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Lutte contre la corruption au Burkina Faso : surtout des discours

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Ouestafnews (en collaboration avec Faso7) – Pour le Burkina Faso, 14e rang africain à l’indice de perception de la corruption de Transparency International en 2021, les efforts à fournir sont immenses dans un contexte sécuritaire inquiétant.

Dès sa prise de pouvoir le 30 septembre 2022 par un coup d’Etat militaire, le Capitaine Ibrahim Traoré a promis de s’attaquer à la corruption. Le 10 décembre 2022, veille de l’anniversaire de l’indépendance du Burkina Faso, il a rappelé dans son message à la nation que la guerre contre le terrorisme se mène avec les armes mais aussi sur le plan économique.

Le nouveau chef d’Etat précise que la bataille économique se matérialisera par la lutte contre la corruption, surtout que l’Etat a besoin urgemment de 106 milliards de FCFA pour prendre en charge et équiper 50 000 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Ces volontaires sont recrutés pour appuyer l’armée dans la traque des groupes armés qui occupent une bonne partie du territoire burkinabè.

En 2021, le Burkina Faso a été classé 78è mondial dans l’indice de corruption de Transparency International.  Un score qui le place 4è parmi les quinze pays de la Cedeao derrière le Cap-Vert, le Sénégal et le Ghana.

Ibrahim Traoré a destitué son prédécesseur au poste de chef d’Etat, le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Ce dernier était également arrivé au pouvoir par les armes, huit mois plus tôt, dans un contexte de crise sécuritaire aigüe. Les militaires au front ont souvent accusé les généraux ainsi que l’élite politique de s’emparer des ressources du pays y compris les budgets prévus pour la défense nationale.

Dans un discours devenu viral sur les réseaux sociaux le capitaine Traoré avait ouvertement accusé les élites du pays d’être à l’origine de la situation actuelle du Burkina Faso. « On a tout fait pour abandonner certaines (populations) à cause de nos intérêts égoïstes. (….) à Ouagadougou, on fait la fête », avait-il martelé lors d’une rencontre le 10 novembre 2022 avec les représentants des partis politiques et des organisations de la société civile sur la situation nationale.

Avant lui, son prédécesseur le Lieutenant-colonel s’était également offusqué de la corruption qui règne dans le pays en promettant d’y mettre fin.

Dès les premières semaines de son arrivée au pouvoir, il avait activé l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC), lui donnant l’ordre d’auditer la gestion d’une centaine de structures de l’administration publique y compris l’armée. Le capitaine Traoré reprendra les mêmes injonctions.

L’ASCE-LC est la structure mise en place pour traquer corrompus et corrupteurs. Elle est dotée de pouvoirs de poursuites judiciaires mais n’a pas encore les moyens financiers nécessaires à sa mission, selon ses détracteurs. Pourtant, l’article 59 de la loi organique 082-2015/CNT lui prévoit un budget représentant au moins 0,1 % du budget national.

Le 30 novembre 2022, le capitaine Traoré avait demandé, dans une correspondance au ministre d’Etat, ministre de la Défense nationale, à prendre toutes « les dispositions nécessaires » pour un bon déroulement des audits de l’ASEC-LC.

Ces initiatives ne semblent pas impressionner outre mesure dans l’opinion, qui attend des actes concrets.

« Depuis des années, le Burkina n’a pas encore jugé et condamné un responsable pour des faits de corruption et cela est un très mauvais signal. Les corrupteurs et les corrompus continuent de circuler librement », analyse Aimé Nabaloum, journaliste  reconnu pour ses investigations sur la corruption.

Pourtant, le Burkina était bien parti au lendemain de l’arrivée au pouvoir du défunt président Thomas Sankara qui avait réussi a ramené l’intégrité et l’éthique au cœur de l’administration publique ainsi qu’au sommet de l’Etat durant son bref passage à la tête de celui-ci (1983-1987). Le Burkina Faso lui doit d’ailleurs son attribut de « pays  des hommes intègres ».

Hélas, la « rectification » mise en œuvre par son frère d’arme et tombeur, Blaise Compaoré, ainsi que la longévité de ce dernier au pouvoir ramèneront les vieux démons : népotisme, clientélisme et leur corollaire, la corruption.

Le volontarisme des militaires actuellement au pouvoir sonne comme un refrain pour de nombreux observateurs.

« Chaque pouvoir, comme pour satisfaire à une mode, déclare faire de la lutte contre la corruption, la priorité de ses priorités. Malheureusement, entre le verbe et l’action, il y a un fossé», commente Sagado Nacanabo, secrétaire exécutif du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC).

Pour autant, la lutte contre la corruption et la mal-gouvernance est-elle définitivement plombée au Burkina Faso ? Sans doute pas, répond le Dr Arouna Louré, ancien député de la Transition et figure de la société civile.  

« Au regard de ce que nous vivons aujourd’hui, je reste persuadé que l’espoir est permis de lutter efficacement contre la corruption. Certes, elle ne disparaîtra pas du jour au lendemain, mais nous pourrions atténuer énormément sa présence », déclare l’ex parlementaire. Deux facteurs fondent son optimisme : l’existence d’une opinion publique forte qui dénonce la corruption et de médias qui s’intéressent à la question.

AZ-FD/ts


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