Ouestafnews (En collaboration avec Niamey Soir) – La persistance de l’insécurité au Niger, notamment dans les régions de Tillabéry, Tahoua et Diffa, met à mal l’exercice de la citoyenneté et de la démocratie dans le pays. Aux attaques récurrentes meurtrières et aux enlèvements ciblés de l’organisation terroriste Boko Haram à Diffa (est du pays) depuis 2015, se sont ajoutées les incursions meurtrières des « bandits armés » opérant dans les régions de Tahoua et Tillaberi (ouest du pays).
Déplacements massifs de populations, fermeture des services sociaux de base et des marchés hebdomadaires, suspension, voire cessation des activités économiques : le quotidien des Nigériens dans les zones touchées par l’insécurité est de plus en plus intenable. Conséquences : le fonctionnement normal des institutions à la base est mis à rude épreuve.
« Des élus locaux, des conseillers et des populations ont été forcés de se déplacer pour fuir les menaces, ultimatums et exactions des groupes armés », affirme Ali Yerima membre du Mouvement pour la Promotion de la Citoyenneté responsable (MPCR), une organisation de la société civile (nationale).
Dans la Commune de Gueskerou, à 25 km de Diffa (principale ville à l’est du pays), le maire a été contraint de se déplacer loin de ses administrés pour se trouver un bureau temporaire dans l’enceinte de la préfecture de Diffa. En raison de la psychose engendrée par l’insécurité, des chefs traditionnels et des maires n’assurent plus efficacement l’exercice de leurs fonctions.
Le Chef de canton, le maire ainsi que les responsables des services techniques de la commune de Bosso (une centaine de km de la capitale régionale) se sont tous réfugiés à Diffa. C’est par la suite qu’ils ont regagné Bosso à la faveur de l’opération de retour volontaire des populations déplacées initiée par le gouvernement.
La situation est plus préoccupante au « Nord-Tillabéri », à la frontière avec le Mali. Depuis quatre ans, le gouvernement reconduit régulièrement l’état d’urgence dans plus d’une dizaine de départements.
Et pourtant, « l’Etat est quasiment absent» de cette partie du pays, comme le signale Adamou Oumarou Mamar, coordinateur du Cadre de Concertation et d’Action citoyenne (CCAC) de Tillabéri (ouest), joint par Ouestaf News.
Comme à Diffa, des maires et leurs adjoints quittent leur chef-lieu de commune pour se replier dans des localités plus ou moins sécurisées, selon Adamou Oumarou.
M. Adamou Oumarou indique par ailleurs que 817 écoles dont 33 du secondaire (collèges et lycées) sont fermées dans les 45 communes de la région de Tillabéri. Ces fermetures affectent au moins 70 mille élèves.
Cette situation est le résultat des exactions commises par les groupes armés contre les populations civiles.
En réponse à cette crise, le gouvernement a créé des centres de regroupement d’écoles dans des localités sécurisées pour que les enfants puissent accéder à l’éducation. Des parents y ont transféré leurs enfants mais il reste encore beaucoup d’élèves laissés à leur sort
Dans les structures de santé de Tillabéri, « plusieurs ambulances sont volées ou brulées par les hommes armés. Cela rend difficiles les évacuations sanitaires », témoigne le coordonnateur du CCAC à Tillabéri.
Face à l’absence des Forces de Défense et de Sécurité (régulières) dans les zones rurales, les groupes armés dictent leurs lois aux populations.
«Je suis actuellement en mission à Gotheye (Tillabéri) où un nombre important de populations déplacées contraintes de quitter leurs villages sont venues s’installer, parmi elles des femmes, des enfants et des personnes âgées sans assistance », a indiqué à Ouestaf News, Alzouma Hima, un habitant de a localité.
«Il n’y a que les enseignants qui sont sur le terrain. Ceux qui sont chargés de l’environnement, hydraulique et autres, ont tous quitté parce que c’est trop dangereux », renchérit Adamou Oumarou.
Quant aux agents de la santé, « certains fuient leur lieu de travail pour n’y revenir que quand la situation se calme », ajoute-t-il.
A Diffa, un des résidents, Marah Mamadou, raconte que face aux difficultés d‘accès aux soins de santé,« les populations font recours à la médecine traditionnelle ou aux charlatans ». Seules quelques personnes ont les moyens de se rendre dans les grands centres urbains comme Diffa, Kablewa, Kijandi pour se procurer des soins adéquats.
Les autorités administratives, les élus locaux ainsi que les chefs traditionnels sont régulièrement pris pour cibles par des groupes armés. Entre avril et juillet 2019, au moins trois chefs traditionnels ont été tués dans des attaques attribuées aux terroristes selon des sources sécuritaires.
Balkissa Moumouni, alors agent de santé dans la zone dit se rappeler de cette date fatidique du 10 mai 2020 lorsque vingt personnes ont perdu la vie lors d’une attaque contre trois villages dans la commune d’Anzourou à une cinquantaine de kilomètres de Tillabéri.
Suite à une embuscade tendue par des groupes armés, le maire de la commune de Banibangou (dans la zone dite « Trois frontières » à l’ouest du Niger) a été tué en même temps que 69 autres personnes, le 2 novembre 2021.
Ces autorités locales sont exécutées pour refus de collaborer, d’autres sont soupçonnés par les terroristes de livrer des renseignements à l’armée régulière nigérienne.
« Même au niveau central, l’insécurité hante les populations », ajoute Mme Magagi Djibo Rabia, coordinatrice de l’Alliance pour la Paix et la Sécurité (Apaise-Niger), qui évoque l’insécurité dès qu’on s’éloigne de 10 ou 20km de la capitale, Niamey.
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