Ce grand ménage débute par l’armée, particulièrement pointée du doigt par les organisations de défense des droits de l’Homme. A la tête de l’armée gambienne depuis 2012, Ousman Badjie a été limogé le 27 février 2017. Le poste de chef d’Etat-major de l’armée gambienne revient désormais au général Massaneh Kinteh, jugé proche du président Barrow.
Le général Badjie, suite à la publication des résultats de la présidentielle du 1er décembre 2016 avait fait allégeance à Barrow avant de faire un revirement en faveur de Yahya Jammeh, dès que celui-ci a annoncé sa décision de contester les résultats de la Commission électorale. Avant le général Badjie, le président Barrow a limogé le directeur de la National Intelligence Agency (NIA) Yankuba Badjie.
Ce dernier est aujourd’hui placé en détention. Rebaptisé Service de renseignement d’Etat, l’ex-NIA, a été souvent cité dans beaucoup d’exactions et de crimes répertoriés par des organisations de droits de l’Homme durant le régime de Yahya Jammeh, au même titre que l’armée gambienne.
« Sur le plan sécuritaire, les forces de défense et de sécurité gambiennes ont souvent été présentées comme étant au service de Jammeh », confiait à Ouestafnews, Maurice Toupane, chercheur au bureau Afrique de l’ouest de l’Institut d’études de sécurité (Issafrica).
Selon M. Toupane, la réforme des forces de sécurité, doit aboutir à la mise en place d’une « armée républicaine au service de la nation ».
Autre symbole de l’ancien régime touché par la réorganisation de l’Etat : le système pénitentiaire. Ici, David Colley est limogé pour être remplacé par Ansumana Maneh.
Au terme d’une mission en Gambie effectuée en mars 2015, Juan Mendez, le rapporteur spécial de l’Onu sur la torture et les pratiques inhumaines dénonçait de « multiples arrestations arbitraires, en plus de la surpopulation des centres de détention, la mauvaise qualité de la nourriture, le manque d’accès à des soins adéquats ».
Soif de justice
Parallèlement à cette réforme entamée, au sein des forces de sécurités, celle du système judiciaire reste aussi très attendue.
Sous Yahya Jammeh, on reprochait souvent à la justice d’être « aux ordres ». Elle était surtout caractérisée par le recrutement de juges « mercenaires » en provenance de l’étranger. Il était alors impossible pour les nombreux Gambiens, victimes de l’arbitraire, d’obtenir réparation.
Dans son discours de fête d’indépendance, le président Barrow a annoncé à cet effet une réforme constitutionnelle et judiciaire, promettant la mise en place d’une « Commission ad hoc » pour enquêter sur les cas de disparitions.
« La quête de justice des victimes et familles de victimes ne doit pas être sacrifiée à l’autel de la réconciliation (…) aujourd’hui il est important de faire le bilan des 22 ans de régime de Yahya Jammeh », a déclaré à Ouestafnews, Seydi Gassama, président de la section sénégalaise d’Amnesty international. Selon lui, le gouvernement doit vite s’atteler aux réformes promises.
Les deux décennies de pouvoir de Yahya Jammeh ont pris fin le 21 janvier 2017 dans un contexte houleux. Battu à la présidentielle par Adama Barrow, Jammeh avait un moment reconnu sa défaite avant de se raviser, refusant de céder le pouvoir. Il contestait les résultats publiés par la commission électorale.
Menacé d’être « délogé de force » par une intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest, Yahya Jammeh a finalement pris le chemin de l’exil en direction de la Guinée Equatoriale.
Il laisse derrière lui un pays économiquement exsangue, plombé par la dette dont le remboursement a coûté en 2015 à ce pays, 40% de ses recettes publiques, selon la Banque africaine de développement (BAD).
Selon une annonce faite le 25 février 2017 par son vice-président pour l’Afrique, la Banque mondiale va décaisser dans les prochains mois, 60 millions de dollars sous forme d’aide budgétaire en faveur de la Gambie.
Vous voulez réagir à cet article ou nous signaler une erreur, envoyez nous un mail à info[@]ouestaf.com