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Gambie : fin de règne pour Jammeh ?

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Last Updated on 02/12/2016 by Ouestafnews

Selon des résultats de la Commission électorale, relayés par les médias internationaux, le candidat de l’opposition, Adama Barrow, 51 ans, un ancien agent de sécurité reconverti dans l’immobilier, a obtenu 45,5 % des voix, suivi par le président sortant qui en totalise 36,7 %.

Alieu Momar Njie, le président de cette Commission, a aussitôt « appelé au calme », selon le site web de la BBC.

Ces résultats sont venus comme une surprise, le candidat Jammeh ayant toujours montré un grand attachement au pouvoir.

Ce dénouement inattendu, a été surtout marqué par la reconnaissance par Jammeh lui-même de sa défaite face à Barrow (51 ans), candidat porté une forte coalition de l’opposition.

Si ces résultats sont confirmés, le scrutin du 1er décembre 2016, restera une date historique pour ce petit pays oust africain (1,8 million d’habitants), encastré dans le Sénégal, à l’exception d’une petite façade maritime qui s’ouvre sur l’Atlantique.

Le peuple gambien, maintenu deux décennies durant dans la peur et le culte du chef, a commencé à célébrer sa victoire.

Les Gambiens de la diaspora, dont un grand nombre d’exilés politiques ayant fui le pays, ne cachaient pas non plus leur joie, abondamment relayée sur les réseaux sociaux.

La fin d’un calvaire

Après sa prise du pouvoir par les armes en 1994, celui qui n’était alors qu’un capitaine de l’armée s’est petit à petit mué en un leader politique inclassable.

Son régime marqué par des élections souvent contestées (1996, 2001, 2006 et 2011) et que Jammeh a toujours remporté, faisait de son pays une sorte d’exception en Afrique de l’ouest, une région qui depuis plus deux décennies a largement embrassé la démocratie.

Faisant de la terreur et de la répression tout azimuts une méthode de gouvernance, le président Jammeh restera dans les mémoires comme celui qui n’en avait cure des droits de l’Homme, poussant sur le chemin de l’exil, nombre de ses compatriotes, dont des opposants, des militants de la société civile, et des journalistes.

L’application de la peine de mort, les procès injustes, les exactions contre la presse, les arrestations arbitraires, les disparitions forcées, la torture, les condamnations à mort…avaient fini par ternir l’image de son pays à l’étranger.

Ceci avait entraîné une « peur palpable », chez son peuple, selon l’expression du rapporteur spécial de l’Organisation des Nations-Unies (Onu) sur les droits de l’Homme, M. Juan Mendez.

Paria de la communauté internationale

L’intensification des critiques sur la situation des droits humains en Gambie, va pousser les partenaires extérieurs de la Gambie à agir. Face aux condamnations et critiques récurrentes, Jammeh opte pour « l’isolement » en annonçant par exemple son retrait du Commonwealth en octobre 2013, accusant cette organisation de « néocolonialisme ».

En juin 2015, ce fut la représentante de l’Union européenne qui fut expulsée du pays sans motifs officiels. Cette stratégie de défiance suivait son cours jusqu’en octobre 2016 avec le retrait annoncé de son pays de la Cour pénale internationale. Une défiance vis-à-vis de l’occident doublée toutefois d’un rapprochement avec le monde arabe.

Signes avant-coureurs d’une chute

Vivant en exil dans leur grande majorité, les dissidents gambiens (journalistes, figures de la société civile) ont vite fait de mener le combat depuis l’étranger notamment à partir du Sénégal, du Royaume-Uni et des Etats-Unis, attirant sans cesse l’attention de l’opinion internationale sur la situation de leur pays.

Ce travail a trouvé un écho au sein des organisations de défense des droits de l’Homme comme Amnesty international et le bureau Afrique de l’ouest de l’Ong Article 19 qui ont mené un combat intense en ce sens, occupant l’espace médiatique avec une publication périodique de rapports et d’alertes sur les exactions du régime.

Sur le sol gambien, où Jammeh avait jusqu’ici maintenu le consensus autour de sa personne, la première fissure apparaissait le 14 avril 2016. Chose rarissime, des militants du Parti démocratique uni (UDP, opposition ) investissaient la rue, réclamant à travers une marche pacifique une « réforme électorale », en vue de l’élection présidentielle.

Cette sortie fortement réprimée par les forces de l’ordre s’était soldée par la mort de Solo Sendeng, un membre de l’UDP, retrouvé mort quelques heures après son arrestation. Fortement dénoncée par les organisations de défense des droits de l’Homme, la mort de Solo Sendeng consécutive à cette marche a été une sorte de déclic.

Ainsi prenait forme, la nécessité de l’union de l’opposition marquée par le congrès du 30 octobre 2016 qui a réuni sept partis politique, congrès à l’issue duquel, Adama Barrow, membre de l’UDP a été élu comme candidat unique pour affronter Yahya Jammeh.

Ce qui attend le président Barrow

Après Dawda Jawara, Yahya Jammeh, Adama Barrow sera le 3ème personnage à présider aux destinées de la Gambie. Il devra faire face à d’énormes défis économiques et sociaux.

La nécessité de renouer le dialogue social déstructuré par les deux décennies de Jammeh, s’accompagnera d’une remise en état d’une économie en déliquescence, marquée par la dette qui a absorbé 40% des recettes publiques en 2015, selon la Banque africaine de développement (BAD), mais aussi par une inflation en hausse et une crise notée dans la balance des paiements qui a entrainé une réduction des réserves de change. La normalisation de ses rapports avec le voisin sénégalais est aussi attendue.

Adama Barrow, risque aussi de faire face à une pression des organisations de défense de droits de l’Homme qui ne manqueront pas de demander que la lumière soit enfin faite sur les crimes reprochés au régime sortant, notamment le cas des journalistes Deyda Hydara, dont le 12ème anniversaire de sa mort aura lieu dans quelques jours et Ebrimah Manneh que ses compatriotes n’ont plus revu depuis son arrestation en 2006.

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