Ouestafnews – En Guinée, plus de 97.000 personnes ont reçu leurs premières doses de vaccins contre le covid-19. Cette campagne de masse lancée au mois de mars 2021 dans la capitale Conakry avec pour cible prioritaire, le personnel médical et les personnes âgées de plus de 55 ans ou souffrant de maladies chroniques, est élargie désormais à tous ceux qui sont âgés de 18 ans et plus.
A l’abri du soleil, dans un lieu improvisé au domicile d’un chef de quartier, l’équipe 3 de la commune de Ratoma en banlieue de Conakry, attend avec impatience des candidats au vaccin. C’est l’un des 16 points de vaccination mis en place depuis le 24 mars 2021 dans les quartiers de la capitale guinéenne, épicentre du covid-19 avec 85 % des malades.
A l’accueil, un jeune homme d’une trentaine d’années tient le livre des enregistrements et une infirmière injecte le vaccin. L’opération ne dure que 5 minutes.
Comptable, la soixantaine révolue, Mamadou Oury Camara est tout heureux de recevoir sa première dose. « Maintenant que les vaccins sont disponibles et gratuits, je ne vois pas la raison pour laquelle les gens seraient réticents », s’interroge le sexagénaire.
Une enquête menée par l’Institut national des statistiques, révèle que 80% de personnes interrogées dans environ 1.900 ménages à travers le pays, sont prêts à accepter un vaccin gratuit pour se protéger du Covid-19.
Les autorités sanitaires cherchent à aller vite pour maitriser l’épidémie qui a connu un rebond en début d’année. Le pays ne comptait que 80 malades en décembre 2020, contre des centaines ces derniers mois. D’après les statistiques officielles, à la date du 5 mai 2021, la Guinée compte 22.505 cas positifs confirmés, 148 décès, 711 malades sous traitement et 20.078 patients guéris.
A la même date, plus de 97.511 personnes avaient reçu leurs premières doses de vaccin et 53.288 pour la seconde injection. Chacune des 16 équipes, chargées d’administrer le vaccin contre le COVID-19 dans les quartiers de Conakry, doit toucher 200 personnes par jour.
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« Avant de vacciner, nous interrogeons d’abord les candidats sur leur état de santé et nous leur expliquons aussi qu’il y a des effets secondaires », explique Mohamed Alimou Diallo, agent gestionnaire de données.
Les effets secondaires constituent l’une des principales raisons qui expliquent la réticence des personnes à aller se faire vacciner. « Si je suis venu, c’est parce que tous les autres ont osé. Donc, tout ce qui m’arrivera, sera ce que Dieu aura décidé », se résigne Abdoul Karim Bangoura 58 ans, la main sur le bras. Vacciné, mais à contre cœur.

Pour rassurer ses compatriotes, le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire rappelle régulièrement que tous les médicaments ont des effets secondaires. « J’ai moi-même été secoué (par le vaccin) », ironise Dr Sakoba Keita lors d’une conférence de presse relayée sur la page Facebook de son agence.
A la date du 4 mai 2021, cette agence, en charge de la gestion du covid 19 en Guinée, disait n’avoir encore enregistré aucun effet secondaire grave.
L’AstraZeneca fait peur
Malgré tout, la peur persiste au sein de la population. Assis devant sa terrasse, Faya Alphonse Moundekeno, biologiste, jure qu’il ne prendrait pour rien au monde l’AstraZeneca. «Je demande au gouvernement de ne pas toucher à tout vaccin qui crée des polémiques à cause de ses effets secondaires. Il ne faut pas l’accepter, même si on vous l’offre gratuitement», dit-il, répondant aux questions d’Ouestaf News.
Le premier lot d’AstraZeneca, constitué de 69.000 doses, est arrivé le 29 mars à Conakry, sur fond de polémiques. Sur les cartons, il était marqué le 13 avril 2021 comme date d’expiration, soit juste deux semaines après la réception. Ce qui a renforcé la méfiance nourrie au sujet de ce vaccin.
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Le ministre de la Santé, Remy Lamah a dû réagir dans un communiqué dès le 31 mars pour parler « d’erreur rectifiée ».
