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Gouvernance locale : les Togolais blasés

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Ouestafnews – Quel rôle les citoyens jouent-ils dans le processus de décentralisation au Togo ? Participent-ils vraiment à la gestion des affaires locales ? Quatre ans après l’amorce du processus de décentralisation dans le pays, Ouestaf News fait le point en donnant la parole aux citoyens.

Le jour se lève sur Adétikopé, commune d’Agoè-Nyivé 6 en banlieue nord de Lomé. C’est la routine quotidienne dans l’atelier de tapisserie de Modeste Kossi. Pour cet artisan, trentenaire, la « décentralisation » n’est pas un sujet de préoccupation.

« Prenons l’exemple de la mairie, à part y aller légaliser une pièce d’identité ou un diplôme, je me demande ce que je pourrais encore faire là-bas », affirme-t-il. Pour justifier son désintérêt, il pointe du doigt la route délabrée et poussiéreuse qui passe devant son atelier, avant de rappeler que les agents de la mairie ne sont là que pour « collecter les taxes ou impôts ».

Allant dans le même sens, Pascal Tété, enseignant dans un lycée dans la même commune rajoute qu’il ne connaît pas d’initiative venant de la mairie « en faveur des populations ». S’adressant à Ouestaf News, il précise néanmoins qu’il arrive que le chef de quartier invite les résidents à participer au nettoiement des rues.

Les autorités municipales d’Agoè-Nyivé 6 peuvent certes revendiquer la construction d’un bâtiment scolaire au sein du lycée de Sanguéra. Une infrastructure financée grâce à un fonds gouvernemental dédié aux communes. « Mais à côté, les commerçants et usagers du marché délocalisé, attendent toujours sa reconstruction », constate Pascal Tété qui s’insurge et accuse une « mairie-fantôme ».

Au niveau de la commune du Golfe 4, les citoyens décrivent une situation similaire. Assad-Mohamed Kadi, affirme que « depuis qu’il a été élu, le maire n’a jamais mis les pieds dans son quartier » de la commune de Golfe 4 à Lomé. Un fait qui selon lui, n’est pas de nature à encourager les populations à s’intéresser à la gestion des affaires de la commune.

« Il y a eu de fortes pluies ici et nos maisons se sont retrouvées toutes inondées. Quand nous avons fait appel à la mairie, elle n’a pas répondu. C’est plus tard qu’on nous a dit qu’il fallait suivre un processus même si nous étions dans l’urgence », se plaint ce graphiste.

Espoir Koudjodji, adjoint au maire de la commune Golfe 1 explique qu’il serait très difficile pour les mairies de toucher individuellement les populations dans le cadre de leurs différentes activités. Cependant, certaines mairies sont en collaboration étroite avec différents acteurs de leurs communes.

« A la commune du Golfe 1, nous avons cette franche collaboration avec la chefferie traditionnelle, les associations de jeunes et de femmes, et les comités de développement de nos 36 quartiers. Il est difficile de consulter directement les 400.000 âmes qui constituent la population de Golfe 1 mais à travers ces représentants, nous arrivons à collaborer avec ces populations », précise-t-il dans un entretien avec Ouestaf News, tout en faisant comprendre que dans sa commune, il y a une forte fréquentation des populations qui viennent exprimer leurs attentes et inquiétudes sur diverses thématiques.

Absence de liens

Une étude publiée en janvier 2022 par l’Institution africaine de sondage « Afro baromètre », révèle qu’au Togo, les liens entre les citoyens et leurs élus locaux restent à tisser, même si la population est majoritairement prête à participer aux activités de leur commune et adhère fortement aux principes de bonne gouvernance.

Selon cette étude qui a porté sur un échantillon de 1200 adultes togolais entre décembre 2020 et janvier 2021, « une majorité écrasante (81 %) des Togolais affirment n’avoir jamais pris contact avec un élu local au cours des 12 derniers mois. La même proportion estime que les leaders locaux n’écoutent « jamais » (52 %) ou écoutent « quelques fois seulement » (31 %) ce que les citoyens ordinaires ont à leur dire.

L’insensibilité de la population par rapport à la gestion des affaires locales peut s’expliquer par plusieurs autres raisons selon Pascal Edoh Agbové, Directeur exécutif de l’ONG Initiative des Jeunes pour le Développement (IJD). Pour cet expert en décentralisation et développement local, cela se justifie par la méconnaissance des textes et le manque de culture en matière de contrôle citoyen.  A cela s’ajoutent, selon lui, « la faible confiance aux élus locaux et la peur de répression entre autres ».

L’article 17 de la loi portant décentralisation en République togolaise prévoit la création du Bureau du citoyen (BC) dans chacune des 117 communes du pays. Selon l ‘article le BC est une institution locale de contrôle citoyen de l’action publique locale. Les modalités de son organisation et de son fonctionnement sont précisées par arrêté du Ministre chargé de la décentralisation.

A l’image d’un centre d’écoute, le Bureau du citoyen est chargé de recueillir les attentes, les préoccupations et les suggestions des habitants pour alimenter les réflexions et actions locales, et permettre par ailleurs aux populations d’exercer librement le contrôle citoyen de l’action publique.

Les élections municipales ont eu lieu en 2019. Mais ce n’est qu’en juillet 2023 que le ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et du développement des territoires a pris un arrêté situant les communes sur les attributions, l’organisation, le recrutement des membres et le fonctionnement du Bureau du citoyen dans ces entités territoriales. Une situation qui se justifie en partie par l’indifférence de la population face aux activités des communes, selon Edoh Komi, 1er adjoint au maire de la commune du Golfe 2 à Lomé. Ce dernier recommande fortement que « le Bureau du citoyen soit mis en place ».

La situation n’est pas différente dans plusieurs autres communes quant au sujet du Bureau du citoyen. « Nous sommes à pied d’œuvre pour mettre en place ce bureau », rassure pour sa part Espoir Koudjodji, adjoint au maire de la commune Golfe 1.

DS/hd/md/ts


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