Ouestafnews – Le président malien Ibrahima Boubacar Keïta (IBK) est acculé depuis un mois par des manifestants du M5-RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques) qui exigent ni plus ni moins que sa démission. Après les violentes manifestations des 10 et 11 juillet, le président a pris quelques mesures pour apaiser les manifestants : reste à savoir si ce n’est pas trop peu et trop tard.
Devenu maître de la rue à Bamako, le M5-RFP, qui regroupe des partis politiques, des religieux et des syndicats est à l’avant-garde de la levée de boucliers contre le président malien. A l’intérieur comme à l’extérieur du pays, le mouvement étonne par l’ampleur de ses manifestations, auxquelles les Maliens répondent en masse.
Après deux premières sorties pacifiques et sans heurts le 05 et le 19 juin, les choses ont mal tourné entre le 10 et le 12 juillet, avec une éruption de violence ayant fait 11 morts et 158 blessés, selon la primature. Un cap venait d’être franchi.
En réponse à cette forte pression populaire le président IBK, à la faveur d’un discours à la Nation (le 4è en un mois) délivré le 11 juillet a annoncé la dissolution « de fait » de la Cour constitutionnelle. C’était là une des principales revendications du M5-RFP dont certains leaders, notamment Choguel Maîga, Kaou Djim and l’Imam Oumarou Diarra ont été brièvement interpellés avant d’être libérés.
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Question que se posent les observateurs : avec cette première reculade amorcée par IBK, la forte vague du M5-RFP va-t-elle refluer ?
« L’hétérogénéité du mouvement fait qu’il est difficile d’entrevoir le calme », souligne l’analyste Khalid Dembélé dans un échange de courriels avec Ouestaf News. De plus, la dissolution de la Cour est une décision qui arrive tard, pense M. Dembélé, économiste et chercheur au Centre de recherches, d’analyse politiques, économiques et sociales (Crapes-Mali) basé à Bamako.
« En termes de stratégie pour désamorcer les crispations, il (IBK) aurait dû lâcher sur ce point depuis le mercredi (NDLR : discours à la Nation du 08 juillet 2020) », souligne M. Dembélé.
La Cour constitutionnelle a polarisé le mécontentement du M5-RFP et d’une bonne partie de l’opposition, suite à la proclamation des résultats des élections législatives tenu entre fin mars et avril 2020. Le mouvement reproche à cette institution d’avoir inversé le résultat du vote dans plusieurs circonscriptions au profit du parti au pouvoir et de ses alliés, finalement déclarés vainqueurs de ces élections avec 51 sièges sur les 147 que compte l’Assemblée nationale malienne.
Vers la dissolution du parlement ?
Dès les premières heures de sa naissance, le mouvement a fait de la démission du président Keïta son exigence première avant de se raviser. Aujourd’hui la nouvelle grande exigence reste la dissolution de l’Assemblée nationale. Reste à savoir si IBK va céder sur ce point ? « C’est l’évolution des rapports de force qui nous en dira plus, et le M5-RFP semble bien parti, puisque certaines de leurs revendications sont déjà acquises », estime Khalid Dembélé.
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui a nommé l’ancien président du Nigeria Goodluck Jonathan comme médiateur, préconise l’organisation d’élections partielles pour les circonscriptions qui font l’objet de contestation.
Tenues dans des conditions sécuritaires difficiles et en pleine crise de Covid-19, ces élections ont connu un taux bas de participation : 35%, selon les chiffres de la Cour constitutionnelle. Le scrutin laisse aussi un souvenir amer à l’Union pour le Renouveau Démocratique (URD) dont le leader Soumaila Cissé a été enlevé en pleine campagne électorale par un présumé groupe terroriste dans la région de Tombouctou.
La situation sécuritaire au nord et dans le centre du pays ainsi que l’incapacité du gouvernement à y faire face font partie des éléments ayant contribué à la popularité de la contestation, qui au fil des semaines s’est radicalisée.
Dès le 1er juillet 2020, le mouvement a publié une liste de revendications en 11 points dont, la nomination d’un premier ministre « totalement libre » de la tutelle du président Keïta, la mise en place d’un organe législatif de transition.
Emergence du M5-RFP, vide politique
Le MF5-RFP est né d’une grande manifestation organisée le 5 juin 2020. Il s’est créé autour de l’autorité morale de l’Imam Mahmoud Dicko, qui en l’absence de Soumaila Cissé est considéré aujourd’hui le premier opposant au régime d’IBK.
L’imam Dick qui refuse d’assumer une quelconque posture politique n’en reste pas moins une figure de proue de la contestation. Mais cette dernière bénéficie aussi d’autres atouts qui font sa popularité.
Le succès du mouvement est essentiellement dû à « une conjonction de frustrations. Le malaise est total, et la défiance à l’égard du politique est à la fois structurelle et généralisée », indique Khalid Dembélé.
Sur les réseaux sociaux également les avis sont plutôt défavorables au gouvernement malien dont la gestion est largement critiquée.
On élu un Président, on lui donne les ressources de l’État, c’est pour nous garantir la sécurité, la souveraineté, l’unité national et la justice sociale.
S’il échoue, on n’accuse pas le peuple. Parce-qu’il nous a donné l’assurance qu’il peut qu’on lui a fait confiance.#Mali— Aliou Diallokei ⏫ (@diallokei) July 14, 2020
Face à cette colère qui gronde, IBK se dit favorable à un « dialogue », notamment par la mise en place d’un gouvernement d’union, annoncé depuis plusieurs semaines mais qui tarde à se concrétiser. A cela il faut ajouter sa proposition faite à la classe politique d’un Accord politique de rassemblement national qui a pour objectifs la sécurisation totale du pays, la conduite des réformes institutionnelles convenues lors du dialogue national inclusif et l’administration équitable de la justice entre autres.
ON-MN/
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