Ouestafnews – À l’approche de l’élection présidentielle du 7 décembre 2024, le fichier électoral ghanéen est à l’origine de tensions entre la Commission électorale et le principal parti de l’opposition, le Congrès national démocratique (NDC). Cette formation dénonce des « irrégularités majeures » et exige un audit indépendant du fichier des électeurs.
Les résultats de l’élection présidentielle du 7 décembre 2024 au Ghana ne risquent-ils pas d’être contestés au vu des tensions en cours ? La réponse à cette question pourrait dépendre de l’issue du bras de fer entre l’opposition et le pouvoir.
Selon le Congrès national démocratique (NDC, pour National Democratic Congress en anglais), au moins « 50.000 électeurs décédés » figurent dans le fichier électoral. En plus, accuse le NDC, un stock indéterminé d’électeurs a fait l’objet de transfert « vers des bureaux de vote éloignés sans leur consentement ». Pour le principal parti d’opposition et des responsables de la société civile, ces anomalies sont une « tentative délibérée » de la Commission électorale (CE) pour favoriser le Nouveau parti patriotique (NPP, pour New Patriotic Party en anglais), la formation au pouvoir.
La CE est devenue « célèbre pour son incompétence », dénonce Franklin Cudjoe, président du groupe de réflexion Imani Africa. Dans un entretien accordé à Ouestaf News, il soutient que « près de deux millions d’électeurs » seraient concernés par ces irrégularités. Selon lui, « la crédibilité de la CE est en jeu », même s’il prend des précautions en disant que les chiffres sont ceux du NDC.
Les accusations de « transferts illégaux d’électeurs » dans certaines circonscriptions sont également portées par l’analyste politique Shadractic Elenchy dans un entretien accordé à Ouestaf News. Il affirme les avoir découverts en compagnie de son équipe à l’occasion de la publication des listes électorales provisoires du 20 au 27 août 2024.
Cette phase de publication des listes provisoires est une activité publique organisée par la CE dans tous les bureaux de vote. Elle permet aux électeurs de vérifier les informations qui les concernent et de demander des modifications s’il y a lieu. Outre le remplacement possible des cartes d’électeur endommagées et l’ajout de noms au fichier, cet exercice est aussi une occasion pour contester l’inscription de personnes non éligibles comme les mineurs, les étrangers ou les personnes décédées.
Shadractic Elenchy, également coordonnateur du Projet électoral du Ghana (TGEP), rapporte avoir constaté le transfert d’électeurs de la région de Tamalé (Centre-Nord) vers des circonscriptions éloignées comme Pusiga (Nord-Est) lors de la période de publication.
Lors de l’élection présidentielle de 2020, selon la CE, 17 millions d’électeurs étaient inscrits dans le fichier électoral. Pour la bataille de décembre 2024, le nombre d’inscrits pourrait dépasser les 18 millions si les nouvelles inscriptions sont validées, selon les estimations de la Commission électorale.
La CE, quant à elle, minimise les « anomalies » et rejette les accusations. Elle assure, dans un de ses communiqués en date du 12 septembre 2024, que les quelques dysfonctionnements constatés ont été corrigés.
Interrogé par Ouestaf News, son vice-président, Bosman Asare a renvoyé aux communiqués précédemment publiés sur le sujet.
Le NDC avait été invité par la CE à soumettre les détails des anomalies identifiées pour permettre une enquête approfondie. La CE avait aussi appelé le parti d’opposition au « dialogue plutôt qu’à des manifestations publiques ».
Cet appel n’avait pas été entendu. La principale formation de l’opposition, exigeant un audit indépendant du registre électoral, a organisé une manifestation le 17 septembre 2024 pour protester contre ce qu’elle qualifie d’« irrégularités » et plus particulièrement contre les changements de bureau de vote « sans le consentement des électeurs ».
La CE a jugé prématurées ces manifestations car la publication des listes électorales provisoires « permet justement de rectifier les erreurs avant le scrutin ».
Audit du fichier électoral, un précédent ?
Selon les acteurs de la société civile, la CE doit s’engager à plus de neutralité et d’équité entre les acteurs politiques. Franklin Cudjoe, le président d’Imani Africa, estime que non seulement l’audit du fichier électoral est nécessaire, mais suggère en plus que la CE ne soit pas l’organisation en charge de cette opération si elle devait avoir lieu.
« La Commission étant responsable des irrégularités et des problèmes créés par ses propres administrateurs », elle ne peut pas s’auto-auditer, clame Franklin Cudjoe.
En appui à cette position, Shadratic Elenchy appelle « toutes les voix de la raison » à soutenir l’idée d’un audit externe.
En réponse aux critiques des acteurs politiques et de la société civile, la CE a rétorqué dans un de ses communiqués, avec ironie, que « c’est peut-être la première fois que le NDC s’intéresse au fichier électoral ». Selon la CE, celui-ci « n’a jamais été audité depuis 1992 ».
Il est contredit par le président d’Imani Africa, Franklin Cudjoe, qui rappelle la controverse survenue il y a huit ans, ayant conduit à un audit : en 2016, la Commission électorale avait nommé un panel indépendant pour examiner la crédibilité du fichier électoral, suite aux revendications du National patriotic party, qui était alors dans l’opposition. Après avoir étudié les allégations du NPP, le panel avait jugé ses arguments non convaincants.
Par ailleurs, Shadractic Elenchy fustige une influence politique dominante en faveur du NPP au sein de la CE. Selon lui, l’instance est dirigée « uniquement par des personnes issues de l’administration au pouvoir », comme son vice-président, Bosman Asare.
Selon un rapport d’Afrobarometer publié en mars 2024, seulement 33 % des Ghanéens ont confiance en l’organe public en charge des questions électorales. Cette question fait partie de celles envoyées par Ouestaf News à M. Asare et qui sont restées sans réponses.
Franklin Cudjoe considère que ce taux de confiance est encore plus faible aujourd’hui et alerte contre « des difficultés lors des élections » si la CE persiste dans son refus de faire auditer le fichier électoral.
Pour sa part, l’analyste politique Shadractic Elenchy recommande à « ceux qui sont politiquement exposés de se récuser pour restaurer la confiance dans le processus électoral ».
Le 20 septembre 2024, la CE du Ghana a publié la liste des candidats retenus pour la présidentielle. Treize prétendants, dont deux femmes, ont été retenus sur vingt-quatre candidatures initialement déposées.
En l’absence du président sortant Nana Akufo-Addo, frappé par la limite des deux mandats consécutifs, le vice-président Mahamudu Bawumia portera les couleurs du NPP. Son principal adversaire sera l’ancien président de la République (2012-2017) John Dramani Mahama, chef du NDC.
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