Pour les observateurs ouest africains, peu importe le futur vainqueur, sa tâche ne sera pas facile.
« La réconciliation nationale, c’est une priorité absolue », souligne Bakary Sambe, enseignant et chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (nord du Sénégal).
De l’avis du Dr Sambe, ce travail de réconciliation passera par des préalables comme « la promotion d’une meilleure justice sociale, et d’une politique éducative basée sur la culture de la citoyenneté ».
Et pour réussir cette réconciliation, il faudra un « processus crédible », selon le politologue béninois Mathias Hounkpe, chef du bureau de l’Open Society Initiative For West Africa (Osiwa) en Guinée.
La prochaine équipe gouvernementale devra forcément adopter « un mode de gestion des affaires publiques qui ne donne pas le sentiment que tous les citoyens ne sont pas logés à la même enseigne », a poursuivi M. Hounkpe.
Si les groupes armés qui occupaient le nord ont été vaincus par une offensive militaire franco-africaine lancée en janvier 2013, le problème des indépendantistes touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) reste entier.
N’eut été l’accord signé de justesse à Ouagadougou par le gouvernement de transition en juin 2013, l’élection présidentielle du dimanche 28 juillet aurait dû se dérouler sans la ville de Kidal (nord), le fief du MNLA où l’armée nationale et l’administration peinent encore à se redéployer pleinement.
La renégociation de cet accord dicté par l’urgence de l’élection présidentielle s’impose aussi au prochain chef de l’Etat malien.
« Le futur président de la République doit peut-être prendre cette première décision d’aller tenir le premier conseil des ministres à Kidal », estime l’historien Abderrahmane Ngaidé, enseignant à l’université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar.
Un acte symbolique qui pourrait amorcer la construction d’un nouvel avenir pour le pays, selon le Dr Ngaidé qui fait du Mali un pays clé, dont la stabilité reste vitale pour toute l’Afrique de l’ouest.
Sur le front sud, à Bamako notamment, les luttes de pouvoir n’ont pas encore pris fin. Elles ont même été exacerbées par l’issue encore incertaine de l’élection présidentielle du 28 juillet 2013, qui s’est déroulée dans le calme et avec un taux de participation record de 53 %, risque tout de même de raviver la division au sein de la classe politique.
La sortie médiatique du ministre de l’Administration du territoire Moussa Sinko Coulibaly a fait exploser une polémique qui couvait depuis la fermeture des bureaux de vote.
Devant la presse, le ministre a présenté des tendances qu’il dit « largement favorables », au candidat Ibrahim Boubacar Keîta. Une information qui a vite fait d’installer la polémique dans le camp de Soumaïla Cissé.
Autre grand favori de ce scrutin, Cissé estime qu’un second tout est « inévitable ». Il a d’ailleurs appelé à la démission du ministre de l’Intérieur.
« La communauté internationale doit prendre toute la mesure du danger d’éventuelles élections contestées et ses répercussions sur la stabilité du Mali et de la sous-région », avertit Bakary Sambe.
Rappelant le cas ivoirien, d’aucuns estiment que le peuple malien a fait son devoir, et qu’il appartient maintenant aux hommes politiques de faire preuve de responsabilité.
A l’annonce de la date du 28 juillet, beaucoup d’analystes avaient exprimé leur crainte à cause du délai très serré qui ne garantissait pas un déroulement normal du processus électoral.
Pour Mathias Hounkpe, parmi les priorités qui devront être celles du prochain président figure la correction des impairs du système électoral, malien longtemps décrié.
« Lorsque l’on pratique la politique de l’autruche avec les insuffisances du processus électoral, elles reviennent toujours vous hanter, la Guinée est là pour nous le rappeler », renchérit M. Hounkpe.
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