Malaise et interrogations sur le prix Ibrahim après sa non attribution pour la deuxième année consécutive

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Le jury chargé d’attribuer le prix pour l’édition 2010 qui se réunissait à Londres, a annoncé le 13 juin 2010 , qu’il n’avait pas trouvé un seul candidat remplissant les critères établis par le prix.

Selon la Fondation qui décerne cette distinction, elle est destinée aux ex-dirigeants africains, arrivés de manière démocratique au pouvoir et qui après s’être acquitté de leur mission de manière exemplaire, acceptent de céder la place.

En 2009 également, les membres du jury n’avaient pas attribué le prix, officiellement pour défaut de « consensus » sur le nom d’un candidat.

A l’annonce de la non attribution du prix pour la deuxième année consécutive, des échanges d’email entre des journalistes africains, dont certains copiés à Ouestafnews, sont revenus sur le sujet avec en toile de fond une question : « s’agit-il d’un manque de candidats viables ou Mo Ibrahim serait-il à court d’argent pour un prix aux montants faramineux » ?

Autre question revenue dans ces échanges d’emails à caractère privé : « récompenser les anciens chefs d’Etats, était-il la meilleure manière de soutenir la bonne gouvernance et le leadership en Afrique ? ».

Ces critiques ont été rendues d’autant plus faciles que la dotation financière du Prix Ibrahim se targue d’être cinq fois plus élevée que celle du prix Nobel, jusque là considéré comme le prix le plus « prestigieux » au monde.

Interrogé par Ouestafnews, le journaliste et consultant sénégalais Adama Gaye, qui avait déjà par le passé exprimé ses « réserves » par rapport au prix a réitéré que ce prix est une « aberration ».

Et d’ailleurs l’absence de lauréat pour la deuxième année consécutive « confirme le désert qui caractérise la bonne gouvernance en Afrique », selon le journaliste et écrivain sénégalais qui vient juste de participer à une rencontre sur la gouvernance à Berlin.

Il serait « plus judicieux de mettre ces fonds au service des mouvements intellectuels et citoyens,
des forces sociales actives dans les medias et dans la lutte contre la corruption et qui luttent véritablement pour la bonne gouvernance en Afrique », a affirmé M. Gaye.

Dans un des ses numéros datés d’octobre 2009, le magazine The Africa Report s’interrogeait aussi sur la pertinence du choix « exclusif » des chefs d’Etat comme uniques récipiendaires possibles de ce prix. Le journal préconisait qu’il soit aussi ouvert à divers acteurs dans divers domaines « médecins, éducateurs, écrivains, artistes, entrepreneurs… ».

Parmi les nombreuses autres réactions parvenues à la direction d’Ouestafnews au lendemain de la décision du jury, plusieurs mettent en doute « l’efficacité » de ce prix dans la lutte pour la promotion de la bonne gouvernance.

Pire encore, en ne l’attribuant pas, disent certains, la Fondation Mo Ibrahim lance un mauvais signal à la communauté internationale et masque les progrès réels notés dans certains pays en terme de gouvernance démocratique.

Des recherches effectuées par notre rédaction ont permis de retrouver des critiques similaires, formulées depuis 2007, un an après le lancement du prix.

« On est en droit de s’interroger sur le paradoxe que constitue la remise d’une telle somme dans le cadre d’un prix censé lutter contre la corruption. Récompenser le désintéressement par de l’argent » s’interrogeait ainsi François Soudan dans un numéro de Jeune Afrique daté du 4 au 10 novembre 2007.

Cette manne financière aux mains d’une seule personne, en l’occurrence un ancien président africain souvent très riche constitue un malaise par rapport aux multiples difficultés des masses africaines.

De son côté, l’ancien ministre camerounais, Garga Garga Aman, Adji, dans une interview au service français de la BBC en octobre 2006 émettait des doutes sur la capacité du prix à limiter les actes de corruption et de mauvaise gouvernance.

« La disposition à accepter des pots-de-vin ou à les refuser est une question de conviction personnelle, qui n’a rien à voir avec la richesse », selon des extraits de l’interview posté sur le site de la radio britannique.

Pour Mo Ibrahim, le fondateur du prix, la gouvernance « n’est pas en cause ».

« L’indice Ibrahim qui mesure la performance des pays africains en la matière montre que les normes de gouvernance , globalement, s’améliorent chaque année », a soutenu le milliardaire britannique d’origine soudanaise dans un communiqué de sa Fondation transmis à Ouestafnews.

Sut un tout autre chapitre, Alex Margot du service de la communication de la même Fondation, joint au téléphone par Ouestafnews, a rejeté l’idée que Mo Ibrahim « soit fauché », une idée émise par certains analystes.

« Ce n’est pas exact » a-t-il simplement indiqué à Ouestafnews.

« Le prix n’est pas forcément attribué chaque année », déclare Alex Margot, en précisant que la non attribution est « prévue dans les statuts ».

Le prix Ibrahim est le prix le plus richement doté au monde, composé d’un montant de 5 millions dollars (plus de 2,6 milliards FCFA) versés au lauréat sur une période de dix ans.

Une autre somme de 200.000 dollars (plus de 100 millions FCFA) qui lui sont versés à vie tous les ans et un montant supplémentaire de 200.000 (plus de 100 millions de FCFA) également mis à sa disposition chaque année pour financer des activités d’intérêt public et les actions caritatives qu’il entreprend ou soutient.

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