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La croissance ne suffit pas pour amorcer le développement (économiste)

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Last Updated on 24/03/2018 by

Ouestafnews – Le taux de croissance est souvent brandi par les gouvernements africains pour justifier les avancées économiques. Il suscite toutefois beaucoup d’interrogations quant à son impact réel et surtout sur le niveau de vie des populations. Selon le docteur Ismaïla Sangharé, spécialiste en politique économique et développement, «la croissance ne suffit pas pour amorcer le développement » d’un pays.

Ouestafnews – Pourquoi les dirigeants africains mettent-ils systématiquement en avant le taux de croissance pour justifier ou défendre leur bilan économique ?

Ismaïla Sangharé – Les noces de l’économie et de la politique n’ont jamais été rompues. Au contraire, la volonté de construire une « économie pure » (…) est la tentative sournoise de masquer les rapports de l’économie et de la politique.

L’Etat joue encore un rôle important, ne serait-ce que par l’importance de son budget dans le Produit intérieur brut (PIB), dans le financement de la politique sociale et généralement dans le maintien des grands équilibres économiques. Sa fonction de redistribution de la croissance est capitale pour l’économie.

Ouestafnews – Pourquoi redistribuer la croissance ?

I.S : Pour la morale. La justice sociale consiste à procurer à tous les citoyens la satisfaction des besoins de base, indépendamment de leur contribution à la production. Pour l’économie, en augmentant les revenus des plus pauvres, on crée de la demande. Ce qui permet de soutenir l’activité économique des entreprises. Pour la politique, la satisfaction des besoins de base pour tous est un facteur de paix et de cohésion sociale, et évite la marginalisation des plus démunis.

De telles raisons ne sont possibles à honorer sans une croissance économique forte. La source de création de croissance économique repose fondamentalement sur l’activité de production qui n’est rien d’autre que la fabrication des biens et services nécessaires à la satisfaction des besoins.

Donc, il faut y consacrer du travail et du capital. C’est pour dire qu’il ne peut y avoir de développement sans une croissance économique soutenable. La croissance symbolise le niveau de richesse détenu par un pays. C’est pourquoi les dirigeants africains mettent l’accent sur cet indicateur comme un élément positif du bilan, même si cela ne suffit pas pour amorcer un véritable développement.

Ouestafnews – Pourquoi le taux de croissance ne se traduit-il pas par une création massive d’emplois décents dans les pays de l’Afrique de l’Ouest ?

I.S : La question de la répartition de la croissance économique a toujours suscité un débat au sein de la société, en particulier dans les pays en voie de développement. Certes, il est admis qu’une croissance inclusive devrait se traduire par une réduction du chômage, donc par la création d’emplois décents. Cependant, dans des pays comme le Sénégal, plus de 50% de la croissance sont alloués aux dépenses de consommation et non aux dépenses d’investissement.

Et dans les dépenses d’investissement, le secteur des BTP est souvent privilégié. Partout les constructions poussent comme des champignons au Sénégal et malheureusement, ce secteur n’est pas assez pourvoyeur d’emplois. Cette préférence des investisseurs pour ce secteur, s’explique d’abord par un risque faible dans les BTP, ensuite par un surpeuplement des certaines villes comme Dakar, Thiès et Mbour.

Donc, tout cela pour dire que lorsque les fruits de la croissance ne profitent pas aux secteurs pourvoyeurs d’emplois, il sera difficile pour le Sénégal de réduire significativement son taux de chômage par la création d’emplois décents. Alors, la solution serait une politique optimale d’allocation des ressources de la croissance, de favoriser de nouvelles créations de unités de production et d’asseoir une politique d’incitation à l’emploi.

Ouestafnews – Au-delà du taux de croissance par quel critère peut-on vraiment apprécier l’évolution socio-économique de nos pays ?

I.S : Il existe plusieurs indicateurs de mesure de performances socio-économiques. Mais il est bon de ne pas confondre la croissance économique, qui apprécie le niveau de richesse d’une nation, et le développement qui traduit le bien-être de la société. Lorsqu’il s’agit du bien-être, en général les économistes ont recours à l’Indice de développement humain (IDH) qui intègre des éléments autres que le PIB. Par exemple, l’environnement, la culture etc. Un tel indicateur est utilisé pour apprécier le bien-être social ou le développement, plutôt que de mesurer la richesse.

ON/fd/ad

 

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