Ouestafnews – La période coïncidant avec l’attente des résultats du second tour de la présidentielle au Mali a été marquée par des «coupures» et de fortes « perturbations » du réseau Internet, dans ce pays. Une situation que déplorent les usagers ainsi que les organisations de défense de la liberté d’expression.
Le second tour de la présidentielle disputée le 12 août a vu la victoire du président sortant Ibrahim Boubacar Keita sur le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé. L’alerte sur la coupure de l’Internet a été lancée par l’ONG Internet Sans Frontières (ISF) dans un communiqué parvenu à Ouestaf News.
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«C’est la première fois de son histoire que le Mali se coupe totalement du réseau Internet. Nous regrettons que le Mali choisisse de ne pas respecter le droit international qui protège la liberté d’expression », a affirmé Julie Owono, directrice exécutive de l’organisation qui se bat pour un Internet libre et le droit à la sécurité en ligne des citoyens. «C’est un droit civique important en période électorale», a ajouté la directrice d’ISF.
Dans un témoignage recueilli au téléphone par Ouestaf News, le journaliste malien Maciré Diop confirme qu’il y a effectivement eu des « perturbations » sur le réseau.
«On a constaté des perturbations sur la connexion internet une bonne partie de cette semaine et cela se ressentait sur le travail », souligne-t-il, précisant aussi que la situation s’améliore depuis la journée du 16 août 2018.
Les résultats du second tour ont été publiés à cette date et consacré consacrant la victoire du président sortant Ibrahim Boubacar Keita. La coupure de l’Internet au Mali avait été constatée depuis le 10 août.
Aucune réaction n’a été notée de la part du gouvernement ou des opérateurs de télécoms pour expliquer ces coupures.
«Au Mali, l’accès à l’information, et en particulier à Internet en période électorale est un critère important pour évaluer la transparence, la crédibilité et la sincérité du vote », selon Mme Awono, citée dans le communiqué de son organisation.
Selon Fatima Harber, une bloggeuse malienne dont ISF a recueilli le témoignage, pendant la période concernée, pendant cette période, on ne pouvait accéder à l’internet que via l’ADSL, mais seules les institutions et les entreprises peuvent se permettre d’accéder à Internet via ce moyen qui est extrêmement cher pour la plupart des maliens.
L’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes n’a pas publié de sondage sur le taux de pénétration d’internet au Mali ces dernières années. Mais selon les chiffres de l’Union internationale des télécommunications (UIT), en 2017, ce taux était de 11,11%.
La population malienne était estimée en 2016 par la banque mondiale à plus de 17,9 millions d’habitants. Aujourd’hui elle a dépassé les 19 millions.
«Le premier acte de la censure a été la restriction d’accès aux principaux réseaux sociaux, depuis le réseau de l’opérateur de téléphonie principal Orange Mali», a déploré ISF dans son communiqué.
A la suite du premier tour de l’élection présidentielle du 29 juillet 2018, l’ONG Internet Society Mali avait également dénoncé de « sérieuses perturbations de la connexion Internet et une lenteur inhabituelle pour accéder aux réseaux sociaux sur l’ensemble du territoire ».
«Nous déplorons cette situation et sommes très inquiets de la voir se prolonger jusqu’au 12 août 2018, date éventuelle du deuxième tour de cette élection et même au-delà», pouvait-on lire dans un communiqué en date du 30 juillet 2018.
Selon une étude du Cabinet Deloitte, cité par Internet Society Mali, une perturbation de la connexion Internet dans un pays peut entrainer une perte de 1,9% du Produit intérieur brut (PIB) d’un pays.
Selon un rapport du Centre international de promotion des technologies de l’information et de la communication (CIPESA), les coupures d’Internet en Afrique subsaharienne ont coûté 237 milliards de dollars de 2015 à 2017.
Cette étude du CIPESA note également qu’au moins dix pays de l’Afrique subsaharienne ont enregistré des perturbations de leur réseau internet sur décision des autorités. Et ce fait est récurent durant la période de crises sociales ou électorale mais également de tension politique.
Des organisations comme ISF dénoncent régulièrement la censure d’Internet en période électorale. Ce fut le cas lors de l’élection présidentielle en Gambie en décembre 2016 où l’ex-président Yayha Jammeh avait même fait voter des lois restreignant la liberté des internautes.
Au Tchad, «depuis six mois, la totalité des réseaux sociaux sont bloqués par les deux principaux opérateurs téléphoniques du pays. Pour accéder à Facebook ou Whatsapp, ces derniers sont obligés d’utiliser des réseaux privés virtuels. Cet usage double ou triple le prix de leurs communications», lit-on dans le site d’Internet Sans Frontière.
En République démocratique du Congo, une coupure de l’Internet et des SMS a eu lieu le dimanche 25 février 2018, de 9 heures à 19 heures environ. Cette nouvelle coupure s’ajoutait à la longue liste de pratiques de censure en ligne imposées par le gouvernement congolais, y compris la coupure SMS et Internet lors de la manifestation du 20 janvier 2018, lit-on toujours dans le site d’Internet Sans Frontières.
Au Togo, les manifestations de l’opposition en septembre 2016, ont été marquées par un accès difficile à internet, rappelle Internet Sans Frontières.
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