Guinée : une « poudrière » ?

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Ouestafnews – Depuis 2011, le pouvoir ne parvient pas à organiser le scrutin pour les législatives, peut-on dire que le récent processus démocratique déjà est en panne ?

Bano Barry- Le processus électoral en Guinée est une façade qui se lézarde au fil du temps. La communauté internationale préfère le respect de la forme (tenue d’élections, existence de partis politiques) que de se poser des questions simples et essentielles : Est-il possible de faire la démocratie avec des non démocrates ?
Vous dites depuis 2011, la Guinée n’arrive pas à organiser le scrutin législatif. Vous vous trompez, le dernier scrutin législatif date des années 2000. Depuis lors la Guinée vit une situation exceptionnelle permanente. L’unique scrutin organisé a été celui de la présidentielle de 2010 dont le deuxième tour a été tenu 4 mois et demi après le premier tour.

Ouestafnews- Pourquoi le dialogue sincère que la communauté internationale réclame, entre les leaders de l’opposition et le président Condé est si difficile à organiser ?

Bano Barry – Le dialogue sincère est difficile à organiser en Guinée. D’abord, en raison de la suspicion générale entre les acteurs politiques et au sein de la population. Dans le domaine politique, chaque acteur pense que l’autre veut le rouler dans la farine. Les séquelles de l’élection présidentielle mal préparée avec des acteurs nationaux et internationaux, tous partisans, ont laissé dans le pays une atmosphère de suspicion généralisée. En Guinée, dans le domaine politique, les Guinéens pensent que celui qui est en face ne dit pas la vérité.
Ensuite, le dialogue est difficile en raison du mépris que certains des acteurs politiques ont envers d’autres de leurs collègues. Pour certains politiques, il y a des acteurs légitimes et d’autres qui le sont moins. Enfin, nous sommes avec des acteurs qui ont une culture du jeu à somme nulle. Celui qui gagne rafle tout et l’autre perd tout.

Ouestafnews – Pensez-vous que le pouvoir finira par céder sur une des principales revendications de l’opposition, c’est-à dire remplacer le sud-africain Waymark (compagnie privée chargée de la confection du fichier électoral) par un autre opérateur pour établir un fichier électoral consensuel?

B.B- Le gouvernement n’a pas, selon moi, le choix. Il sera obligé de changer l’opérateur sud-africain. Ce changement peut se faire très rapidement ou pas, mais il aura lieu.

En fait, la question n’est pas à proprement parler de Waymark, mais son matériel et son opérateur local, Sabari Technologie. Ses kits sont considérés par plusieurs spécialistes (comme) le PNUD (programme des Nations-unies pour le développement) et l’OIF (l’organisation internationale de la francophonie) comme perméables à des manipulations par le fait qu’il ne permet pas d’éliminer les doublons. Pour l’opposition, Sabari Technologie, partenaire de terrain et véritable opérateur du processus électoral, est une société qui appartiendrait à des membres du RPG-Arc-en-ciel, la mouvance présidentielle.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer les enjeux du fichier électoral, car c’est lui qui sera en vigueur lors de la prochaine élection présidentielle. De plus, l’élection législative à venir, si elle se tient, elle sera le troisième tour de l’élection présidentielle de 2010. Voilà en quoi l’enjeu du fichier électoral est important et crucial pour la totalité de la classe politique guinéenne.

Ouestafnews – L’opposition réclame des élections « libres et transparentes », selon vous quels sont les dangers qui guettent le pays si jamais, ce scrutin se passe mal ?

B.B – Je pense que vous posez une question dont vous connaissez la réponse. Depuis 1958, date de son accès à la souveraineté internationale, la Guinée peut se vanter de n’avoir pas été victime d’un conflit généralisé. Les enjeux des consultations électorales actuelles, les effets pervers de celle de 2010 et l’exacerbation des considérations ethniques et régionales font de la Guinée une poudrière potentielle.

Je pense que la communauté internationale, notamment les USA et l’Union Européenne, se trompent comme Bernard Kouchner qui disait « qu’une mauvaise élection est préférable à l’absence d’élection ». Pour la Guinée, les pays voisins et la communauté internationale, il est préférable de s’assurer d’un scrutin « libre, transparent avec des fraudes limitées ». Dans le cas contraire, il y a un risque certain de violences politiques à caractère communautaire.

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