Ouestafnews- La Guinée-Bissau a organisé le 10 mars 2019 des élections législatives. Un scrutin qui devrait marquer un nouveau départ. Toutefois, selon les analystes politiques, ces élections n’offre aucune garantie de sortir définitivement de la crise politico-institutionnelle qui perdure.
Pour le politologue bissau-guinéen, Rui Gorges Semedo, l’espoir est mince : «il est trop tôt pour parler de sortie définitive de la crise dans laquelle la Guinée-Bissau est plongée depuis deux décennies», affirme-t-il sans ambages dans un entretien à Ouestaf News.
Son analyse n’est pas surprenante pour un pays qui a connu une grande instabilité depuis son accession à l’indépendance avec de multiples coups d’Etat et des tensions politico-institutionnelles permanentes.
Dernier épisode de cette série interminable de soubresauts politico-militaires : le limogeage de l’ancien Premier ministre Domingo Simoes Pereira, en août 2015 par le président Bissau-guinéen José Mario Vaz. Depuis le pays vit dans une sorte d’impasse.
Les législatives du 10 mars 2010 étaient pourtant vues par certains comme celles qui allaient mettre fin à cette crise politique.
Mais le pessimisme affiché par M. Semedo, est partagé par Bamba Koté, un autre analyste politique bissau-guinéen.
«Les partis qui ont alimenté cette crise ces trois dernières années ne se sont pas réunis autour d’une table pour discuter. Au contraire, les élections les ont davantage séparés», souligne-t-il au cours d’un entretien avec Ouestaf News.
En août dernier, le bureau de Dakar de l’Institut d’études de sécurité (ISS), avait averti que ces élections très attendues, ne pouvaient pas à proprement parler garantir le retour à la stabilité institutionnelle qui fait défaut à ce pays depuis plusieurs années.
En décembre dernier, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, cité par Jeune Afrique, avait lui aussi indiqué que «rien ne dit que ces élections permettront de résoudre les problèmes qui minent» la Guinée-Bissau.
Un parlement « fragile »
«La nouvelle configuration parlementaire est fragile au vu des résultats électoraux, qui n’ont pas accordé la majorité absolue au parti vainqueur des élections» législatives, souligne M. Semedo.
Le 13 mars, les résultats provisoires des élections législatives de la Commission nationale électorale (CNE) ont donné la victoire au Parti historique, le PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert)avec 47 sièges sur les 102 que compte l’Assemblée national. Ces résultats ont été confirmés le 20 mars par le Cour suprême bissau-guinéenne.
Toutefois le PAIGC n’a pas obtenu la majorité absolue au Parlement, qui est de 52 élus. Et selon les dispositions de la Constitution bissau-guinéen, le poste de Premier ministre revient au chef du parti vainqueur des élections législatives.
«Nous n’avons pas obtenu la majorité avec les 47 sièges sur les 102. C’est pourquoi nous avons scellé un accord d’alliance avec les trois formations politiques pour nous constituer une majorité confortable», a indiqué Malang Fati, député nouvellement élu, cité par l’Agence de presse sénégalaise.
Le PAIGC s’est ainsi donc allié à l’Alliance populaire unifiée-Parti démocratique de Guinée-Bissau (APU-PDGB) de Nuno Gomes Nabiam qui a obtenu cinq sièges, à l’Union pour le changement (UM) et au Parti de la nouvelle démocratie qui ont gagné chacun un siège.
Le 18 mars, le PAIGC a officiellement annoncé les alliances avec ces trois partis totalisant sept sièges pour constituer une majorité à l’Assemblée nationale.Et le 15 mars déjà, le président bissau-guinéen José Mario Vaz a adressé ses félicitations au chef de parti du PAIGC, Domingo Simoes Pereira et s’est dit disposé « à travailler avec toutes les forces vives de la nation », selon Jeune Afrique.
Bloc contre bloc
Le bloc majoritaire du PAIGC devra faire face à un bloc de l’opposition composé de 48 députés. «Le MADEM-G15 (Mouvement pour l’alternance et la démocratie) et le PRS (Parti pour la rénovation sociale) n’ont pas été conviés par le PAIGC autour d’une table », pour constituer la majorité au Parlement, indique Bamba Koté.
De l’autre côté, MADEM-G15, formé par les 15 députés dissidents du PAIGC, avec 27 sièges et le PRS, 21 députés, ont « signé un protocole pour constituer un bloc à l’Assemblée nationale », précise M. Koté.
Et pourtant l’accord de Conakry, signé le 14 octobre 2016, préconise la formation « d’un gouvernement d’union nationale » et le retour des « 15 dissidents du PAIGC» dans leur famille politique.Ce que refusent encore Domingo Simoes Prereira et ses partisans. Ces relations avec l’actuel président bissau-guinéen, José Mario Vaz, restent toujours conflictuelle, confient les observateurs de la vie politiques bissau-guinéenne.
Or, pour faire passer certains projets de loi à l’Assemblée nationale en Guinée-Bissau, « il faut avoir les 3/3 des députés. Et le PAIGC, malgré la coalition qu’il a pu constituer ne peut avoir » cette majorité des trois tiers, explique M. Koté.
« Compte tenu de la grande fragilité institutionnelle et de la difficulté avec laquelle l’opposition a reconnu les résultats, il me semble que le fantôme de l’expérience parlementaire de la neuvième législature qui a eu pour résultat de bloquer des situations sur une période prolongée peut probablement se reproduire », renchérit Rui Jorge Semedo.
La commission nationale des élections (CNE) et la Cour suprême ont rejeté toutes les contestations du scrutin dont celui du MADEM-G15 qui estime avoir obtenu un siège supplémentaire de la région de Gabu dans l’est du pays.
En 2014, les élections législatives remportées par le PAIGC, avaient abouti à la formation d’un gouvernement incluant tous les partis représentés à l’Assemblée nationale, mais la vie de ce gouvernement ne fut que de courte durée avant d’aboutir à la crise qui plombe le pays depuis.
ON/mn
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