En termes de nombre de personnes contaminées et de décès, le Covid-19 a fait moins mal en Afrique. Est-ce le cas sur l’économie, la santé, l’éducation, bref les secteurs vitaux ? Comme ailleurs, les contrecoups de la pandémie à Coronavirus se sont faits sentir dans tous les secteurs d’activités en Afrique. Un continent déjà malade de ses systèmes de santé, de ses politiques économiques et d’éducation. Depuis le début de la pandémie, Ouestaf News donne une opportunité aux penseurs africains, afin qu’ils contribuent, par leurs éclairages, à penser les réponses aux défis liés à cette crise sanitaire multiforme.
Au-delà de la seule riposte médicale, il s’agit aussi de saisir cette opportunité pour poser le débat sur l’Afrique, ses défis, son avenir, sa relation avec le reste du monde. Dans ce dixième texte, Mamadou Boye Bah, étudiant en Economie Sociale et Solidaire, invite l’Afrique à repenser ses relations humaines et surtout ses systèmes et modèles socioéconomiques pour décoller.
Mamadou Boye Bah*
En février 2020, le continent africain enregistre son premier cas de Coronavirus. Au 1er septembre 2020, l’Afrique reste le continent le moins affecté par la pandémie (1 474 321) après l’Océanie (33 315[1]). Pourtant, même l’Organisation mondiale de la santé avait prédit le pire pour les pays africains.
Cette pandémie serait-elle venue nous rappeler à tous les citoyens du monde que nous pouvons tous avoir le même degré de fragilité face à certaines menaces ?
C’est sûr que, face à ce virus, nos comportements sont remis en cause, nos certitudes sont mises en doute, les grandes puissances économiques sont ébranlées, nos modes de vie sont bouleversés, les hommes les plus puissants sont menacés.
En témoigne les multiples tests de Covid-19 effectués par Donald Trump, avant qu’il ne soit déclaré positif, pour s’assurer qu’il est en bonne santé ou encore l’isolement du Premier ministre britannique Boris Johnson après avoir été confirmé positif au Corona. Qui aurait cru que les hommes les plus puissants au monde seraient plus dans la psychose, terrorisés par un micro-organisme invisible à l’œil nu, qu’un habitant d’un hameau du fin fond du Sénégal ? Quel génie aurait imaginé que la liberté de circulation allait être plus accessible pour un habitant de Goudomp, lointaine contrée sénégalaise, qu’une star du football mondial ?
Et dire que depuis des décennies, nous sommes dans un monde où la course au capital a pris le dessus sur tous les autres aspects des relations humaines. Croyant que la pécune peut résoudre tous les problèmes du monde. Nous vivons dans un monde où le scientifique est relégué au second rang au profit, par exemple, des actions politiciennes. La solidarité prônée par toutes les religions est devenue un fonds de commerce pour un grand nombre de personnalités et d’organisations. Mais plutôt que d’y chercher la grâce, ces bonnes pratiques sont quasiment délaissées au profit de la recherche de reconnaissance publique.
L’apparition de ce virus est un tournant de l’histoire de l’humanité et l’Afrique n’a pas le droit de rater ce virage. C’est certain, nous allons souffrir, comme tous les autres d’ailleurs, de l’après covid19. Mais nous devons accepter cette douleur thérapeutique pour mettre en place une stratégie de développement viable, fiable, afin de permettre aux futures générations de profiter des richesses du continent.
Pour se relever de cette crise, nous devons unir nos forces. Les Africains ne doivent plus marcher en rangs dispersés. S’unir en nous appuyant sur nos forces, car chaque pays a une richesse qui peut constituer un maillon important pour le développement de ce continent. Imaginez ce que nous possédons : le pétrole du Nigeria, le phosphate du Sénégal, la bauxite de la Guinée, le coton du Burkina Faso, la vanille de Madagascar, le cobalt de la RDC…la liste est loin d’être exhaustive. L’Afrique ne manque pas de richesses, mais il faut trouver les moyens d’exploiter nos ressources à bon escient. C’est une voie certaine pour faire décoller de nos économies et instaurer une cohésion sociale au sein de nos communautés.
La voie de sortie de crise pour l’Afrique repose sur le développement de nos économies, en faisant la promotion du savoir-faire local. S’attacher mordicus aux experts occidentaux ou orientaux à la place de nos intellectuels ne nous mènera que vers la mauvaise destination. L’intellectuel africain est assurément mieux placé pour comprendre les besoins de son continent. Alors responsabilisons-le !
Par ailleurs, il nous faudra miser sur l’agriculture ! Pourquoi importer des aliments alors que nous avons les sols les plus fertiles au monde ? Pourquoi ne pas investir sur le secteur agricole de manière durable et intelligente ? Nous devons arrêter les projets de circonstance et nous inscrire dans une perspective de développement adapté à nos réalités.
De même, il faut repenser notre système éducatif en faisant le développement des compétences notre priorité. Il serait intéressant d’intégrer dans le cursus scolaire des programmes axés sur la solidarité, le travail collectif, le développement territorial et le respect des institutions nationales, afin d’inculquer aux enfants l’amour de la patrie et du terroir. Je proposerais également d’intégrer un programme d’enseignement aux technologies numériques dès le collège pour permettre aux élèves d’avoir les bases nécessaires pour travailler de façon autonome en exploitant les avantages qu’offre l’écosystème internet.
Sur le plan sanitaire, nous devons investir sur la formation d’un personnel médical de qualité et en nombre suffisant pour couvrir l’ensemble de nos territoires. Le nouveau Coronavirus nous a révélé que nous devons investir sur la médecine traditionnelle (je ne parle pas des charlatans). Dans ce sens, on peut dire que s’il y a un mérite au remède malgache qui a fait parler de lui, c’est d’avoir suscité un regain d’intérêt à cette médecine.
Il reste vrai, que l’Afrique a énormément de défis à relever sur le plan diplomatique, sécuritaire, touristique, culturel, etc. Ce qui est important c’est de tirer les leçons de cette crise sanitaire pour enclencher un projet de développement durable dont ce continent a besoin.
*Mamadou Boye Bah, est un professionnel en communication inscrit en Master 2 Economie Sociale et Solidaire, à l’Université Lumière Lyon 2.
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