« Le lot reçu portait une date d’expiration au 13 avril 2021. Suite à ce constat, l’Union africaine a envoyé à la Guinée un document du fabricant dudit vaccin qui porte une date rectificative d’expiration au mois de juillet 2021 », précise le communiqué.
Le lot d’AstraZeneca en question provenait d’un don de l’Union africaine qui l’avait racheté à l’Afrique du Sud. Un lot dont le géant d’Afrique austral ne voulait plus, parce qu’elle doutait de « l’efficacité » des doses qu’il contenait « contre une nouvelle variante qui était devenue dominante dans le pays », rapporte un article de la BBC daté du 23 avril 2021. C’est ce lot qui a été redistribué par l’UA à une dizaine de pays du continent.
Dans son article, la BBC explique que le Malawi et le Soudan du Sud, qui en ont aussi reçu, avaient manifesté l’intention de détruire plus de 70.000 doses d’AstraZeneca « périmées ». L’Organisation mondiale de la santé, le leur avait déconseillé, exhortant les pays concernés à conserver les vaccins et à attendre de nouvelles directives.
L’article de la BBC ajoute que le Centre de contrôle des maladies de l’Union africaine (CDC), a également indiqué avoir l’assurance que les doses pouvaient être utilisées en toute sécurité.
En Guinée, l’étude de l’Institut national des statistiques montre que près de 29% parmi ceux qui ne souhaitent pas se faire vacciner, évoquent justement la sécurité comme principal motif de leur crainte.
Selon Sayon Dambélé, sociologue, spécialiste des politiques sanitaires et sociales, « il n’y a pas de quoi dramatiser ». Optimiste sur le déroulement de la campagne, il rappelle que partout dans le monde une partie de l’opinion nourrit une méfiance vis-à-vis de la vaccination. Sur le cas spécifique de la Guinée, le sociologue évoque l’influence des réseaux sociaux et le manque de confiance dont souffre l’Etat vis-à-vis des populations.
Les élus locaux à la rescousse
Pour convaincre les citoyens, la direction sanitaire de la ville de Conakry qui s’occupe de la vaccination dans les quartiers de la capitale, a fait appel aux responsables locaux qui ont, à leur tour, sollicité l’aide des leaders religieux. « Nous avons passé des messages de sensibilisation dans les mosquées et églises », raconte Ousmane Sylla, responsable d’un quartier composé de huit secteurs. « Il faut que les gens comprennent que tout ce monde ne peut pas se mobiliser pour quelque chose de mauvais», poursuit-il, avant d’inviter ses concitoyens à saisir l’opportunité de se protéger contre le coronavirus.
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Le médecin et opposant Dr Ben Youssouf Keita, ancien président de la commission santé de l’Assemblée nationale guinéenne, appelle à une intensification de la communication. « Il faut impliquer tous ceux qui peuvent aider, car c’est le seul moyen que nous avons pour contrôler ce fléau», explique docteur Keita.
La vaccination en cours a déjà permis de baisser les contaminations. A titre d’exemple, depuis le lancement de la campagne de masse le 5 mars 2021, dixième semaine de cette année qui a battu le record du nombre hebdomadaire de cas confirmés avec 1026 personnes, on assiste à une baisse constante des contaminations liées au Covid-19. (Voir graphique).

Décidé à poursuivre sa campagne malgré des réticences, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, a entamé la vaccination à l’intérieur du pays. Un premier lot de 310.000 doses de vaccins Covid-19 a été acheminé dans les 33 préfectures et l’opération est en cours depuis le 23 avril dernier. Elle se déroulait jusque-là uniquement à Conakry.
Pour sa campagne de vaccination, la Guinée a déjà réceptionné près d’un million de doses de vaccins contre le Covid-19 (Spoutnik V, Sinopharm, Sinovac et AstraZeneca). En plus de l’initiative Covax et de l’aide de pays « amis » comme la Chine, la Guinée, à travers l’Agence nationale de sécurité sanitaire, a indiqué avoir déjà dépensé 7 millions de dollars, soit plus de trois milliards de FCFA, pour l’achat des vaccins.
Afin d’obtenir une « immunité collective », la Guinée entend vacciner plus de cinq millions de personnes, soit un peu moins de la moitié de sa population estimée à 12 millions d’habitants en 2021 par l’Institut national des statistiques.
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