Ouestafnews – Le président de la Commission de l’Union africaine, le Gabonais Jean Ping, a fortement tapé du poing sur la table contre la Cour pénale internationale (CPI) et rappelé à l’ordre Luis Moreno Ocampo le procureur argentin de cette institution aux pratiques très controversées et souvent accusée de « s’acharner » sur les Africains.
Sur les 117 pays ayant ratifié le traité ayant permis la mise en place effective de la CPI, 32 sont des pays du continent africain qui compte au total 55 nations, toutes membres de l’Union africaine à l’exception du Maroc qui a quitté l’organisation pour protester contre l’admission en son sein de la République arabe sahraouie démocratique.
Ce discours de M. Ping, aux antipodes du style sobre auquel ce fin diplomate gabonais a habitué ses interlocuteurs est contenu dans un enregistrement vidéo, postée sur le réseau Youtube et visionnée par Ouestafnews. Depuis, se demandant pourquoi cette déclaration n’a pas fait la une des grands médias du monde, journalistes et intellectuels africains se passent la vidéo réalisée lors d’un sommet de l’Union africaine tenu à Malabo, en Guinée équatoriale en fin juin-début juillet 2011. Bien des semaines plus tard, elle continue de faire le tour des internautes grâce au web et par le biais des e-mails.
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Sur un ton incisif et ferme, Jean Ping commence par dissiper tout malentendu éventuel : « premièrement nous sommes pour la lutte contre l’impunité, nous ne sommes pas pour l’impunité », affirme-t-il avant de développer son argumentaire sur le malaise que la CPI cause en Afrique et aux Africains.
« Pourquoi il n’y a personne d’autre à juger que des Africains ? C’est la question que l’on se pose. Il y a eu des problèmes au Sri Lanka, il n’a pu rien faire. Il n’a pas osé. Il y a eu des problèmes à Gaza (Palestine) comme vous le savez, il n’a pu rien faire, il y a eu des situations comme ce qui se passe en Irak où sur la base de mensonges, il y a eu un demi millions de morts, il n’a rien fait », a déplore Jean Ping qui a aussi cité pêle-mêle les situation en Irak où il y a eu, selon lui, « 1,5 millions de morts sur la base de mensonges », en Afghanistan, en Tchétchénie pour regretter que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dans ces pays n’émeuvent nullement le juge argentin et la CPI.
Ces critiques contre la CPI sont souvent formulées par des dirigeants, des intellectuels ou de simples citoyens africains qui ne comprennent pas la fixation de la CPI et son procureur sur l’Afrique.
« Nous sommes contre la manière dont la justice est rendue avec lui (Luis Morèno-Ocampo), on dirait que c’est seulement en Afrique qu’il y a des problèmes », a affirmé un Jean Ping visiblement irrité par les méthodes du magistrat argentin qu’il accuse de pratiquer le vedettariat au détriment de la justice qui demande plus de sérénité.
« Tous les jours, on juge et on condamne, (est-ce que) vous les voyez à la télévision comme M. Ocampo qui est devenu une vedette de la télévision », a déploré le patron de l’Union, africaine. Dans certains des messages électroniques parvenus à Ouestafnews, certains se demandent d’ailleurs pourquoi M. Ocampo qui jouent au grand justicier du monde ne s’occuperait-il pas d’abord des « casseroles » qu’il traîne et lié à sa vie privée, sur fond de scandale sexuel.
Aujourd’hui un ancien chef d’Etat (Charles Taylor du Liberia) et un ancien vice-président (Jean Pierre Bemba de la République démocratique du Congo) sont mis aux arrêts par la CPI en attendant l’issue de leur procès. Par ailleurs la CPI a lancé des mandats d’arrêts internationaux contre le président soudanais Omar El Béchir ainsi que le leader libyen en fuite Mouammar El Kadhafi.
La plupart des pays africains refusent de respecter ces mandats ou de leur reconnaître une quelconque validité, y compris les Etats signataires du traité instituant la CPI qui outre les as cités plus haut détient aussi le « chef de guerre » congolais Thomas Lubanga et s’intéresse à plusieurs dossiers au Kenya, en Centrafrique, etc..
De l’avis de plusieurs observateurs , la Cour dans ses rapports avec l’Afrique semble être en « mission commandée », dans la récente crise libyenne (où l’Organisation du traité de l’Atlantique nord a apporté un soutien militaire décisif mais controversé aux insurgés). La célérité avec la quelle, la CPI a délivré un mandat d’arrêt contre Kadhafi, a été une nouvelle fois vivement critiquée par l’Union africaine. Tout comme celui qui pèse depuis 2008 sur la tête du Soudanais Omar el Béchir avait aussi soulevé la même désapprobation.
En plein cœur de la polémique créée par le mandat d’arrêt contre le président soudanais, le président sénégalais Abdoulaye Wade avait suggéré en 2009 que l’Afrique se retire de cette institution en attendant qu’elle « devienne démocratique, juste et équitable », selon des propos que l’on peut toujours retrouver sur le site camer.be.
Même pour les défenseurs des droit de l’homme qui se battent contre l’impunité sur le continent la CPI est les méthodes de son procureur constituent un sujet d’inquiétude.
« Les crimes ne se déroulent pas uniquement en Afrique et en ex-Yougoslavie », disait Alioune Tine le président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho, ONG panafricaine basée à Dakar) pour dénoncer le travail sélectif de la Cour pénale internationale.
La CPI, basée à La Haye au Pays-Bas a été créée officiellement le 1er juillet 2002 après la ratification par 60 pays du statut de Rome qui l’a instituée. Aujourd’hui le nombre de ratifications s’élèvent à 117.
« La Russie et les États-Unis d’Amérique, ont signé le Statut de Rome mais ne l’ont pas ratifié. Certains, dont la Chine et l’Inde, émettent des critiques au sujet de la Cour et n’ont pas signé le Statut », rappelle l’encyclopédie en ligne Wikipédia.
Selon son site internet, la CPI a été créée par « pour contribuer à mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale ».
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