Ouestafnews – La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a approuvé lors d’un sommet la mise en place d’un tribunal spécial pour la Gambie, selon un communiqué du ministère gambien de la Justice transmis le 16 décembre 2024 Ouestaf News. Ce tribunal sera chargé de juger les crimes commis dans ce pays entre 1994 et 2017 durant la présidence de Yahya Jammeh, qui vit en exil en Guinée équatoriale.
La décision a été prise le 15 décembre 2024 lors d’un sommet de la Cedeao au siège de l’organisation à Abuja, au Nigeria. Elle permet « l’adoption des statuts du tribunal qui garantira la justice et l’établissement des responsabilités pour les graves violations des droits humains commises » entre juillet 1994 et janvier 2017, années pendant lesquelles Yahya Jammeh dirigeait la Gambie, a indiqué indique le ministère gambien de la Justice dans son communiqué.
Selon ce document, la Gambie avait déjà proposé en octobre 2022 un partenariat avec la Cedeao pour la création d’un tribunal spécial afin de garantir la responsabilité et la justice pour les victimes du régime de M. Jammeh.
Auparavant, d’après la même source, le gouvernement gambien avait déjà mis en place une Commission Vérité, Réconciliation et Réparation (TRRC, pour Truth, Reconciliation and Reparations Commission, en anglais) pour enquêter et documenter les violations des droits humains au cours de la période 1994 à 2017.
Yahya Jammeh était arrivé au pouvoir en Gambie en juillet 1994 par un coup d’État militaire contre Dawda Jawara, qui dirigeait le pays depuis son indépendance. Il est resté au pouvoir plus de 22 ans, des années marquées par de nombreux abus, notamment des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des arrestations arbitraires, selon plusieurs organisations de défense des droits humains.
L’ex-président Jammeh est exilé en Guinée équatoriale depuis janvier 2017, à la suite d’une intervention militaire de la Cedeao. Il avait refusé de quitter le pouvoir après avoir perdu l’élection présidentielle de décembre 2016 face à Adama Barrow. M. Barrow a été réélu en décembre 2021.
Dans un communiqué publié en novembre 2021, la Commission Vérité, Réconciliation et Réparation avait annoncé avoir répertorié des abus ayant causé la mort de « 240 à 250 Gambiens et non-Gambiens » entre les mains d’agents du régime de l’ex-président Jammeh.
Ces « exécutions » avaient été liées à des disparitions forcées, des viols, des actes de torture, des détentions arbitraires, jusqu’à l’administration contrainte d’un faux traitement contre le sida, selon la TRRC. Les autorités gambiennes avaient ensuite décidé de poursuivre 70 personnes, à commencer par l’ex-président Jammeh.
La création d’un tribunal de la Cedeao en Gambie est « une étape historique qui marque un pas important pour la Gambie, pour la région et pour la communauté internationale », s’est félicité le ministère gambien de la Justice dans son communiqué reçu par Ouestaf News.
Tout en ayant son siège en Gambie, ce tribunal, qui comprendra des représentants de la Gambie, de la Cedeao et des experts internationaux, aura la possibilité de tenir des procès dans un pays tiers si cela s’avère nécessaire pour des raisons pratiques ou de sécurité, selon la même source.
Des procès concernant des membres du régime de Yahya Jammeh ont déjà été tenus hors de la Gambie en 2023 et 2024. En mai 2024, le tribunal pénal de Suisse a condamné Ousmane Sonko, un ancien ministre gambien de l’Intérieur gambien durant la présidence Jammeh, à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité.
Bai Lowe, un ancien membre de l’unité paramilitaire connue sous le nom de « Junglers » et créée par Yahya Jammeh, a également été condamné à perpétuité par un tribunal allemand en novembre 2023 pour crime contre l’humanité.
La mise en œuvre de ce tribunal spécial pour la Gambie « pourrait enfin permettre aux victimes de Yahya Jammeh d’accéder à la justice », a affirmé Reed Brody, membre de la Commission internationale des juristes, dans un communiqué transmis à Ouestaf News.
M. Brody est un ancien procureur américain de la juridiction de New York qui a travaillé avec les victimes du régime de Yahya Jammeh et les autorités gambiennes du régime d’Adama Barrow. Pour lui, il sera « difficile pour la Guinée équatoriale de refuser de livrer » l’ancien président de la Gambie à un tribunal qui représente la région ouest-africaine.
Le gouvernement gambien s’est, pour sa part, engagé « à rendre justice aux victimes, à promouvoir la réconciliation nationale et à favoriser une société plus équitable ».
ON/md
Voulez-vous réagir à cet article ou nous signaler une erreur ? Envoyez-nous un message à info(at)ouestaf.com.