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Mali : les réseaux sociaux exacerbent la propagation de la désinformation

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Ouestafnews – La désinformation a connu une tendance vertigineuse ces dernières années au Mali. Dans ce pays confronté à une crise multidimensionnelle depuis plus d’une décennie, les réseaux sociaux ont fortement contribué à la propagation de fausses informations au sein des différentes communautés.

En 2019, à Bandiagara, dans la région de Mopti au Centre du Mali, une note vocale – assortie d’un ultimatum – attribuée aux autorités locales invitait les habitants de la localité à évacuer la ville pour des raisons de sécurité. Ce message avait semé la panique en poussant au départ massif des populations et notamment des fonctionnaires vers Mopti. Prises au dépourvu, les autorités maliennes avaient démenti « l’info » en indiquant que l’objectif de ses auteurs était de désinformer l’opinion publique.

Selon le journaliste malien Aliou Diallo, les réseaux sociaux au Mali sont utilisés depuis quelques années comme des moyens de propagation de « fausses informations » et de « messages de haine ».

Le chef de projet à BenbereVerif, média en ligne spécialisé dans la vérification de l’information, a souligné que de nombreuses informations sont créées sur des bases communautaires, favorisant ainsi un « repli identitaire » au sein des plateformes numériques où des groupes ethniques se regroupent, notamment sur WhatsApp. Aliou Diallo intervenait au forum de la plateforme Fact’Africa, organisé le 14 janvier 2025 à Dakar.

Fact’Africa qui regroupe des journalistes, blogueurs, documentaristes et d’autres acteurs des médias s’est assigné comme mission de répondre aux besoins d’information des nouvelles générations africaines, en particulier des jeunes âgées de 15 à 35 ans.

Le Centre du Mali est confronté depuis plus d’une décennie à des attaques terroristes multiples. La zone est en proie à de récurrentes violences intercommunautaires dont le pic a été le massacre d’une centaine de civils par des miliciens dans le village d’Ogossagou. Cette affaire a entraîné à l’époque la chute du gouvernement dirigé par le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maiga sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta, qui a dirigé le Mali de septembre 2013 à août 2020, avant son décès en février 2020.

Aliou Diallo souligne que dans des localités « reculées » du Mali, les réseaux sociaux, notamment WhatsApp, sont « perçus comme plus fiables ». Selon le journaliste, cela augmente leur impact parce que l’information vient généralement de personnes qu’on connaît et qui parlent la même langue, ce qui renforce la confiance en la source.

Pour sa part, Malick Konaté, journaliste malien exilé en France, les médias sociaux, en particulier les chaînes Facebook et Web TV qui ont gagné en popularité au Mali, sont souvent utilisés pour « influencer » et « diviser l’opinion publique ». Ces plateformes sont contrôlées par des acteurs qui suivent les « répertoires officiels » et se livrent à une compétition pour l’audience, véhiculant des propos « haineux » et « stigmatisants » susceptibles d’aggraver le climat social, explique le membre de la plateforme Fact’Africa.

Depuis août 2020, la junte militaire de transition dirigée par le général Assimi Goïta après le coup d’État contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, bénéficie du soutien populaire de groupes de jeunes sur les plateformes numériques. Autrefois marginalisés dans la politique nationale, ils s’impliquent désormais activement, tout en soutenant la politique post-coup d’État au Mali sur les réseaux sociaux.

Le rôle de ces blogueurs est « d’offrir une visibilité accrue à l’action politique (…) des acteurs au pouvoir en fonction de leurs convictions ou du montant reçu », explique Habibou Bako, doctorant en sciences politiques à l’Université Abdou Moumouni du Niger.

Dans un article intitulé « Réseaux sociaux et désinformation au Sahel » publié en décembre 2022 dans le « Bulletin Franco Paix », M. Bako souligne qu’en plus des blogueurs, s’activent aussi des « vidéomans ». La fonction principale de ces derniers est de couvrir en direct des manifestations électorales, des meetings politiques ou les périodes de coups d’État dans le but de « façonner instantanément » l’opinion publique.

En juin 2020, de grandes manifestations avaient été organisées par le Mouvement du 5 juin et Rassemblement des forces patriotiques13 (M5-RFP) contre le régime d’Ibrahim Boubacar Keita. Elles avaient été suivies par le putsch contre le président Ibrahim Boubacar Keïta. 

C’est à partir de cette période que l’utilisation des réseaux sociaux a pris une autre dimension au Mali avec des utilisateurs prônant « l’engagement en ligne et le patriotisme, tout en mettant en avant les réussites des pouvoirs public et le principe de fierté nationale », indique le journaliste malien Aliou Diallo.

Selon ce dernier, ces acteurs, dans leur soutien à la junte militaire, ont présenté les sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à l’encontre du Mali comme « des actions de déstabilisation de la France ».

Fin 2021, la Cedeao avait infligé des sanctions économiques au pays suite au coup d’Etat de mai 2021, avant de les lever en février 2024, après l’annonce du « retrait » du Mali, du Burkina Faso et du Niger, deux pays également dirigés par des militaires, de l’organisation sous régionale.

Réunis au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) en septembre 2023, ces trois pays sahéliens vont quitter la Cedeao le 29 juin 2025. Ils reprochent à l’institution sous régionale d’être placée sous l’influence de la France, l’ancienne puissance coloniale avec laquelle ils ont rompu toute coopération militaire.

Aujourd’hui, regrette le journaliste malien Malick Traoré, la tendance est aux « restrictions de l’espace public », caractérisées par des arrestations et tentatives d’arrestations des voix critiques contre la junte militaire au pouvoir.

ON/md


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