convention Médicrime est définie comme le premier instrument international dans le domaine du droit pénal destiné à la lutte contre le trafic des produits de santé.
Ce texte fait obligation aux Etats parties d’ériger en infraction pénale, «la fabrication de produits médicaux contrefaits; la fourniture, l’offre de fourniture et le trafic de produits médicaux contrefaits ; la falsification de documents et la fabrication ou la fourniture non autorisée de produits médicaux et la mise sur le marché de dispositifs médicaux ne remplissant pas les exigences de conformité».
Au Sénégal, la « criminalisation » de la vente illégale de médicaments constitue une des principales revendications formulées par les associations engagées dans la lutte contre ce phénomène.
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Pour le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal (SPPS), les textes en vigueur ne sont pas assez clairs. D’où les appels faits à l’Etat d’ériger en infraction pénale, l’exercice illégale de la pharmacie.
Selon Me Baba Diop, avocat à la Cour, la criminalisation signifie avant tout une augmentation des peines à l’encontre des gens reconnus coupables d’un tel trafic. « Au Sénégal, le trafic de médicaments est jugé en correctionnel, autrement dit les peines ne dépassent pas dix ans de prison, avec la criminalisation on dépasse ce seuil », a-t-il expliqué à Ouestaf News.
De l’avis du docteur Assane Diop, la Convention Médicrime qui est une disposition contraignante, constitue un processus plus complet, dans la mesure où elle «criminalise» toute la chaîne du marché noir, de la fabrication à la vente en passant par le transport.
Très touché par le fléau des médicaments de la rue, le Sénégal n’est pas prêt à rejoindre cette Convention.
Pour la convention Médicrime, il n’y a aucune proposition concrète qui a été faite au gouvernement pour sa signature, souligne Dr. Amadou Moctar Dieye, le directeur de la pharmacie et du médicament (organe du ministère sénégalais de la Santé)
«Ce sont des démarches administratives et ce sont les techniciens qui font ces propositions et l’Etat approuve ou n’approuve pas», a-t-il expliqué à Ouestafnews. Même s’il se dit convaincu du bien fondé de cette convention, Dr Dièye pense, contrairement au Syndicat et à l’Ordre des pharmaciens que les textes nationaux, notamment le code des Douanes, comportent aussi assez d’éléments réprimant le trafic de faux médicaments.
Le Code des Douanes en son article 21 considère comme « prohibées toutes marchandises dont l’importation ou l’exportation est légalement interdite à quelque titre que ce soit, ou soumise à des restrictions, à des règles de qualité, de conditionnement ou à des formalités particulières ». Une disposition qui ne cite aucun produit en particulier mais dans lequel rentrent les médicaments de la rue. Il n’existe donc pas une législation spécifique pour le trafic de médicaments.
Cette situation n’est pas particulière au Sénégal. Au Mali, les mêmes doléances sont formulées par les pharmaciens après chaque saisie de faux médicaments.
«On ne peut même pas poursuivre les trafiquants, la vente illicite de médicaments n’est pas criminalisée au Mali. Les trafiquants risquent quelques mois de prison seulement», déplorait dans un entretien avec Radio France International, le docteur Abdoulaye Keita, un membre de l’Ordre des pharmaciens du Mali.
Le marché noir du médicament constitue un problème mondial, selon l’Organisation International de Police Criminelle (Interpol) dont l’organe central, le secrétariat général, a souvent déploré l’absence d’une législation internationale harmonisée.
Entrée en vigueur en janvier 2016, la convention Médicrime a été ratifiée par 15 pays dont seulement trois pays ouest africains : la Guinée, le Burkina Faso et le Bénin.
L’Afrique de l’Ouest est une partie du continent les plus touchées par le fléau. Entre 2017 et 2018, les deux dernières opérations menées sous la coordination d’Interpol ont permis une saisie de 450 tonnes de faux médicaments.
MN/ts
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