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Mali – Algérie : la tension monte, l’AES s’en mêle

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Ouestafnews – La tension est montée d’un cran entre l’Algérie et le Mali après la destruction par l’armée algérienne d’un drone malien à la frontière entre les deux pays. Dans une région où la situation sécuritaire est précaire, ce nouvel incident militaire ravive des tensions et provoque des remous diplomatiques entre Alger et les trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) que sont le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

L’Algérie « regrette d’avoir à procéder au rappel, pour consultation, de ses Ambassadeurs au Mali et au Niger et à différer la prise de fonction de son nouvel Ambassadeur au Burkina Faso », annonce un communiqué du 7 avril 2025 du ministère algérien des Affaires étrangères consulté par Ouestaf News.

Cette mesure de « réciprocité » est une réponse à la décision prise par les États membres de l’AES la veille : le 6 avril 2025, la confédération de l’AES avait annoncé dans un communiqué le rappel de ses Ambassadeurs en Algérie. Dans ce document, les pays membres de la confédération condamnaient la destruction d’un drone militaire malien par la défense aérienne algérienne, à proximité de la frontière entre les deux pays.

Le Mali et l’Algérie partagent une frontière longue de près de 1.400 km. Les deux pays sont traversés par le désert du Sahara.

L’incident survenu dans la nuit du 31 mars au 1er avril a déclenché une escalade diplomatique. Dès le 6 avril, le gouvernement malien a convoqué l’ambassadeur d’Algérie à Bamako et annoncé son retrait du Comité d’État-major opérationnel conjoint (Cemoc), un mécanisme de coordination sécuritaire basé à Tamanrasset (Algérie).

Le retrait du Mali du Cemoc, qui regroupe l’Algérie, le Niger, la Mauritanie et le Mali, marque un nouveau tournant dans une région du Sahel déjà en proie à une insécurité chronique depuis plus de dix ans.

Le Mali est confronté à une insécurité persistante entre séparatistes touaregs et groupes djihadistes depuis 2012. Ces conflits ont fragilisé les pouvoirs civils. En réponse, les militaires ont pris le contrôle du pouvoir à trois reprises lors de coups d’État en 2013, 2020 et le dernier en date en 2021 qui a amené au pouvoir le régime actuel.

L’Algérie a longtemps joué un rôle de médiateur dans les négociations de paix au Mali, en particulier avec l’accord d’Alger de 2015 entre Bamako et les séparatistes Touaregs. Mais les relations se sont tendues depuis que Bamako a accusé Alger de soutenir ces groupes. Pays côtier, l’Algérie compte plus de 46 millions d’habitants (2023) et un PIB dix fois supérieur à celui du Mali, pays enclavé de moins de 24 millions d’habitants (2023).

En même temps qu’elle annonçait le rappel de ses ambassadeurs dans les pays de l’AES, l’Algérie annonçait également la fermeture immédiate de son espace aérien à tous les aéronefs maliens, civils comme militaires. Bamako a aussitôt répliqué en appliquant la même mesure aux vols en provenance ou à destination de l’Algérie, justifiant sa décision par la « persistance du régime algérien à parrainer le terrorisme international ».

Sur fond d’accusations de « parrainage du terrorisme » et de provocation militaire, l’incident attise les tensions entre Alger et les pays de l’AES.

Pour expliquer la destruction du drone malien, à l’origine des nouvelles tensions, le ministère algérien de la Défense nationale affirme que l’appareil « a pénétré de manière offensive » dans l’espace aérien algérien. Selon le ministère algérien, c’était « la troisième incursion » malienne de ce type depuis août 2024.

L’Algérie justifie la destruction du drone par la nécessité de défendre sa souveraineté.

De son côté, Bamako réfute cette version. Les autorités maliennes affirment que le drone TZ-98D, engagé dans une mission de surveillance contre des groupes armés, a été abattu à 9,5 kilomètres au sud de la frontière, sur le territoire malien.

Le gouvernement malien a dénoncé une « agression flagrante » et une atteinte grave à sa souveraineté, accusant Alger d’avoir ainsi saboté une opération de neutralisation de groupes terroristes opérant dans le nord du pays.

Le gouvernement algérien estime que les accusations portées à son encontre sont « tellement dénuées de sérieux qu’il serait superflu d’y répondre autrement que par le mépris ». Il nie toute implication dans des activités de déstabilisation et rappelle son engagement « constant et crédible » dans la lutte contre le terrorisme.

L’incident du drone a servi à raviver la solidarité entre les trois membres de l’AES. Dans un communiqué conjoint, les chefs d’État du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont qualifié l’action algérienne d’ « agression contre l’ensemble des membres » de la Confédération. Ils accusent l’Algérie de jouer un rôle ambigu dans la crise sahélienne et de « collusion avec des groupes armés », appelant à des poursuites internationales.

La Confédération, dirigée actuellement par le président malien Assimi Goïta, a également dénoncé la frappe comme ayant permis le repli d’un groupe terroriste ciblé, compromettant une opération d’envergure. Le Collège des Chefs d’État de la confédération exige des « explications officielles » de la part d’Alger et met en garde contre toute récidive.

L’Algérie a rejeté en bloc des « accusations fallacieuses » du Mali et de ses voisins de l’AES. Elle estime que les régimes militaires de l’AES cherchent un bouc émissaire à leurs propres échecs. Alger dénonce une tentative de diversion orchestrée par des autorités qu’elle qualifie de « clique putschiste », et affirme que les données radar prouvent la violation de son espace aérien.

Cette crise survient dans un climat déjà très tendu. Le retrait du Mali de l’Accord d’Alger en janvier 2024 – qui faisait de l’Algérie le médiateur principal du processus de paix malien – avait marqué un tournant. Depuis, les passes d’armes verbales entre Bamako et Alger se sont multipliées.

Pour la première fois, ce bras de fer diplomatique prend une dimension régionale. Les trois pays de l’AES, qui ont officiellement quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) le 29 janvier 2025, font face à leur première crise internationale majeure depuis la création de leur confédération en septembre 2023.

Dans un Sahel toujours en proie aux violences armées, cette nouvelle fracture géopolitique ajoute à l’incertitude.

HD/ts


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