Habré : la perpétuité et des questions

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C’est au terme d’une heure de lecture du jugement que le président de la Cour d’assises des CAE, Gberdao Gustave Kam a prononcé le verdict salué par des puissants cris de joie dans la salle, a pu constater un reporter d’Ouestafnews.

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Revenant sur le récit des faits reprochés à M. Habré, Habré qui a dirigé le Tchad et de 1982 à 1990, le magistrat burkinabé a confirmé toutes les charges retenues contre l’accusé, à l’exception des crimes de guerre qui, selon lui, demeurent « non constitués faute de preuves suffisantes ».

Toutefois les CAE, ont retenus les accusations de crimes sexuels, s’appuyant essentiellement sur le témoignage jugé « crédible » de Hadja Hassan Zeydan, une dame qui avait à la barre accusé Hissène Habré en personne de viols multiples.

Hissène Habré est reconnu coupable et donc condamné à la prison à vie pour crimes contre l’humanité, tortures et crimes sexuels. Le verdict confirme, la réquisition du procureur des CAE, Mbacké Fall, qui avait demandé la prison à vie à l’encontre de l’ancien président tchadien.

Soulagement

« Cela faisait très longtemps que nous attendions, ce moment, il est enfin arrivé, je suis extrêmement soulagée », a confié à Ouestafnews, Thérèse Nadjaldongar, une dame dont le mari, Inspecteur de police à l’époque, n’est jamais revenu des geôles de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), la police politique de Hissène Habré. Au nom de la « responsabilité du supérieur hiérarchique », le président des CAE, a estimé que M. Habré était responsable de tous les crimes commis par ses subordonnés.

Les victimes essentiellement des veuves, qui multipliaient les accolades avec les défenseurs des droits de l’Homme notamment Reed Brody de Human Rights Watch (HRW), avaient toutes le même mot à la bouche : soulagement.

l’Américain Reed Brody et Human Rights Watch, ont été les principaux instigateurs de ce procès, ce qui lui a imprimé de forts relents néo-coloniaux tout au long de la saga. Omniprésent dans l’affaire pendant toute la période qu’a duré la saga judiciaire contre l’ex-chef d’Etat, M. Brody a usé de toutes les méthodes de lobbying pour imposer ce procès.

Cette présence encombrante a suscité une question encore sans réponse, sur les véritables commanditaires qui se cachent derrière cette Cour d’exception et ses véritables motivations. Son attitude a également renforcé une perception répandue dans certains cercles en Afrique, qui estiment que ce procès a été organisé pour faire plaisir à la France et aux USA. Ces deux pays ont dans le passé, eu des liens troubles avec Habré lorsqu’il était actif, comme chef d’une rébellion armée d’abord et ensuite comme président du Tchad.

Etreinte par l’émotion, Dadji Achta, se dit « satisfaite » d’avoir obtenu aujourd’hui réparation en mémoire de son mari et de ses deux frères, exécutés en 1986. Directeur d’Amnesty international pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Alioune Tine, a salué un évènement « historique ».

« Les chefs d’Etats africains pensent que seul Dieu peut les juger, aujourd’hui on vient de montrer que ce sont des hommes comme tout le monde et qu’on peut les amener à répondre des crimes qu’ils ont commis », a-t-il déclaré.

Dans le camp de la Défense, on a encore une fois défendu l’innocence de M. Habré. « Nous avons un fort sentiment de déception, nous nous attendions à un acquittement », a déclaré Me Mbaye Sène un des trois avocats commis d’office pour défendre Hissène Habré, ses propres avocats ayant décidé de boycotter la procédure depuis le début.

Selon Me Sène, qui rejette les arguments avancés par les CAE, le verdict ne s’appuie pas sur des « motivations claires ».

Fin d’un marathon ?

A l’ouverture du procès il y a dix mois, l’ancien président tchadien avait refusé de reconnaître la légalité des CAE. Il avait opté pour la stratégie du silence et ses avocats avaient en conséquence boycotté l’audience à sa demande. Dans un communiqué publié à l’époque ils dénonçaient une « violation du principe de légalité dans la création de cette juridiction, de son statut comme de ses règles de fonctionnement, incompatibles avec les standards internationaux ».

Le verdict de ce lundi 30 mai 2016 marque la fin d’un long processus entamé en janvier 2000 après la plainte déposée par sept victimes tchadiennes déposent une plainte contre M. Habré à Dakar. Hissène Habré (né en 1942) a été président du Tchad entre 1982 et 1990.

Durant ses huit ans de présence au pouvoir plusieurs milliers de personnes ont péri victimes des répressions et des arrestations arbitraires, selon les conclusions publiés en 1992 par une commission d’enquête nationale au Tchad. Créée en 2012, les CAE mis en place grâce essentiellement à des fonds étrangers, sont chargées de juger Hissène Habré.

La plupart des partisans de cette juridiction ad-hoc espère la voir être érigée en une Cour Pénale Africaine (CPA) par l’Union africaine (U.A). Ces adversaires la voient plutôt comme une Cour imposée de l’extérieur qui ne fait aucunement honneur à l’Afrique.

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